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Comme nous l’avons évoqué, même si des prédispositions génétiques existent, leur interaction avec l’environnement ou le mode de vie est déterminant dans le développement de l’obésité. Par exemple, une grande variété de molécules chimiques de l’environnement, incluant des contaminants alimentaires, ont une activité obésogène (Baillie-Hamilton, 2002). Elles seraient à l’origine de modifications pouvant influencer le métabolisme et l’adiposité (Grun and Blumberg, 2009). La plupart de ces molécules sont des perturbateurs endocriniens (Grun and Blumberg, 2009), dont un exemple connu est celui du bisphénol A (BPA) qui entre dans la composition de nombreux emballages alimentaires en plastique ou encore des revêtements intérieurs des boîtes de conserve ; il est capable de migrer dans les aliments, sous l’effet de la chaleur notamment. De nombreuses études chez le rongeur ont identifié un effet du BPA sur l’homéostasie énergétique, ce qui résulte en une augmentation de la masse corporelle, particulièrement lors d’une exposition péri-natale (Le Corre et al., 2015). Chez l’Homme, peu d’études épidémiologiques ont examiné le rôle du BPA dans l’épidémie d’obésité. Malgré l’absence de consensus par rapport à la dangerosité du BPA chez l’Homme, ce composé a été interdit en France dans les biberons dès 2010, et depuis le 1er janvier 2015 dans tous les emballages alimentaires par principe de précaution.

Un autre facteur qui peut être impliqué dans le développement de l’obésité est le microbiote intestinal. L’intestin humain forme un environnement complexe (le microbiome) qui contient une population de 1014 bactéries (le microbiote). Le microbiote intestinal est mis en place dès la naissance et joue un rôle fondamental dans le bien-être et la santé de l’hôte, en étant impliqué dans diverses fonctions biologiques, telles que la défense contre les pathogènes, le renforcement des fonctions immunitaires, le développement des villosités intestinales et la dégradation des polysaccharides non digestibles (fibres) (Everard and Cani, 2013). Ces dernières années de nombreuses études ont mis en avant un lien très fort entre la composition du microbiote et le contrôle de la prise de poids. La première étude montrant un effet direct du microbiote sur le développement de la masse grasse et sur l’altération de l’homéostasie énergétique date de 2004 (Backhed et al., 2004). Les auteurs révèlent que les souris axéniques (dépourvues de microbiote) sont plus minces que les souris conventionnelles, malgré une prise alimentaire plus importante. Le transfert d’un microbiote chez ces souris se traduit par une augmentation de la masse grasse. Les mécanismes impliqués sont multiples et encore mal connus. Ils incluent une capacité du microbiote à augmenter la proportion d’énergie extraite de la nourriture, et à moduler les voies de signalisation impliquées dans l’homéostasie énergétique et le métabolisme de l’hôte, sans oublier son rôle dans l’inflammation bas-bruit caractéristique de l’obésité (Everard and Cani, 2013).

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31 Le statut social est déterminant dans le risque d’obésité. Le poste alimentation est l’un des plus importants dans le budget des ménages français : ceux qui ont un revenu supérieur à 3500€ nets mensuels dépensent 539€ par mois pour l’alimentation, alors que ceux qui ont un revenu de moins de 1000€ dépensent 222€ en moyenne (Laisney, 2013). Ces différences sociales se traduisent dans le type d’aliments choisis et sont visibles dès l’enfance et l’adolescence : pour les catégories sociales les plus élevées, « bien nourrir son enfant » revient à lui proposer des aliments jugés sains, alors que pour les catégories les plus basses, cela revient à lui offrir une abondance d’aliments nourrissants. Les données collectées dans l’enquête NutriNet-Santé confirment que le pourcentage de sujets suivant les recommandations nutritionnelles du PNNS est plus faible chez les ouvriers que chez les cadres (Nutrinet-Santé, 2011). Tout ceci se traduit par une prévalence de l’obésité inversement proportionnelle au niveau de revenu du foyer (ObEpi, 2012).

Ceci nous amène à la composante principale du développement de l’obésité : le déséquilibre entre les apports énergétiques et les dépenses. L’évolution du monde occidental tend vers un mode de vie plus urbain et sédentaire qui contribue à diminuer les dépenses énergétiques. Cette tendance est également présente dans des pays à revenu faible ou intermédiaire, où les populations sont davantage exposées à une alimentation inadaptée, dense en énergie mais dont la qualité nutritionnelle (présence de vitamines et minéraux) est médiocre, associée à une sédentarisation liée à l’évolution des modes de vie et de transport. Au niveau des activités sportives, selon un rapport de la Commission Européenne (Spécial Eurobarometer 412, 2014) 42% des français déclarent ne jamais faire de sport. D’autre part, depuis la révolution industrielle du XIXe siècle, contemporaine des progrès du monde agricole, une « transition nutritionnelle » s’est amorcée, se traduisant par une diminution de la consommation de glucides au profit des lipides (figure 3), qui s’accélère vers 1960, au moment du développement des grandes surfaces et des industries agroalimentaires.

Figure 3 : Evolution de la structure des apports énergétiques en France depuis 1961.

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Aujourd’hui, l’apport calorique total demeure stable dans la population adulte (environ 2500kcal/j chez les hommes et 1900kcal/j chez les femmes en moyenne) et proche des ANC (apports nutritionnels conseillés). Il faut donc s’intéresser à la qualité des apports pour expliquer en partie l’épidémie d’obésité. Pour les glucides, ils apportent environ 45% de l’apport énergétique sans alcool alors que les recommandations de l’Anses sont d’atteindre 50 à 55%, en privilégiant les glucides complexes, en diminuant les glucides simples et en augmentant la quantité de fibres consommées.

Pour les lipides, lapart recommandée dans l'apport énergétique est de 35 à 40% selon l’Anses. La limite haute de la fourchette proposée par l’Anses est dépassée en France par environ 43% des adultes et 34% des enfants. De manière intéressante, l’augmentation de la part de lipides au cours de la transition nutritionnelle en France correspond à l’apparition de l’épidémie d’obésité. Du point de vue qualitatif, la proportion d’acides gras saturés (AGS) est trop importante (17% contre 12% recommandés par l’Anses). Quant aux acides gras essentiels, dans le régime occidental, le rapport oméga 6 / oméga 3 est de 17, alors que l’Anses recommande un rapport de 4 (Simopoulos, 2008). Or, il est connu qu’un rapport élevé favorise les processus inflammatoires, les risques de maladies cardiovasculaires et l’obésité (Guesnet, 2005).

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