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e) Les insulateurs séparent les territoires chromatiniens et confinent l’action des  enhancers

I. Mécanismes de régulation de la transcription

I.5. e) Les insulateurs séparent les territoires chromatiniens et confinent l’action des  enhancers

La capacité des enhancers à agir sur de très longues distances leur confère une  grande flexibilité, leur permettant d’activer des gènes non adjacents situés très loin sur  le génome. Toutefois, cette propriété qui est au cœur du fonctionnement des enhancers  soulève  aussi  un  problème  potentiel :  comment  l’activité  des  enhancers  est‐elle  restreinte aux seuls gènes cibles ?  

Un  premier  niveau  de  restriction  se  trouve  dans  la  reconnaissance  spécifique  enhancer‐promoteur  qui  va  dépendre  des  sites  de  fixation  aux  FTs  se  trouvant  sur  l’enhancer et des séquences au niveau du promoteur, en particulier la boite TATA, l’INR  et  le  DPE  (Smale  and  Kadonaga,  2003).  L’association  des  gènes  co‐régulés  au  sein  de  clusters apporte également, bien qu’indirectement, de la spécificité en rapprochant les  gènes co‐régulés et les séquences régulatrices contrôlant leur expression.  

Il  semble  cependant  que  le  principal  moyen  de  confinement  de  l’action  des  enhancers  soit  l’utilisation  de  séquences  cis‐régulatrices  spécialisées  dites  « insulatrices ».  Les  insulateurs  vont  agir  soit  en  régulant  les  interactions  entre  un  enhancer et son promoteur soit en bloquant la propagation de l’hétérochromatine.  

Les  insulateurs  qui  perturbent  la  communication  entre  un  enhancer  et  son  promoteur  lorsqu’ils  sont  placés  entre  les  deux  sont  appelés  « enhancer‐blockers ».  L’archétype  de  l’enhancer‐blocker  chez  les  mammifères  est  l’insulateur  situé  entre  les  gènes  IGF2  et  H19,  ces  deux  gènes  étant  soumis  à  l’empreinte  parentale.  Sur  le  chromosome  paternel,  seul  le  gène  IGF2  est  transcrit  grâce  à  l’interaction  avec  des  enhancers  situés  en  aval  de  H19  (voir  figure  7a).  Sur  le  chromosome  maternel,  cette  interaction  est  empêchée  par  la  séquestration  du  promoteur  du  gène  IGF2  par  l’insulateur  ICR  (« Imprinting  Control  Region »),  situé  en  amont  de  H19,    grâce  à  la  formation  d’une  boucle  d’ADN.  Le  gène  IGF2  est  alors  transcriptionnellement  inactif  tandis  que  H19  est  exprimé  (Kurukuti  et  al.,  2006).  La  fixation  de  la  protéine  CTCF  (« CCCTC‐binding Factor ») sur l’ICR est nécessaire à la formation de cette boucle.  

Le facteur CTCF est également nécessaire à l’activité de la plupart des enhancer‐ blockers caractérisés à ce jour dont la majorité contient un ou plusieurs sites de fixation  pour  ce  facteur.  C’est  un  FT  ubiquitaire  comprenant  un  large  domaine  de  fixation  à  l’ADN composé de 11 doigts à zinc. Une analyse systématique des éléments non codants  conservés chez les mammifères a montré que 15 000 d’entre eux possédaient des sites 

b

c

e

d

Figure 7. Modes d’action des insulateurs

a: activité de l’enhancer-blocker ICR au niveau du locus IGF2-H19 soumis à l’empreinte parentale. Sur le

chromosome maternel, CTCF se lie à l’ICR et interagit avec le promoteur d’IGF2, bloquant son activation par les enhancers situés en aval qui peuvent alors activer la transcription de H19. Sur le chromosome paternel, les sites de fixation à CTCF sont méthylés et CTCF ne peut pas se lier à l’ICR. Les enhancers peuvent activer

IGF2 tandis qu’un répresseur va se fixer sur le promoteur de H19. D’après Raab et Kamakaka, 2010.

b-d: Modes d’action des enhancers-blockers. Une paire d’insulateurs (I) peut interagir et placer l’enhancer

(E) au sein de la même boucle que le promoteur P2 tout en l’isolant du promoteur P1 (b). Un enhancer-blocker peut aussi séquestrer directement un enhancer (c) ou un promoteur (d) et inhiber son interaction avec son promoteur ou son enhancer respectif.

