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1. Les biocapteurs

1.4. Quelques techniques de transduction pour les immunocapteurs

1.5.1. Amplification de la masse déposée

Un immunocapteur piézoélectrique est un dispositif sensible à la variation de masse. Dès lors, toute amplification de la masse, impliquera une amélioration de la sensibilité 65.

Les immunocapteurs "classiques" assurent la détection par reconnaissance moléculaire sans marquage et en temps réel. Ce format de détection peut être amplifié par le format dit ‘‘Sandwich’’ 66.

Dans ce format, l’anticorps primaire spécifique de la cible est immobilisé sur la surface, puis incubé avec l’antigène. Un autre anticorps reconnaissant un autre épitope de l’antigène est ensuite lié à l’antigène (voir Figure 10). L’antigène doit être assez grand et posséder au moins deux épitopes pour pouvoir se lier à la fois à l’anticorps de capture et à l’anticorps secondaire. La réponse QCM peut également être amplifiée 67 au moyen d’anticorps liés à des nanoparticules 68, de nanotubes de carbone, de particules magnétiques ou d’enzymes 69. La masse importante de ces marqueurs entraine un changement important de la masse déposée et amplifie ainsi la variation de fréquence de résonance induite 70.

Comme l’illustre la figure ci-dessous, le marqueur peut être conjugué à l’anticorps secondaire ou un anticorps tertiaire qui est un anti-IgG secondaire.

Figure 10 : Formats de détection amplifiés en QCM.

1.5.2. Optimisation de la couche de capture

Trois paramètres sont importants à considérer lors de la construction d’un immunocapteur : la densité surfacique de biorécepteur, son accessibilité à l’antigène, et finalement, la flexibilité de la couche de détection.

Cette approche vise à atteindre une densité de greffage de l'anticorps (ou l’antigène) optimale tout en gardant une orientation garantissant l'accessibilité des sites impliqués dans la reconnaissance biologique. En effet, l’immobilisation de l’anticorps ou l’antigène n’induit pas seulement une activation de la surface du transducteur, mais aussi détermine la sensibilité et le degré de régénérabilité de l’immunocapteur.

Cette étape d’immobilisation est particulièrement délicate car, compte-tenu de la nature « métastable » des anticorps, il faut éviter, lors de leur immobilisation, une altération de leur conformation donc de leur fonction biologique. En effet, une fois immobilisés en surface, les anticorps sont susceptibles d’adopter différentes orientations 27a. En outre, ces orientations peuvent être différenciées en QCM-D 51.

Il existe plusieurs méthodes d’immobilisation allant de la simple adsorption physique à l’élaboration de structures chimiques complexes 71 Le choix de la méthode influe directement sur les performances de la couche de capture.

Les avantages de l’immobilisation par physisorption sont liés à une mise en œuvre facile, ne nécessitant qu’une seule étape, pouvant être appliquée à un grand nombre de protéines. Cependant, elle n’est pas conseillée car elle peut conduire à la dénaturation des protéines et à une mauvaise orientation favorisant ainsi les adsorptions non-spécifiques et la génération de fausses réponses.

Le greffage des protéines (anticorps ou antigène ) directement à la surface peut se faire par couplage chimique covalent 72. Cette approche consiste à réaliser une monocouche auto-assemblée (Self-Assembled Monolayer, SAM) à la surface du transducteur. Il s’agit de dépôt organisé avec une orientation définie de molécules comportant deux groupements fonctionnels séparés par un bras espaceur. L’un est responsable de la liaison avec la surface (chimisorption d’un groupement thiol sur or par exemple), l’autre possède des groupes fonctionnels susceptibles de réagir avec des biomolécules (SH des cystéines et NH2 des lysines, COOH, OH , etc.)73. Les travaux de V. Lebec et al. ont montré une différence dans l’orientation de la protéine lorsqu’elle est en interaction avec une SAM amine ou une SAM alkyle 74. Ils ont montré aussi qu’une étape d’activation d’une SAM acide permettrait de passer d’une simple physisorption à une liaison covalente et donc de mieux contrôler l’orientation de l’anticorps à la surface fonctionnalisée 75.

