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Les rhombomères constituent des unités de lignage cellulaire

III. Développement du rhombencéphale des vertébrés

III.2.  Les rhombomères constituent des unités de lignage cellulaire

arcs  branchiaux  ou  les  nerfs  et  les  ganglions  du  système  nerveux  périphérique,  ainsi  qu’à  l’organisation  des  populations  neuronales  du  tronc  cérébral.  Bien  que  la  segmentation morphologique du rhombencéphale soit transitoire, des études de lignage  de rhombomères individuels montrent que l’ordre des neurones au sein des noyaux du  cerveau postérieur adulte respecte l’ordre AP selon lequel ils ont été générés au cours  de la segmentation du rhombencéphale (Oury et al., 2006; Pasqualetti et al., 2007).      III.2. Les rhombomères constituent des unités de lignage cellulaire   

  La  segmentation  du  rhombencéphale  s’accompagne  également  de  la  restriction  des  mouvements  cellulaires  entre  rhombomères.  Des  expériences  de  marquage  cellulaire montrent que les cellules d’un rhombomère et leurs descendances peuvent se  disperser  librement  au  sein  d’un  rhombomère  mais  ne  peuvent  plus  traverser  les  frontières inter‐rhombomériques à partir du stade 10 somites (figure 18, Fraser et al.,  1990).  

Bien  que  le  confinement  des  mouvements  cellulaires  au  sein  de  chaque  rhombomère coïncide avec l’apparition des frontières rhombomériques, celles‐ci ne sont  vraisemblablement  pas  responsables  de  cette  restriction.  En  effet,  leur  ablation  génétique ne perturbe pas la ségrégation des populations cellulaires (Nittenberg et al.,  1997).  Leur  rôle  consisterait  plutôt  à  agir  comme  centre  organisateur  local  tardif  intervenant dans la neurogénèse des rhombomères adjacents (Riley et al., 2004; Amoyel  et al., 2005). 

Le  confinement  cellulaire  provient  en  réalité  de  différences  de  propriétés  d’adhésion cellulaire entre rhombomères pairs et impairs. Des expériences de greffe de  cellules montrent que le mélange de cellules de rhombomères pairs et impairs conduit à  la  ségrégation  physique  des  deux  populations  et  à  la  formation  d’une  frontière  morphologique  tandis  que  des  cellules  de  rhombomères  de  parité  identique  se  mélangent sans former de frontière (Guthrie and Lumsden, 1991; Guthrie et al., 1993).  Ces propriétés adhésives alternées sont conférées par l’expression segmentée de deux  types  de  protéines  transmembranaires :  les  récepteurs  à  activité  tyrosine  kinase  Eph  exprimés  principalement  dans  les  rhombomères  impairs  (Becker  et  al.,  1994)  et  leurs 

Figure 18. Restriction de la migration cellulaire dans le rhombencéphale

Schéma présentant les expériences mettant en évidence la restriction du lignage cellulaire dans le rhombencéphale: des cellules isolées du neuroépithélium sont marquées avec un traceur coloré avant (stade HH8, A) ou après (stade HH11, D) l’apparition des frontières inter-rhombomériques. Au stade HH18 (milieu, montage à plat), les cellules marquées à HH8 engendrent des clones pouvant coloniser plusieurs rhombomères adjacents (zones noires, B) tandis que les descendantes des cellules marquées à HH11 sont systématiquement confinées à un seul rhombomère (zones grises, C). Les clones issus de la plaque du plancher (fp) ne présentent pas de signe de restriction de migration cellulaire.

HH : stades de Hamburger-Hamilton. D’après Fraser et al., 1990.

 

ligands, les ephrines, exprimés plus fortement dans les rhombomères pairs (Bergemann  et al., 1995; Cheng and Flanagan, 1994). 

Le  système  Eph‐ephrine  induit  la  répulsion  réciproque  des  populations  de  cellules  exprimant  chacun  un  composant  différent  tandis  qu’il  promeut  l’adhésion  des  cellules  exprimant  le  même  composant  (Cooke  et  al.,  2005).  L’expression  alternée  des  gènes Eph et ephrine dans le rhombencéphale conduit donc à la ségrégation cellulaire  entre  rhombomères.  Ainsi,  si  des  cellules  surexprimant  EphA4  sont  greffées  sur  un  embryon  sauvage,  celles‐ci  seront  principalement  retrouvées  au  niveau  des  rhombomères 3 et 5. À l’inverse, l’inactivation d’EphA4 chez les cellules greffées conduit  à leur exclusion des rhombomères 3 et 5 (Cooke et al., 2005).  

