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Chapitre  4   – Présentation de la recherche 75

4.5   Transcription 86

Une fois les données enregistrées, chaque entretien a dans un premier temps été transposé à l’écrit dans son intégralité. Ces transcriptions verbatim ont d’abord été effectuées de manière préliminaire, c’est-à-dire en reportant les paroles des participants tour par tour, afin de fournir un premier support à l’observation. Dans un second temps, seuls les épisodes pertinents au regard de la présente recherche, à savoir les récits, ont fait l’objet d’une transcription plus détaillée, incluant des micro-phénomènes interactionnels tels que les pauses mesurées, les chevauchements discursifs, les intonations, les hésitations, etc.

4.5.1  Méthodologie  de  la  transcription  

Transcrire des données orales constitue une tâche complexe, mais néanmoins nécessaire en analyse conversationnelle. Face aux enregistrements des interactions, le travail de transcription implique de nombreux choix, qui représentent déjà un premier pas analytique tout en ayant un impact sur les analyses à venir. La transcription constitue une étape essentielle, puisqu’en établissant le script des interactions verbales – Winkin parle de « partition » (1981 : 8) – elle permet de découvrir l’ordre des interactions et les mécanismes de synchronisation interactionnelle, en observant comment les éléments sont interconnectés.

Comme il est d’usage en analyse conversationnelle, nos transcriptions ont été effectuées de manière verticale, c’est-à-dire ligne par ligne. Ce mode de transcription permet de rendre visible le déroulement tour par tour de la parole-en-interaction. Chaque tour de parole est précédé des initiales du locuteur. Le plus souvent, nous avons utilisé les initiales « CA » et « RH » pour désigner respectivement les candidats et les recruteurs. Le choix de désigner les participants par leur fonction sociale dans l’interaction institutionnelle plutôt que par leur nom a été motivé par le souci d’augmenter la lisibilité des transcriptions. En outre, les noms et

prénoms des participants, de même que ceux d’autres personnes externes à l’interaction cités au cours de l’entretien, ainsi que les noms de lieux ont été anonymisés dans les transcriptions afin de respecter la clause de confidentialité.

Pour effectuer les transcriptions, nous avons utilisé une police d’écriture équidistante, dont chaque caractère et espacement est de la même longueur, afin d’assurer un alignement des tours de parole et des comportements verbaux – tels que les chevauchements discursifs par exemple – et les rendre ainsi visibles dans les transcriptions (Hepburn & Bolden, 2013). L’objectif des retranscriptions est de transposer à l’écrit des données orales en les représentant le plus fidèlement possible (Sidnell, 2011b). Le travail du transcripteur consiste ainsi à transcrire ce qui est audible et/ou visible, sans tenir compte des normes syntaxiques. Afin de conserver le caractère authentique des données naturelles, et de les envisager selon une perspective émique, c’est-à-dire selon le point de vue du participant, le chercheur doit s’efforcer de les altérer le moins possible. En effet, tout l’intérêt de l’analyse conversationnelle réside dans l’étude des comportements interactifs tels qu’ils sont réellements produits par les locuteurs, et non de travailler sur des données transformées ou créées de toutes pièces. Cependant, la transcription est en grande partie liée aux objectifs analytiques. Ainsi, la présente recherche se consacrant principalement à l’aspect verbal des récits dans les entretiens d’embauche, nous avons fait le choix de ne pas traiter systématiquement le niveau multimodal, c’est-à-dire l’ensemble des gestes, regards, positions et autres comportements non-verbaux des participants. De cette manière, nos transcriptions sont avant tout basées sur les données audio. Toutefois, les données vidéo ont été utiles lors du travail de transcription afin d’éviter des erreurs d’interprétation sur les silences par exemple. La prise de notes par les recruteurs tout au long de l’entretien constitue en effet une activité concurrente qui entraîne parfois des silences prolongés.

Bien qu’aucune transcription ne soit en mesure de rendre compte de la réalité empirique dans tous ses détails, elle constitue un support indispensable pour l’analyse des phénomènes de l’oral. La transcription demeure une réduction des interactions réelles et est forcément sélective, mais la représentation des données orales à l’écrit est rendue possible grâce au

système de conventions élaboré par Gail Jefferson dès 196511. Ce système réinvente signes de

                                                                                                                         

ponctuation et autres signes typographiques afin d’indiquer textuellement des caractéristiques orales telles que les chevauchements discursifs, les pauses, les intonations, le volume de la voix, les allongements vocaliques, etc. Ces conventions de transcriptions se sont massivement diffusées dans la recherche en analyse conversationnelle, et permettent une compréhension commune des phénomènes représentés parmi la communauté de chercheurs. Les conventions utilisées dans la présente recherche en sont largement inspirées (cf. Tableau 2 – Conventions de transcription d’après Jefferson).

Tableau 2 – Conventions de transcription d’après Jefferson

[ ] Début (et fin, si pertinent) d’un chevauchement discursif

= Enchaînement rapide entre deux tours de parole

(0.5) Pause silencieuse, indiquée au dixième de seconde

. Intonation descendante (finale)

? Intonation montante (finale)

, Intonation plate / légèrement montante (continuative)

: Allongement vocalique

- Troncation d’un mot ou auto-interruption

mot Emphase/accentuation

MOT Volume plus élevé

°mot° Volume plus faible

>rapide< Débit plus rapide

<lent> Débit plus lent

↑ Timbre de voix plus aigu

↓ Timbre de voix plus grave

.h Inspiration

((rires)) Commentaire du transcripteur (par exemple gestes, mimiques,

regards, etc.)

(oui) Transcription incertaine

(je ;j’ai) Transcription incertaine avec indication des alternatives

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                             

(alternative hearing)

(xxx) Segment inaudible

Nos transcriptions ont été réalisées à l’aide du logiciel Transana, qui permet un traitement simultané de la vidéo, de la bande audio et de la fenêtre de transcription, et permet ainsi une prise en compte à la fois de la dimension verbale et de la de la dimension non-verbale. L’utilisation d’un logiciel de transcription a notamment pour avantage de rendre possibles les écoutes répétées de certains segments choisis, ainsi que de pouvoir mesurer précisément la durée des pauses.

Contrairement à la plupart des travaux anglophones, nos transcriptions ont été effectuées en utilisant l’orthographe standard plutôt que de retranscrire les sons tels qu’ils ont été prononcés. Ce parti pris implique une perte de la prononciation effective des locuteurs ainsi que les éventuels accents, mais cet aspect n’étant pas au cœur de nos intérêts de recherche a été abandonné au profit d’une meilleure lisibilité des données transcrites. Enfin, les lignes des transcriptions ont été numérotées, afin de faciliter les références lors de nos analyses.