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L’utilisation de prébiotiques améliore-t-elle la détection orosensorielle des lipides ? lipides ?

Does the inflammation of gustatory papillae explain the impairment of oral fat detection in obese mice?

III.3. Résultats complémentaires : effets des prébiotiques sur la détection gustative des lipides et du saccharose

III.4.2. L’utilisation de prébiotiques améliore-t-elle la détection orosensorielle des lipides ? lipides ?

Le microbiote apparait comme un « chef d’orchestre » de nombreuses fonctions physiologiques et joue un rôle important dans la mise en place de l’obésité (Boutagy et al., 2015; Everard and Cani, 2013). En intervenant sur ce microbiote grâce à l’utilisation de prébiotiques, il est possible d’améliorer les désordres métaboliques associés à l’obésité et au diabète de type II (Everard and Cani, 2013). Un certain nombre de bactéries « bénéfiques » sont augmentées lors d’une supplémentation en prébiotiques. Parmi elles, Bifidobacterium spp représente un groupe complexe de bactéries, qui est diminué lors d’un régime HF (Cani et al., 2007a) et augmenté par l’utilisation de prébiotiques de type inuline (Salazar et al., 2014). Les bifidobactéries permettent d’améliorer l’homéostasie du glucose et l’inflammation associée à l’obésité (Cani et al., 2007b). Les mécanismes d’action des prébiotiques sont multiples et impliquent notamment la modulation de la sécrétion de peptides gastro-intestinaux produits par les cellules entéroendocrines L, et impliqués dans le contrôle de la prise alimentaire, tels que le GLP-1 et le PYY (Everard and Cani, 2013). Un autre peptide, le GLP-2, également produit par les cellules intestinales L, est augmenté par l’action des prébiotiques sur le microbiote. Le GLP-2 est très important pour l’intégrité de la membrane intestinale (Cani et al., 2009). Ces peptides sont en partie sécrétés par l’intermédiaire de l’activation de certains récepteurs. GPR41 et GPR43 sont activés par les AGCC (acétate, butyrate, propionate) produits par la fermentation des fibres (Cani et al., 2013). GPR119 quant à lui, est activé par des endocannabinoïdes tels que le 2-OG qui est augmenté notamment par une bactérie spécifique : Akkermansia muciniphila, elle-même stimulée par les prébiotiques (Everard et al., 2011). Notons que l’augmentation de la production de ces peptides se fait également grâce à la multiplication des cellules L-intestinales sous l’action des prébiotiques (Everard et al., 2011). Au niveau des bourgeons du goût, différents récepteurs sont exprimés, qui pourraient potentiellement être influencés par les produits du microbiote intestinal ou leurs dérivés, par exemple le GLP-1R (Shin et al., 2008), le GPR41, le GPR43 (Gilbertson et al., 2010), ou encore le CB1R (Yoshida et al., 2010).

Partant de ces observations, nous avons supplémenté des souris en régime STD et HF avec de l’inuline, polysaccharide possédant un effet prébiotique (Slavin, 2013). Notre hypothèse était qu’une modification du microbiote par des prébiotiques, notamment chez les souris obèses, pourrait permettre d’améliorer les capacités de détection orosensorielle des lipides, et également du saccharose que nous

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avons utilisé comme contrôle. Les double-choix effectués ne permettent pas de confirmer de manière convaincante cette hypothèse : on observe une très légère amélioration dans le groupe HF-P par rapport au groupe HF-T, mais uniquement pour l’huile de colza à 0.2%.

Pour étudier plus précisément la détection périphérique, un appareillage de type gustomètre a été mis au point afin de déterminer des seuils de détection. Dans ces expériences, la valeur hédonique des stimuli ou liking, relayée par le système gustatif, est évaluée en limitant fortement les influences post-ingestives. De manière globale, sans tenir compte des groupes, les courbes de réponse pour le saccharose sont caractéristiques du lien dose-réponse (Shin et al., 2011a). Elles le sont moins pour le LA : le mode de préparation des solutions est probablement en cause. En effet, la procédure et les solutions utilisées ne permettent pas une émulsion homogène et stable dans le temps. Or, il est connu que la taille des gouttelettes influence la perception du contenu en lipides d’une solution (Mela et al., 1994). De plus, aucun antioxydant n’a été ajouté au moment de la préparation des solutions. On voit donc que ces tests réalisés en gustomètre nécessitent encore des améliorations. L’utilisation d’un homogénéiseur à ultrasons pour émulsionner de façon stable les lipides, et l’ajout d’antioxydant serait une première étape nécessaire pour une comparaison efficace des différentes concentrations à différents temps d’expérimentation. Les résultats concernant le LA sont donc à prendre avec précaution.

