Embryon de souris
III.4. b) La voie de signalisation FGF
III.4.b) La voie de signalisation FGF
La voie de signalisation FGF intervient dans de très nombreux processus développementaux. Nous avons déjà décrit le rôle des FGFs dans l’induction de la plaque neurale. Les FGFs sont également impliqués dans :
‐ le contrôle des mouvements morphogénétiques lors de la gastrulation (Meyers et al., 1998)
‐ le contrôle de la somitogénèse (Dubrulle et al., 2001)
‐ l’induction et la régionalisation dorsoventrale du mésoderme (Kumano and Smith, 2002)
‐ le contrôle de l’asymétrie droite/gauche (Meyers and Martin, 1999)
‐ la différenciation de l’endoderme viscéral en foie et en poumons (Serls et al., 2005)
Figure 25. L’AR dans le rhombencéphale
a: localisation spatio-temporelle de l’AR (RA sur le schéma) dans le rhombencéphale. L’expression de
l’enzyme de synthèse Raldh2 et la cinétique d’expression des enzymes de dégradation Cyp sont également figurées. E : jours embryonnaires, r : rhombomère. Adapté de Sirbu et al., 2005.
b: représentation schématique de la morphologie d’un rhombencéphale murin à 9,5 jpc et de l’expression
génétique de facteurs régionalisés à 8,5 jpc chez des embryons sauvages ou mutants pour l’enzyme de synthèse de l’AR Radlh2. L’intensité de la couleur figure le niveau d’expression. mb : midbrain, sc : spinal cord (moelle épinière), ot : vésicule otique, r : rhombomère.
Figure 26. La signalisation FGF et ses voies canoniques de transduction
L’induction du signal FGF est enclenchée par la fixation du ligand au récepteur FGFR qui permet sa dimérisation et la transphosphorylation de résidus tyrosine intracellulaires. Ces résidus phosphorylés vont ensuite être liés par des protéines spécifiques de transduction du signal qui vont activer différentes cascades de signalisation dont la voie PKC (A), la voie PI3K/Akt (B) et la voie Ras/Erk (C).
CamKII : CAlcium/calModulin-dependent protein Kinase II; DAG : DiAcylGlycérol; Erk : Extracellular-signal Related Kinase; FGF : Fibroblast Growth Factor: FGFR : FGF Receptor; FRS2 : FGFR substrate 2; Gab : Grb2-Associated protein; Grb2 : Groth factor Receptor-Bound protein 2; HSPG : Heparan Sulphate ProteoGlycan; IP3 : Inositol(1,4,5)-trisPhosphate; MEK : Mitogen-activated protein kinase kinase (également appelé MAP2K); PI3K : PhosphoInositide 3-Kinase; PIP3 : PhosphatidylInositol(3,4,5)-Phospholipase C gamma; cRaf : v-RAF-leukemia viral oncogene homologue 1 (également appelé RAF1); Ras : Rat Sarcoma; SHP2 : SH2 domaine-containing tyrosine Phosphate 2; SOS : Son Of Sevenless; Src : SaRComa proto-oncogene tyrosine kinase.
‐ la chondrogenèse et le développement squelettique et du cœur (Reifers et al., 2000; Ornitz and Marie, 2002; Dell’Era et al., 2003; Brent and Tabin, 2004; Ornitz, 2005)
‐ la régionalisation antéro‐postérieure de l’embryon à travers d’une part le contrôle des migrations cellulaires responsables de l’élongation de l’axe (Dubrulle and Pourquié, 2004; Bénazéraf et al., 2010) et d’autre part la régulation transcriptionnelle de gènes impliqués dans la régionalisation AP. C’est ce dernier point que nous allons développer dans ce chapitre, et une partie des travaux présentés dans ce manuscrit traitent de ce sujet dans le contexte de la segmentation du rhombencéphale.
