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Quelles sont les questions posées ?

II.2. Régulation physiologique du comportement alimentaire

D’un point de vue physiologique, les aliments sont perçus par l’intermédiaire de signaux précoces orosensoriels à la fois somesthésiques (texture, température, piment…), olfactifs (ortho et rétro-olfaction) et gustatifs, et également par l’intermédiaire de signaux plus tardifs : post-ingestifs puis post-absorptifs. L’ensemble de ces informations est intégré au niveau central et conditionne le choix des aliments et les déterminants de la prise alimentaire.

Etat des connaissances – Partie II

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II.2.1. Intégration des signaux gustatifs

Le NTS est localisé au niveau du bulbe rachidien (figure 14) et constitue le 1er relais central gustatif : il est innervé par les nerfs gustatifs, vague et trijumeaux. Il projette des fibres nerveuses dans différentes parties du cerveau : notamment l’hypothalamus et le système cortico-limbique. Les informations gustatives, après avoir transité par le NTS, sont donc traitées par différentes aires cérébrales, notamment l’axe cortico-limbique à l’origine de la dimension émotionnelle non-homéostatique du comportement alimentaire. Ce système de récompense (« reward ») ou renforcement évalue la palatabilité des aliments, autrement dit leur valeur hédonique, grâce à trois composantes (Berridge et al., 2009) :

- La composante affective (liking), qui correspond au plaisir immédiat retiré de la consommation d’un aliment,

- La composante motivationnelle (wanting), qui reflète la détermination à obtenir la récompense alimentaire attendue,

- La composante cognitive (learning), permettant la mémorisation des expériences alimentaires antérieures, entraînant une hiérarchisation de la valeur hédonique des aliments.

L’intégration de ces paramètres détermine en partie les choix alimentaires (figure 13).

Figure 13 : Circuit d’intégration du signal gustatif au niveau du cerveau émotionnel.

D’après (Besnard, 2015).

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Le système cortico-limbique comprend différentes zones impliquées dans la régulation du comportement alimentaire : le cortex orbito-frontal, l’insula, l’aire tegmentale ventrale (VTA), le noyau accumbens (Nac) pour la motivation et la récompense (figure 14) ; l’amygdale et l’hippocampe pour l’émotion et la mémoire ; le cortex orbito-frontal pour le contrôle cognitif et l’attention (Besnard, 2015; Hussain and Bloom, 2013).

Figure 14 : Principales aires cérébrales impliquées dans la régulation du comportement alimentaire.

D’après (Besnard, 2015).

NTS : noyau du tractus solitaire.

II.2.2. Intégration des signaux post-ingestifs

Les signaux digestifs au niveau de l’estomac ou de l’intestin peuvent être transmis au système nerveux central soit par voie humorale, soit par voie vagale qui aboutit au NTS. Certains signaux sont mécaniques, comme par exemple la distension gastrique qui informe le cerveau de l’arrivée de nutriments. La présence de nutriments dans l’intestin est également détectée et contribue à la satiété postprandiale. D’autres signaux sont de nature hormonale dont la plupart ont pour effet la réduction de la prise alimentaire (Maljaars et al., 2007). Parmi les hormones gastro-intestinales sécrétées en réponse à l’arrivée de nutriments, on peut citer par exemple la cholécystokinine (CCK), le GLP-1 ou encore le peptide YY (PYY). Ces hormones agissent soit via le nerf vague, soit directement sur leurs récepteurs au niveau de l’hypothalamus. Il est à noter que la seule hormone gastro-intestinale connue qui stimule la prise alimentaire est la ghréline : sa concentration plasmatique augmente avant un repas pour initier la sensation de faim. L’insuline est quant à elle sécrétée par le pancréas en réponse à une augmentation de la glycémie, et la leptine est produite principalement par les adipocytes. Ces deux hormones ont une action satiétogène à court terme suite à un repas, mais également à long terme : leurs taux plasmatiques sont en effet proportionnels à la masse grasse (Benoit et al., 2004).

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Figure 15 : Système mélanocortine central.

Adapté de P. Besnard.

AgRP : agouti-gene related peptide ; α-MSH : alpha-melanocyte-stimulating hormone ; CART : cocaine and amphetamine related

transcript ; GABA : acide γ-aminobutyrique ; NPY : neuropeptide Y ; POMC : pro-opiomélanocortine ; PVN : noyau

paraventriculaire.

L’hypothalamus joue un rôle fondamental dans la régulation de la prise alimentaire et le métabolisme énergétique en général, en intégrant les signaux périphériques internes de faim ou de satiété. Ce système de régulation est homéostatique : il s’agit du « cerveau métabolique » (figure 14). Il est constitué de différentes aires, dont le noyau arqué qui est pourvu d’une barrière hémato-encéphalique perméable lui permettant d’accéder aux hormones circulantes (leptine, insuline, ghréline par exemple). Les populations neuronales du noyau arqué communiquent avec d’autres aires de l’hypothalamus également impliquées dans le contrôle de la prise alimentaire, comme l’hypothalamus latéral, le noyau paraventriculaire (PVN) ou le noyau ventromédian (VMH). Les neurones du noyau arqué expriment des neuropeptides dont certains ont des effets orexigènes (stimulant la prise alimentaire) et d’autres des effets anorexigènes (inhibant la prise alimentaire). Le système orexigène est constitué du NPY et de l’Agouti-gene Related Peptide (AgRP), d’où le nom de neurones NPY/AgRP. Le système anorexigène exprime la pro-opiomélanocortine (POMC), précurseur de l’alpha-Melanocyte-Stimulating hormone (α-MSH) ou mélanocortine et le Cocaine and Amphetamine Related Transcript (CART). Ces neurones sont appelés POMC/CART. Ces 2 systèmes sont antagonistes et s’inhibent entre eux, ce qui permet une régulation fine de la prise alimentaire. Ils constituent le système mélanocortine central (figure 15). L’insuline et la leptine activent les neurones POMC/CART et inhibent les neurones NPY/AgRP, alors que la ghréline a une action inverse. Enfin, notons que les nutriments eux-mêmes, notamment les AGLC et le glucose, peuvent agir directement au niveau de l’hypothalamus pour réguler la prise alimentaire (Carey et al., 2013; Obici et al., 2002).

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En bref, le comportement alimentaire résulte de l’intégration de signaux externes (notamment gustatifs) par le système cortico-limbique, permettant d’évaluer la palatabilité des aliments, et de signaux internes (de satiété, de rassasiement et de faim) par l’hypothalamus, permettant d’adapter la prise alimentaire aux besoins énergétiques de l’organisme. De plus, les signaux externes gustatifs peuvent également être intégrés par l’hypothalamus, et les signaux internes (comme les hormones) par le système cortico-limbique, entraînant un dialogue entre le système homéostatique et le système non-homéostatique. L’ensemble permet ainsi de relier la satisfaction hédonique au bien-être métabolique procuré par un aliment et de réguler les choix alimentaires (figure 16). Les propriétés sensorielles et nutritionnelles des aliments ont donc des effets différents sur la régulation du comportement alimentaire.

Figure 16 : Circuit d’intégration, du signal gustatif aux cerveaux émotionnel et métabolique.

D’après (Besnard, 2015).

Etat des connaissances – Partie III

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Partie III : Comment le sensing des lipides régule-t-il le comportement alimentaire ?

Afin d’aborder les effets physiologiques des lipides sur le comportement alimentaire, nous allons dans un premier temps définir les différentes classes de lipides et résumer leurs fonctions au niveau cellulaire.