Quoiqu’il en soit, à la fois pour le saccharose et pour le LA, les souris en régime HF répondent moins efficacement aux stimuli que les souris en régime STD, comme attendu. Il est en revanche surprenant de constater qu’il n’y a aucune différence entre les groupes HF-T et HF-P en termes de nombre de lapées pour les différentes concentrations utilisées, alors que les souris STD-P répondent légèrement mieux que les STD-T. Cependant, d’un point de vue statistique, cette différence n’est visible que si l’on considère le nombre total de lapées sur toute la durée de l’expérience. Or, ce facteur est très variable d’une souris à l’autre, et peut dépendre de différents paramètres : état de stress de la souris, état de faim et de soif, bruit dans l’animalerie etc. Même si les expériences ont été réalisées de manière à limiter au maximum ces variations (toujours le même manipulateur, décalage des mises à jeun etc.), elles ne peuvent pas être totalement exclues.

Ainsi, il est difficile de conclure sur ces expériences qui restent préliminaires. On peut en effet juger que les différents effets observés sont trop faibles pour pouvoir être considérés comme significatifs. Dans ce cas, les prébiotiques n’auraient aucun effet, et le microbiote n’influencerait pas non plus la détection du gras et du sucre chez les souris. L’altération de la détection orosensorielle des lipides au cours de l’obésité serait alors due uniquement à la masse grasse et potentiellement à l’inflammation associée. Cependant, cette hypothèse serait surprenante en regard de l’importance du microbiote dans l’ensemble des phénomènes liés à l’homéostasie énergétique (Cani and Everard, 2015). Un exemple probant est celui du by-pass gastrique. Réalisé en cas d’obésité sévère, le bypass permet d’induire une

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181 perte de poids rapide, de réduire la masse grasse et d’améliorer le métabolisme du glucose, et donc le diabète de type II. En 2013, Liou et ses collaborateurs ont apporté une belle démonstration de l’impact du microbiote sur le métabolisme de l’hôte. Le transfert du microbiote de souris ayant subi un bypass gastrique chez des souris axéniques n’ayant pas eu d’intervention entraîne une diminution de la masse corporelle et de la masse grasse, comparé à des animaux qui ont reçu le microbiote de donneurs ayant subi une chirurgie placebo (Liou et al., 2013). D’autre part, après un bypass, les patients et les rats montrent une modification de la perception des aliments gras et sucré (Berthoud and Zheng, 2012). Il est donc raisonnable de penser que le microbiote joue un rôle à la fois dans la gestion de la masse corporelle, et à la fois dans les comportements alimentaires et la détection des saveurs, peut-être à travers la modulation de la production d’hormones gastro-intestinales comme c’est le cas après un bypass (Berthoud and Zheng, 2012). Dans le cadre de nos expériences, on peut alors considérer que l’effet des prébiotiques serait faible mais existant dans le cas des souris STD en gustomètres. Concernant les souris HF, on peut supposer que l’action des prébiotiques soit insuffisante, en tous cas dans nos conditions d’expérimentation, pour observer des effets au niveau orosensoriel. Les mécanismes modifiant la détection orale chez les souris obèses semblent en effet clairement multifactoriels et non mutuellement exclusifs (dysbiose, inflammation, hormones).

Des analyses suite au sacrifice des souris de cette expérience sont actuellement en cours pour tenter d’y voir plus clair, avec notamment un dosage plasmatique du LPS et une étude de la composition du microbiote des différents groupes de souris. Il est nécessaire de réaliser une 2nde étude, en améliorant les conditions d’expérimentation et en augmentant le nombre d’animaux afin de pouvoir observer un effet potentiellement faible des prébiotiques sur la détection orosensorielle des lipides et du sucré.

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