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Article n°2 : Obesity alters the gustatory perception of lipids in the mouse: plausible involvement of lingual CD36

III.1. Mécanismes de l’endotoxémie métabolique

L’endotoxémie métabolique est caractérisée par une élévation faible (≈ 2 à 5 fois) mais chronique des taux de LPS plasmatiques (Everard and Cani, 2013). Le LPS est ancré dans la membrane externe des bactéries à Gram négatif grâce au lipide A qui est également responsable de son activité pro-inflammatoire (Plociennikowska et al., 2015). Il est continuellement produit dans l’intestin avec la mort des bactéries Gram-négatives (Everard and Cani, 2013). Il est capable de passer la barrière intestinale et est transporté par la LBP (LPS binding protein) dans le plasma. Les mécanismes d’action du LPS au niveau cellulaire nécessitent le CD14 (cluster de Différenciation 14)et le TLR4 (Cani et al., 2007a), et sont décrits dans l’encart n°4 et la figure 47.

Résultats – Partie III

147 Encart n°4 : Activation du TLR4 par le LPS.

Les TLR (toll-like receptors) reconnaissent divers composants microbiens et induisent la production de médiateurs pro-inflammatoires qui jouent un rôle dans l’éradication de l’infection. Parmi eux, le TLR4 est activé par le LPS. Cette activation nécessite une interaction entre le LPS et la LBP, qui facilite le transfert du LPS au CD14. Puis, le CD14 bascule le LPS au complexe TLR4/MD-2. La dimérisation du TLR4 entraîne le recrutement de TIRAP/MyD88 d’une part, et de TRAM/TRIF d’autre part. Dans un premier temps, MyD88 recrute les kinases IRAK, ce qui permet une cascade de signalisation aboutissant à l’activation de NF-κB et des MAP kinases et à la production de cytokines pro-inflammatoires telles que TNF-α et IL-6. Après l’endocytose du récepteur, TRIF initie une voie de signalisation qui active le facteur de transcription IRF3, entraînant l’expression d’IFN (interférons) de type I et de chimiokines telles que IL-10. Des données récentes indiquent que, en plus du CD14, d’autres protéines (comme par exemple le CD36) participent à la signalisation LPS-TLR4-dépendante, et que l’association du TLR4 et ces protéines s’effectue dans des radeaux lipidiques (Plociennikowska et al., 2015).

Figure 47 : Activation du TLR4 par le LPS.

Adapté de (Plociennikowska et al., 2015)

CD14 : Cluster de Differentiation 14 ; IL : interleukine ; IRAK : interleukin 1 receptor associated kinase ; LBP : LPS binding

protein ; LPS : lipopolysaccharide ; MD-2 : lymphocyte antigen 96 ; MyD88 : myeloid differentiation primary response gene 88 ;

NF-κB : nuclear factor kappa-light-chain-enhancer of activated B cells ; TIRAP : toll-interleukin 1 receptor domain containing

adaptator protein ; TLR4 : toll-like receptor 4 ; TNF-α : tumor necrosis factor-α ; TRAM : toll-like receptor adaptator molecule 2 ;

Résultats – Partie III

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Les travaux de l’équipe de Patrice Cani ont montré une élévation faible d’endotoxine chez des souris en régime HF pendant 4 semaines (Cani et al., 2007a; Cani et al., 2008). De manière intéressante, la composition du régime influence le taux d’augmentation du LPS : il est plus élevé avec un régime riche en lipides saturés qu’avec un régime riche en glucides (Amar et al., 2008). Chez l’Homme également, le LPS est associé à l’obésité (Kallio et al., 2015) et à la consommation de lipides (Amar et al., 2008). Le rôle de l’endotoxine dans les désordres métaboliques a été confirmé grâce à des mini-pompes osmotiques implantées en sous-cutané (et reliées à la cavité péritonéale) chez des souris et qui délivrent une faible dose de LPS en continu (300µg/kg/jour) pendant 4 semaines. Les niveaux circulants de LPS engendrés étaient globalement similaires à ceux observés lors d’un régime HF de même durée, ainsi que les effets métaboliques : augmentation du tissu adipeux, hyperglycémie, hyperinsulinémie etc. (Cani et al., 2007a; Nguyen et al., 2014).

Le microbiote intestinal est mis en place dès la naissance et joue un rôle fondamental dans le bien-être et la santé de l’hôte. Il est maintenant admis que l’obésité est associée à des changements au niveau des populations microbiennes de l’intestin, dans leur diversité et dans leur composition. On parle alors de dysbiose intestinale. Le microbiote des modèles de souris obèses est globalement caractérisé par une augmentation des Firmicutes et une diminution des Bacteroidetes, qui sont les deux phyla dominants dans l’intestin (Ley et al., 2005; Turnbaugh et al., 2006). De plus, une diminution du genre Bifidobacterium, qui est inversement corrélée à l’inflammation (Cani et al., 2007b), a été rapportée de manière assez constante, chez l’animal ainsi que chez l’Homme obèse (Cani et al., 2007a; Million et al., 2012). Chez l’Homme, une moindre diversité de la population bactérienne apparait comme un facteur de risque pour l’obésité et l’insulino-résistance (Le Chatelier et al., 2013; Turnbaugh et al., 2009).

L’intestin représente une barrière physique entre le microbiote et l’hôte, permettant à la fois la relation symbiotique entre les deux, mais aussi d’empêcher l’invasion des tissus par les bactéries ou les endotoxines qui en sont dérivées telles que le LPS. La fonction barrière est un système complexe incluant plusieurs facteurs : des facteurs physiques (épaisseur du mucus, jonctions serrées etc.), des facteurs d’immunité innée (TLR, peptides antimicrobiens etc.) et même des bactéries spécifiques ayant une action bénéfique (comme Bifidobacterium spp et Akkermansia muciniphila) (Cani and Everard, 2015). Dans certains cas, cette barrière peut être altérée. Un régime HF augmente la perméabilité intestinale, par exemple en modifiant l’expression et la localisation des protéines de jonctions serrées qui lient les cellules intestinales entre-elles (Cani et al., 2008). La modification du microbiote par antibiotiques permet d’améliorer les fonctions de barrière de l’intestin, montrant l’implication du microbiote (Cani et al., 2008). Notons que la modification de la perméabilité dépend de la présence d’AGS dans le régime (Lam et al., 2015). Les mécanismes impliqués dans la perturbation des fonctions barrière de l’intestin ne sont pas totalement élucidés. Parmi eux, le système endocannabinoïde (eCB) semble jouer un rôle important : les antagonistes de CB1R diminuent la perméabilité intestinale. Un traitement par antibiotiques diminue

Résultats – Partie III

149 l’expression de CB1R dans le côlon, montrant encore une fois l’importance du microbiote dans la fonction barrière de l’intestin (Muccioli et al., 2010).

L’ensemble de ces données montre un lien très important entre le microbiote intestinal et le métabolisme de l’hôte. Une altération du microbiote par un régime HF entraîne une augmentation de la perméabilité intestinale, ce qui facilite le passage du LPS, induisant une inflammation bas-bruit systémique. De manière intéressante, les bourgeons du goût sont capables d’induire une réponse inflammatoire suite à une injection de LPS, avec des conséquences notamment sur leur structure.