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La transcription est liée au positionnement des gènes au sein d’un noyau  hautement structuré

I. Mécanismes de régulation de la transcription

I.6.  La transcription est liée au positionnement des gènes au sein d’un noyau  hautement structuré

  I.6. La transcription est liée au positionnement des gènes au sein d’un noyau  hautement structuré   

  Nous  avons  pu  voir  au  sein  des  paragraphes  précédents  plusieurs  exemples  illustrant  que  le  noyau  n’est  pas  simplement  un  sac  contenant  les  chromosomes  mais  une  structure  hautement  organisée.  Le  positionnement  des  gènes  au  sein  de  cette  organisation est un déterminant majeur de leur activité transcriptionnelle (figure 9).     Tout  d’abord,  le  positionnement  des  chromosomes  dans  le  noyau  n’est  pas  aléatoire : chacun occupe un territoire distinct (territoire chromosomique : TC) bien que  20% du volume nucléaire soit occupé par des chromosomes voisins entremêlés (Cremer  and  Cremer,  2010).  Ce  positionnement  va  dépendre  du  type  cellulaire.  Ainsi,  dans  les  lymphocytes,  les  chromosomes  riches  en  gènes  seront  situés  au  centre  et  les  chromosomes  contenant  relativement  moins  de  gènes  à  la  périphérie  (Branco  et  al.,  2008). Dans les fibroblastes, c’est la taille des chromosomes qui détermine leur position,  les  plus  petits  occupant  l’espace  nucléaire  central  et  les  plus  grands  se  trouvant  à  la  périphérie  (Bolzer  et  al.,  2005).  L’activation  de  la  transcription  des  gènes  va  s’accompagner,  certaines  fois  au  moins,  de  l’extrusion  du  gène  et  de  ses  séquences  régulatrices  hors  du  TC,  parfois  pour  rejoindre  un  autre  TC.  C’est  le  cas  par  exemple 

Figure 9. Organisation nucléaire et transcription

a: Le noyau est composé de membranes internes et externes ponctuées de pores nucléaires (structures

en corbeille). La lamine établit un maillage sur la partie interne de l’enveloppe nucléaire (motif en treillis). Au sein du noyau, les chromosomes (lignes épaisses colorées) occupent des territoires spécifiques (zones colorées correspondantes). L’hétérochromatine occupe principalement la périphérie nucléaire (zones plus sombres au sein des territoires chromosomiques (TC) ). Les gènes activés transcriptionnellement s’extrudent en dehors des TC et viennent rejoindre les régions inter-chromosomiques (zones blanches) enrichis en compartiments nucléaires contenant des facteurs de transcription (jaune), des facteurs d’épissage (violet), des protéines Polycomb (rouge sombre) et des Pol II (gris).

b: des protéines (ovales gris et rond jaune) attachent les chromosomes à la périphérie nucléaire et répriment

les gènes voisins (flèche coudée barrée).

c: Les gènes actifs (flèches coudées) sont recrutés au niveau d’usines à transcription au sein d’espaces

inter-chromosomiques enrichis en Pol II (ovale grise), TFs (jaune), facteurs d’épissage (cercles bleus) et transcrits d’ARN (lignes violettes).

d: les protéines Polycomb liées à des sites distincts dispersés dans le génome se regroupent pour former

des corps Polycomb (cercles rouge sombre). D’après Geyer, 2011.

pour le gène de la globine β dont l’expression à fort niveau est précédée de son extrusion  qui  nécessite  la  présence  de  ses  séquences  cis‐régulatrices  (Ragoczy  et  al.,  2003).  L’enhancer  responsable  de  l’expression  dans  le  bourgeon  caudal  du  gène  Shh  est  également  nécessaire  à  son  extrusion  hors  de  son  TC  (Amano  et  al.,  2009)  tandis  que  l’insertion transgénique du locus Hoxb1 à l’extrémité 5’ du cluster Hoxd, normalement  transcriptionnellement  inactif    dans  le  système  d’étude,  va  entrainer  l’extrusion  locale  de  cette  région  ainsi  que  la  décondensation  de  la  chromatine  (Morey  et  al.,  2008).  Confortant  ces  données,  l’induction  de  l’expression  de  Hoxb1  en  culture  cellulaire  par  l’acide  rétinoique  s’accompagne  de  la  réorganisation  de  la  chromatine  du  complexe  Hoxb  et  de  l’extrusion  de  son  locus  du  TC  (Chambeyron  and  Bickmore,  2004).  Cette   réorganisation est également observée suite au démarrage l’expression de ce gène dans  le rhombencéphale au cours du développement (Chambeyron et al., 2005). 