De plus, les couches de capture fabriquées à partir de monocouche auto-assemblées sont bien plus stables que celles obtenues par simple adsorption. Mais ce mode de greffage peut conduire à une mauvaise orientation de l’anticorps s’il est greffé par le fragment variable. De plus, les liaisons au support peuvent être multiples et restreindre la flexibilité de la protéine, causant une perte de sa fonctionnalité.

Un moyen d’améliorer cette méthode est d’utiliser des fragments d’anticorps. Les fragments d'anticorps offrent plusieurs avantages par rapport aux anticorps entiers tels que la réduction des liaisons non spécifiques qui résultent de l’interaction avec le fragment constant Fc, l’amélioration de la sensibilité par réduction de l’encombrement stérique des épitopes et d’éviter le changement de conformation de l’anticorps lors de la reconnaissance de l’antigène

29, 76.

L’utilisation de protéines de liaison permet de contrôler l’immobilisation des anticorps à la surface des immunocapteurs. Les plus répandues utilisent le couple de haute affinité biotine/avidine (ou streptavidine, neutravidine), les protéines A ou G, les anticorps secondaires ou les brins d’ADN.

La grande affinité biotine/avidine est très utilisée dans les dosages immunologiques 77. Cette stratégie est efficace mais nécessite la « biotinylation » des anticorps, ce qui bien évidemment, ajoute une étape supplémentaire au processus d’élaboration.

La protéine A est une protéine située dans la paroi externe de Staphylococcus aureus. Elle a la propriété de fixer le fragment Fc des immunoglobulines G, du fait d'une complémentarité de structure. Elle possède 4 sites de reconnaissance du fragment Fc et une forte affinité pour les IgG de lapin. Son efficacité pour l’immobilisation orientée des IgG a été prouvée par plusieurs

travaux 78. La protéine G est aussi une protéine de la paroi bactérienne des staphylocoques du groupe G utilisée pour immobiliser des IgGs issues d’espèces telles que la souris, le rat ou la chèvre 79. Elle possède 2 sites de reconnaissance du fragment Fc.

La comparaison entre immunocapteurs construits à partir de trois différentes plates-formes d’affinité souligne l'influence du mécanisme d'adsorption des protéines. Il a été démontré que l’immobilisation via la Protéine A est la plus efficace : elle présente l’avantage de greffer les anticorps à distance de la surface avec une bonne orientation et ainsi une meilleure sensibilité de détection, de même qu’une faible adsorption non spécifique 80. Comme pour les anticorps, il est possible d’immobiliser la protéine A par différentes méthodes chimiques ou physiques. Afin d’éviter l’encombrement stérique des anticorps qui limiterait leur accessibilité, une optimisation de la densité de surface doit être effectuée. cela peut se faire par dilution des fonctions réactives de la couche d’accroche en formant notamment des SAMs mixtes 81. La Figure 11 récapitule les principales stratégies d’immobilisation des anticorps décrites précédemment.

Figure 11 : Groupes fonctionnels utilisés pour l’immobilisation aléatoire et orientée d'Ab sur surface. Figure reproduite de la réf.27a.

L’amélioration de l’accessibilité des anticorps peut également se faire en modifiant la topographie du transducteur et sa surface spécifique. Ainsi, l’immobilisation de nanoparticules sur la surface du transducteur permettrait d’augmenter à la fois la surface de greffage et la flexibilité des biorécepteurs 82.

Plusieurs travaux récents ont fait appel à une combinaison des stratégies décrites afin d’améliorer la sensibilité des immunocapteurs piézoélectriques 76b, 83.

1.6. Bilan : vers la construction d’un immunocapteur