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1. Les biocapteurs

1.4. Quelques techniques de transduction pour les immunocapteurs

1.4.3. Transducteurs piézoélectriques

Les immunocapteurs piézoélectriques reposent sur les changements de masse qui ont lieu après la formation ou la dissociation du complexe Ab-Ag. Comme les transducteurs optiques, ils permettent une détection directe sans avoir recours à des marqueurs 47.

La microbalance à cristal de quartz (Quartz Crystal Microbalance, QCM) est le système le plus répandu pour ce mode de transduction. Le principe est basé sur les propriétés piézoélectriques

du quartz, découvertes par les frères Curie en 1880 48, qui sous l’effet d’une contrainte mécanique, subit une déformation qui entraine une polarisation et inversement, sous l’effet d’un courant alternatif, une polarisation qui entraine une déformation. La microbalance à cristal de quartz utilise cette propriété, dans certaines conditions notamment de tension et d’orientation du cristal, pour faire vibrer le quartz à sa fréquence de résonance 49.

Cette fréquence diminue lorsque des molécules se fixent à la surface du quartz et augmente dans le cas d’une perte de masse et permet donc une détection en temps réel des évènements de désorption/adsorption. La mesure de la fréquence est très précise et la variation de fréquence ( F) mesurée est de l’ordre du dixième de Hz. Cet effet a été modélisé par Sauerbrey en 1959 pour aboutir à une équation qui porte désormais son nom et qui permet de corréler F à la variation de la masse ( M) 50:

Avec N l’ordre de l’harmonique, la fréquence de résonance fondamentale du quartz (non chargé), la masse totale ajouté, A l’aire, sous électrode, d’une seule face du cristal, la masse volumique du quartz (2,651 g.cm-3) et le module de cisaillement du quartz (coupe AT) (2,947x1011 g·cm−1·s−2).

En introduisant la masse ajoutée par unité de surface nous obtenons la relation suivante :

Avec = 17.7 ng. Hz-1. cm-2 pour un quartz oscillant à 5 MHz et N l’ordre de l’harmonique = 1, 3, 5, 7... . Pour les QCM actuelles, la fréquence est directement mesurée en tenant compte de N.

Cette équation est utilisée depuis longtemps pour suivre le dépôt de couches fines sous air et sous vide. Le passage en milieu liquide a été initié par les travaux de Nomura et al 51 et il a été possible par la suite d’utiliser la QCM pour suivre plusieurs types d’interactions 52: l’hybridation de brins d’ADN 53, la reconnaissance anticorps-antigène 54 , l’adhésion de cellules

55 , les interactions entre protéines 56 ou encore leur configuration spatiale une fois adsorbées en surface 57.

L’interprétation des variations de fréquence est alors rendue plus complexe du fait que les macromolécules (protéines, polymères…) déposées sur une surface ne constituent pas une fine

couche rigide, leur comportement viscoélastique induit une perte d’énergie de vibration par dissipation.

Les travaux de Kasemo et al. 52 ont permis d’appréhender la nature des interactions entre les électrodes et les molécules adsorbées en mesurant la dissipation. La nouvelle QCM est née en 1995 et baptisée QCM-D (D pour la mesure de la dissipation). La dissipation permet ainsi d’estimer la rigidité de la couche formée 54b, 58.

Figure 8 : Paramètres mesurés en QCM-D. Comparaison de l’effet de l’adsorption d’un film souple (en vert) et d’un film rigide (en rouge) sur les variations de fréquence et de dissipation

[www.qsense.com].

Comme illustré dans la Figure 8, l’adsorption d’un film souple, se traduit par une diminution de la fréquence de résonance ( F < 0) due à la prise de masse et une augmentation de la dissipation ( D > 0) due à la forte atténuation de l’oscillation et donc une énergie de dissipation plus importante.

Dans le cas d’une mesure en phase liquide, il est important de prendre en considération la dissipation dans l’application du modèle de Sauerbrey. La linéarité entre m et F dépend des propriétés viscoélastiques de la couche adsorbée. Reviakine et al ont énoncé les limites d’application de cette relation 59.

La masse absolue calculée à partir de cette relation prend en compte les molécules déposées sur la surface, mais aussi l'eau (ou le solvant) prise au piège dans la couche 58, 60. Donc, il faut être particulièrement prudent dans la comparaison des valeurs tirées de mesures QCM-D avec la masse adsorbée calculée à partir d'autres techniques. Une comparaison des techniques de transduction optique (SPR, PM-IRRAS) et piézoélectrique (QCM) appliquée aux immunocapteurs a permis de corréler les résultats de ces trois techniques et de conclure à des sensibilités comparables de ces techniques avec un avantage en sensibilité pour la SPR.

La QCM possède une bonne sensibilité avec une limite de détection de 1 ng/cm2 pour un cristal de quartz de fréquence fondamentale égale à 5 MHz en atmosphère gazeuse, et 5 ng/cm2 en phase liquide, une robustesse et de faibles temps de réponse, de plus elle permet des mesures in situ et en temps réel.

Elle apporte des informations sur les propriétés viscoélastiques du système 61 et bénéficie d’un gain en sensibilité de détection grâce à l’augmentation de masse correspondant à l’eau liée aux protéines. Une autre particularité est la possibilité de miniaturisation et la capacité de détection simultanée de plusieurs analytes. Elle constitue sans doute l’une des alternatives les plus séduisantes, proposant ainsi des systèmes simples, fiables, rapides, économiques et sélectifs de détection. Cependant, en bio-détection, les cibles sont généralement à l’état de traces, ce qui nécessite une amélioration de la performance de cette technique en termes de sensibilité.

1.5. Axes d’amélioration des immunocapteurs

piézoélectriques

Les immunocapteurs piézoélectriques, comme tous les biocapteurs, doivent obéir à un cahier des charges énonçant un certain nombre de critères de développement à savoir la sensibilité, la limite de détection (LOD), la gamme linéaire et dynamique, la reproductibilité et/ou la sélectivité et spécificité 62. Les autres paramètres évalués incluent le temps de réponse, la stabilité opérationnelle et de stockage du biocapteur. Idéalement, la surface de détection est régénérée pour que le transducteur soit recyclable.

La qualité de la bio-interface gouverne autant la sensibilité que la spécificité du biocapteur. Donc, son design est l'étape clé pendant le processus d'élaboration du biocapteur. Pour le cas des immunocapteurs de multiples étapes sont à maitriser, comme représenté sur la Figure 9.

Figure 9 : Relations générales entre la conception et les caractéristiques opérationnelles des biocapteurs d’affinité. Figure reproduite de la réf. 63.

Différentes méthodes permettant de promouvoir la sensibilité des immunocapteurs piézoélectriques ont été décrites dans la littérature. Concernant les approches chimiques, deux stratégies sont généralement utilisées 64 : l’amplification de la masse déposée et l’optimisation de la couche de capture.