  Ensuite,  dans  de  nombreux  types  cellulaires  métazoaires,  les  gènes  transcriptionnellement actifs apparaissent localisés à l’intérieur du noyau tandis que les  gènes réprimés sont trouvés à la périphérie, souvent associés à la lamine. L’attachement  artificiel d’un chromosome à la lamine nucléaire entraine d’ailleurs l’inactivation d’une  partie des gènes de ce chromosome (Finlan et al., 2008). Là encore, l’étude du locus de la  globine  β  suggère  une  implication  des  séquences  cis‐régulatrices :  au  cours  de  la  différentiation  cellulaires  des  érythrocytes,  le  locus  de  la  globine  β  migre  depuis  la  périphérie  jusqu’au  centre  du  noyau,  ce  qui  s’accompagne  de  l’accroissement  de  sa  transcription tandis que la délétion des séquences cis‐régulatrices du locus abolit cette  migration (Ragoczy et al., 2006).     Enfin, le noyau contient de nombreuses sous‐structures organisées susceptibles  de moduler l’expression des gènes situés à proximité (Ferrai et al., 2010) telles que le  nucléole, les corps de Cajal, les corps PML, les gouttes d’épissage (« splicing speckles »),  etc… Les gouttes d’épissage par exemple sont impliquées dans la maturation de l’ARN  mais pourraient servir de support pour la co‐localisation de gènes éloignés ou sur des  chromosomes  différents  comme  observé  pour  les  gènes  spécifiques  des  érythrocytes  (Brown et al., 2008). Les sous‐structures les plus étudiées sont les corps de répression  Polycomb  et  les  usines  à  transcription  dont  nous  avons  déjà  discutés.  Les  usines  à  transcription  diffèrent  selon  les  FTs  impliqués  dans  la  transcription,  rappelant  le  rôle  central  de  ces  acteurs  dans  les  différents  niveaux  de  régulation  de  la  transcription.  La  nature  discrète  de  ces  différents  compartiments  ne  contribue  pas  seulement  au 

 

partitionnement  physique  de  l’espace  nucléaire  mais  crée  également  des  domaines  fonctionnels distincts au sein du noyau. Les mécanismes par lesquels le positionnement  spatial  du  génome  contribue  à  la  régulation  fonctionnelle  de  la  transcription  sont  cependant loin d’être compris et constituent un des plus grands enjeux de la génétique  et de la biologie moléculaire moderne.      I.7. Découvertes récentes : Pol II en pause et « shadow » enhancers   

  Au  cours  des  opus  précédents,  nous  avons  pu  voir  que  la  régulation  transcriptionnelle  est  un  processus  hautement  complexe  dont  des  composantes  nouvelles sont mises en lumière régulièrement. La dernière partie de ce chapitre traite  de deux propriétés récemment découvertes et semblant être principalement associées  aux gènes du développement : les Pol II en pause et les « shadow » enhancers.  

 

I.7.a)  Les  Pol  II  en  pause  (« paused  Polymerase »)  prépareraient  les  gènes  à  la  transcription 

  Des  études  sur  génome  entier  chez  l’embryon  de  drosophile  ou  des  cellules  souches  embryonnaires  humaines  ont  montré  qu’un  nombre  important  –  entre  10  et  30%  –  des  gènes  inactifs  étaient  pourtant  liés  à  la  Pol  II  au  niveau  de  leurs  régions  promotrices (Guenther et al., 2007; Zeitlinger et al., 2007; Levine, 2011). Ces gènes sont  la  plupart  du  temps  dans  un  état  bivalent  possédant  à  la  fois  des  marques  d’histone  activatrices et répressives et ce sont souvent des gènes du développement. Au moins la  moitié  des  gènes  du  développement  non  exprimés  chez  la  drosophile  se  trouveraient  dans cette configuration où la Pol II est liée mais la transcription est arrêtée.     Au niveau de ces gènes, le PIC a été assemblé au niveau des régions promotrices  et la Pol II a été activée par la phosphorylation de certains de ses résidus, notamment la  sérine en position 5. La Pol II a démarré la transcription puis s’est stoppée après avoir  transcrit les 30‐50 premiers nucléotides. La Pol II est alors dite en pause (« paused » ou  « stalled polymerase ») et la transcription est alors régulée non plus par l’assemblage du  PIC mais par le redémarrage de l’élongation.