III.4.b)α : Fonctionnement moléculaire de la voie de signalisation FGF
Les FGFs représentent une famille de ligands diffusibles dont 22 membres ont été identifiés chez la souris et l’homme, 13 chez le poulet, 6 chez le xénope, et 10 chez le poisson‐zèbre. Ils sont caractérisés par la possession d’un motif conservé de 140 acides aminés et une très forte affinité à l’héparane sulfate (HS). L’HS joue le rôle de co‐ activateur en augmentant considérablement l’affinité des FGFs pour leur récepteur (pour revue : Dorey and Amaya, 2010). Les FGFs transduisent leur signal en se liant à des récepteurs transmembranaires à activité tyrosine kinase (FGFR). Chez les vertébrés, quatre gènes (FGFR1‐4) codent pour ces récepteurs mais des mécanismes d’épissage alternatif ciblant le domaine extracellulaire des FGFRs conduisent à la génération d’un bien plus grand nombre de récepteurs dont les affinités pour leur ligand vont varier (Zhang et al., 2006). Les FGFs se lient par deux à la partie extracellulaire des FGFRs et forment un complexe FGF‐FGFR‐HS dont la stœchiométrie est 2:2:2 (figure 26). La dimérisation des FGFRs conduit à la transphosphorylation de résidus tyrosine intracellulaires spécifiques et à la transduction du signal à travers principalement l’activation de trois voies cytoplasmiques: la voie Ras/Erk, la voie PI3K/Akt et la voie PKC.
Ces trois voies consistent en des cascades de phosphorylation qui aboutissent à l’activation de FTs. De nombreuses régulations croisées existent entre ces trois voies. La voie PKC est impliquée essentiellement dans les migrations et la morphologie cellulaires. La voie PI3K/Akt joue un rôle dans la survie cellulaire tandis que la voie Ras/Erk est la plus largement utilisée par la signalisation FGF et se retrouve dans de
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Figure 27. Représentations schématique de l’inactivation des Cdx1a et 4 sur les structures neurales du
poisson-zèbre
a: Des gradients opposés d’AR (RA) et de FGF activent les gènes impliqués dans la régionalisation AP du tube
neural, dont les Cdx dans la moelle épinière qui participent à l’expression des Hox dans cette structure.
b: L’inactivation des facteurs Cdx1a et 4 par injection de morpholinos conduit à la duplication en miroir
du programme de développement d’identité rhombencéphalique en lieu et place de la moelle épinière postérieure.
D’après Shimizu et al., 2006.
Il a été montré que les FGFs contrôlent l’expression très précoce des Cdx dans le mésoderme chez le xénope à travers la voie MAPK (Keenan et al., 2006). De façon intéressante, les gènes Hox situés en 5’ du cluster sont activés par FGF2 chez le poulet, mais pas ceux situés en 3’, qui répondent préférentiellement au signal AR (Bel‐Vialar et al., 2002), et cette activation dépend partiellement de la présence des gènes Cdx. De même, l’exposition d’explants neuraux cervicaux aviaires à des concentrations croissantes en FGF induit l’expression de gènes Hox situés de plus en plus vers l’extrémité 5’ du cluster (Hoxc6 à Hoxc10) (Liu et al., 2001). Toutefois, la surexpression des Hox postérieurs tels que Hoxc6a, Hoxb7a, Hoxa9a ou Hoxb9a ne restaure que partiellement le phénotype provoqué par l’inactivation des Cdx, suggérant qu’une partie des fonctions des FTs Cdx est indépendante des protéines Hox.
III.4.b)χ : Le néocortex est régionalisé par l’action d’un gradient morphogénétique de FGF8
L’ANR, dont nous avons vu qu’il constituait un centre organisateur local secondaire, est une source de FGF8 qui va s’établir en gradient et participer à la régionalisation du cerveau antérieur comme morphogène, c’est‐à‐dire dont la concentration va conditionner l’activation de programmes développementaux spécifiques (O’Leary et al., 2007; Toyoda et al., 2010; Assimacopoulos et al., 2012). Ainsi chez les souris hypomorphes pour FGF8, les frontières des régions néocorticales sont déplacées antérieurement (Garel et al., 2003). À l’inverse, l’augmentation du signal FGF8 endogène à la source induit la caudalisation des frontières et l’élargissement des régions antérieures au détriment des régions postérieures (Fukuchi‐Shimogori and Grove, 2001). Plus fascinant encore, l’introduction d’une seconde source exogène de FGF8 postérieure à la source endogène induit la duplication en miroir de certaines régions du néocortex.