D’après Raab et Kamakaka, 2010.

e: séparation d’un domaine réprimé (marques d’histone répressives et gènes transcriptionnellement éteints

en rouge) et d’un domaine actif (marques d’activation et gènes exprimés en vert) par la formation d’une boucle d’ADN suite à l’interaction entre deux insulateurs barrières à CTCF. Les domaines actifs peuvent également être confinés au sein d’une boucle. D’après Yang et Corces, 2012.

de  fixation  au  facteur  CTCF  (Xie  et  al.,  2007),  dont  une  grande  partie  sont  situés  aux  extrémités de clusters de gènes co‐régulés ou de domaines actifs de chromatine, ce qui  suggère  que  ces  éléments  sont  des  enhancers‐blockers  et  ce  qui  confirme  le  rôle  généralisé  de  CTCF  dans  ce  mécanisme  d’insulation.  De  façon  semblable  à  p300  constituant  une  marque  prédictive  des  enhancers  actifs,  les  expériences  d’immunoprécipitation de la chromatine suggèrent que CTCF caractérise de façon fiable  les  séquences  insulatrices  et  puisse  être  utilisé  pour  identifier  celles‐ci  (Barski  et  al.,  2007;  Cuddapah  et  al.,  2009;  Wang  et  al.,  2012).  Les  sites  de  fixation  au  CTCF  co‐ localisent  souvent  avec  la  cohésine  et  celle‐ci  semble  être  un  cofacteur  nécessaire  à  l’activité de CTCF (Wendt et al., 2008), vraisemblablement en promouvant la formation  de boucles d’ADN.  

En effet, en plus de la séquestration de promoteur ou d’enhancer, les enhancer‐ blockers peuvent aussi confiner la transcription en interagissant entre eux pour former  des boucles d’ADN qui définiraient des domaines chromosomiques : les enhancers situés  dans  une  boucle  ne  pourraient  pas  interagir  avec  les  promoteurs  d’une  autre  boucle  (Maeda and Karch, 2007, figure 7b‐d). De façon intéressante et similaire à ce que nous  avons vu pour la répression dans les corps Polycomb et l’activité transcriptionnelle au  sein  des  usines  à  transcription,  ce  regroupement  des  insulateurs  en  clusters  structure  encore un peu plus le noyau en faisant apparaître des « corps d’insulateurs » (Pai et al.,  2004; Yang and Corces, 2011). 

La formation de boucles permet également aux insulateurs d’agir selon un second  type de mécanisme : en opposant une barrière à la propagation de l’hétérochromatine.  On parle alors d’enhancers « barrières ». Ici encore, l’implication du facteur CTCF est la  mieux  caractérisée  et  des  sites  CTCF  sont  souvent  trouvés  à  la  frontière  entre  des  domaines de chromatine possédant des marques d’activation d’un côté et de répression  de  l’autre  (Cuddapah  et  al.,  2009).  L’importance  fonctionnelle  de  la  démarcation  de  domaines  chromatiniens  par  les  insulateurs  liés  au  CTCF  est  illustrée  par  l’expression  des gènes du cluster HOXA dans les fibroblastes de poumon humain en culture (Kim et  al., 2011). Dans ces cellules, les gènes HOXA9­13 sont éteints tandis que les autres gènes  du cluster sont transcrits. Conformément à cette répartition des états de transcription,  les  gènes  HOAX9­13  sont  enrichis  en  modifications  d’histones  répressives  H3K27me3  tandis  que  les  gènes  HOXA1­7  possèdent  des  marques  d’activation  comme  H3K4me3.  Cette  distribution  des  marques  dépend  de  l’interaction  entre  deux  insulateurs  à  CTCF 

 

situés de part et d’autre de HOXA9­13. L’inactivation du facteur CTCF inhibe la formation  de la boucle d’ADN entre ces deux insulateurs et entraine la propagation des marques  répressives  ainsi  que  l’extinction  des  gènes  HOXA6  et  7.  Les  enhancers  barrières  inhibent la propagation de l’hétérochromatine en recrutant des enzymes de remodelage  de  la  chromatine  ainsi  que  des  enzymes  de  modification  des  histones  de  type  HAT  ou  H3K4 HMTs (Huang et al., 2007). 

Enfin, les insulateurs sont également impliqués dans des processus non liés à la  transcription tels que la recombinaison V(D)J au niveau du locus IGH (revu ici : Yang and  Corces, 2012). Là encore, le facteur CTCF est impliqué. Au vu du rôle hautement multi‐ fonctionnel  joué  par  CTCF  dans  les  mécanismes  de  confinement  transcriptionnel  ou  autres (20% des sites CTCF sont par exemple localisés au niveau des promoteurs), des  facteurs additionnels sont nécessaires pour spécifier les différents mécanismes d’action  de CTCF, ce que font par exemple les facteurs USF1 et VEZF1 au niveau de l’insulateur  barrière HS4 flanquant le cluster de gènes de globine β (Barkess and West, 2012).      I.5.f) Les ARNs non codants peuvent jouer le rôle de séquences cis‐régulatrices ou