  Le rôle central pour la compartimentation cellulaire du rhombencéphale joué par  le  système  Eph‐Ephrine  est  illustré  par  les  conséquences  d’une  inactivation  de  ce  système (Cooke et al., 2005). Celle‐ci entraine une perte de segmentation et une absence  de  formation  des  frontières  inter‐rhombomériques  ainsi  qu’une  désorganisation  des  populations  neuronales.  Les  propriétés  du  système  Eph‐ephrine  permettent  donc  d’expliquer le tri et le regroupement des cellules dans les différents territoires ainsi que  l’apparition de limites franches entre rhombomères adjacents. En effet, des cellules se  situant du côté d’une frontière ne concordant pas avec leur identité vont être repoussées  vers  le  rhombomère  correspondant  à  celle‐ci  (figure  19).  Deux  autres  mécanismes,  probablement  de  moindre  importance,  sont  également  envisagés  pour  expliquer  la  formation  de  frontières  nettes  entre  rhombomères :  l’apoptose  des  cellules  incorrectement  localisées  ou  leur  respécification  en  cellules  d’identité  conforme  au  rhombomère  dans  lequel  elles  se  trouvent  (Trainor  and  Krumlauf,  2000;  Cooke  and  Moens, 2002).  

  La  restriction  du  lignage  cellulaire  est  donc  une  conséquence  de  l’expression  segmentalisée  des  Eph  et  des  ephrines  dans  le  rhombencéphale.  En  maintenant  cohérente l’identité des rhombomères, elle est également intimement liée à leur statut  d’unité d’expression génique. 

     

Figure 19. Mécanismes de formation des frontières inter-rhombomériques

Trois mécanismes sont susceptibles d’expliquer l’établissement de frontières nettes entre rhombomères visualisé par le profil d’expression de Krox20 chez le poisson-zèbre à 2ss (gauche) et à 7ss (droite). Le tri cellulaire découlant de propriétés adhésives différentes entre rhombomères adjacents permet aux cellules se trouvant du « mauvais côté » d’une frontière présomptive de migrer de l’autre côté. La mort cellulaire programmée (apoptose) élimine les cellules localisées incorrectement tandis que la plasticité cellulaire permet que celles-ci soient respécifiées et acquièrent une identité similaire à celle de leurs voisines. Modifié à partir de Cooke et Moens, 2002.

r3  r3  $ron'ère  d’expression  diffuse  Tri cellulaire  $ron'ère  d’expression   ne6e  Profil d’expression  de Krox20 dans r3   chez le   poisson‐zèbre à 2ss  Profil  d’expression de  Krox20 dans r3  chez le poisson‐ zèbre à 7ss  Apoptose  BespCcifica'on 

 

III.3. Les rhombomères sont des unités d’expression génique   

  De nombreux gènes sont exprimés de façon régionalisée le long de l’axe AP dans  le  rhombencéphale  et  présentent  des  frontières  d’expression  coïncidant  avec  ou  préfigurant les frontières morphologiques entre rhombomères. Les rhombomères vont  donc  constituer  des  unités  d’expression  génique,  toutes  les  cellules  d’un  segment  exprimant  un  même  ensemble  de  gènes  qui  sera  différent  dans  chaque  rhombomère  (figure  20).  La  plupart  de  ces  gènes  vont  participer  activement  au  processus  de  segmentation  et  à  la  régionalisation  AP  du  rhombencéphale.  Les  Eph  et  les  ephrines  dont  nous  avons  déjà  abordé  le  rôle  dans  le  tri  cellulaire  définissent  une  première  catégorie  de  gènes  à  l’expression  régionalisée.  On  distingue  également  les  gènes  de  segmentation,  dont  la  mutation  entraine  la  perte  d’un  ou  plusieurs  rhombomères.  Six  ont été formellement caractérisés à ce jour : Krox20, Gbx2, vHNF1, MafB, Iro7 et les gènes 

Hox du groupe paralogue 1. Nous redeviendrons en détail sur chacun d’entre eux dans la 

partie  suivante.  Enfin,  une  dernière  catégorie  importante  de  gènes  à  l’expression  régionalisée  concerne  les  gènes  de  sélection  homéotique  Hox,  qui  attribuent  à  chaque  rhombomère son identité AP.  

 

III.3.a) Les gènes Hox et l’identité positionnelle 

  Les  gènes  de  la  famille  Hox  codent  pour  des  FTs  capables  de  se  lier  à  des  domaines  spécifiques  d’ADN,  appelés  homéoboîtes,  via  un  motif  très  conservé  de  60  acides  aminés :  l’homéodomaine.  Les  gènes  Hox  ont  d’abord  été  identifiés  chez  la  drosophile où ils sont impliqués dans la spécification de l’identité AP des segments de la  larve. Ils agissent en tant que sélecteurs de programme développemental en régulant un  ensemble de cibles qui vont mettre en place les différentes structures anatomiques de  l’embryon.  Ils  sont  regroupés  au  sein  de  deux  complexes :  Ant­C  et  Bx­C,  initialement  réunis  au  sein  d’un  seul  complexe  (Negre  and  Ruiz,  2007)  et  collectivement  désignés  sous le nom de complexe HOM­C (figure 21). Leur expression dans la larve de drosophile  est dite colinéaire : les gènes les plus en 3’ du complexe sont exprimés plus tôt et leur  limite  antérieure  d’expression  est  plus  rostrale.  La  modification  de  l’expression  des  gènes Hox conduit à des transformations homéotiques de type antériorisante dans le cas  d’une perte de fonction et postériorisante pour celui d’une surexpression ectopique. La