III.4.b)δ : Les FGFs produits au niveau de l’organisateur isthmique organisent le développement de r1 et de la MHB
La frontière mésencéphale‐rhombencéphale constitue aussi un centre organisateur local de la régionalisation AP, produisant le facteur FGF8 nécessaire à la mise en place du rhombomère 1 et à l’isthme lui‐même. En effet, ces deux structures sont perdues dans le mutant acerebellar où le gène codant pour Fgf8 est muté (Reifers et
al., 1998). Il est aussi suffisant pour les induire : l’implantation de billes de FGF8 dans la région caudale du futur diencéphale ou dans le mésencéphale entraine un développement isthmo‐cérebellaire ectopique autour du lieu d’implantation (Martinez et al., 1999). Plus spécifiquement, FGF8 agit en réprimant l’expression des gènes Hox dans r1. En effet, des expériences de gain de fonction, par greffe de billes FGF8 au niveau de r1, aboutissent au déplacement postérieur de la frontière d’expression de Hoxa2. Inversement, cette frontière est déplacée antérieurement suite à la perte de fonction symétrique effectuée par l’utilisation d’une bille sur laquelle un anticorps spécifique de FGF8 a été préalablement adsorbé (figure 28, Irving and Mason, 2000). Il est ainsi proposé que la signalisation AR orchestre le développement du rhombencéphale postérieur, via l’activation des gènes Hox, tandis que la signalisation FGF en provenance de l’isthme dirige l’établissement du rhombencéphale rostral en réprimant l’activation des Hox antérieurement à r2 et en activant d’autres gènes, comme Gbx2 (Rhinn et al., 2003).
III.4.b)ε : Les FGFs produits au niveau de r4 participent à la segmentation du rhombencéphale
Comme nous l’avons vu précédemment, le rhombomère 4 a été décrit chez plusieurs organismes comme une source de signaux FGF organisant la régionalisation AP des territoires adjacents. Contrairement à r1, la signalisation FGF possède ici une action activatrice vis‐à‐vis de certains gènes Hox, comme Hoxb3 dans r5 via un site de fixation aux facteurs ETS (Manzanares et al., 1997). Chez le poisson‐zèbre, Fgf3 et Fgf8 sont exprimés précocement dans le pré‐rhombomère 4 (Maves et al., 2002; Walshe et al., 2002). Chez le poulet, Fgf3 est exprimé dans les territoires présomptifs r4‐r6 et les acteurs de la cascade Ras/Erk ainsi que les cibles effectrices Erm et Pea3 sont présents dans le rhombencéphale (Weisinger et al., 2010). Cette étude montre également que FGF3 et le facteur Pea3 sont nécessaires à l’expression de Krox20 dans r3 et r5. Parallèlement, plusieurs travaux chez le poisson suggèrent que les signaux FGF3 et FGF8 produits par r4 sont nécessaires à la spécification des territoires adjacents où ils induisent l’expression de Krox20 et MafB (Maves et al., 2002; Walshe et al., 2002; Wiellette and Sive, 2004). De façon intéressante, bien que FGF8 ne soit pas détecté dans le rhombencéphale murin et aviaire, son mécanisme d’action semble conservé. En effet, la greffe de billes FGF8 ou FGF4 sur un embryon de poulet au niveau du premier somite
Figure 29. La signalisation FGF contrôle le démarrage de l’expression de Krox20
Des embryons de poisson-zèbre ont été incubés à partir du stade 50% épibolie dans une solution contrôle (A,C) ou avec l’inhibiteur des FGFs SU5402 (B,D). L’observation de ces embryons à 10,25 (A,B) ou à 10,5 hpf (C,D) heures post fécondation (hpf) montre que l’expression de Krox20, visualisée par hybridation in situ, dans r3 et r5 est retardée quand la signalisation FGF est inhibée. L’expression du gène notail (ntl) qui marque la notochorde est utilisée pour déterminer le stade des embryons, le traitement inhibiteur aux
a b
Figure 28. Les FGFs produits par l’isthme contrôlent le positionnement de la frontière antérieure d’expression de Hoxa2
a: l’implantation d’une bille de FGF (tête de
flèche) au niveau de la frontière r1/r2 induit la répression de l’expression de Hoxa2 dans r2 visualisée par hybridation in situ (en bleu). Les transcrits Fgf8 sont en rouge.
b: l’implantation d’une bille d’anticorps
anti-FGF8 produit l’effet inverse et entraîne l’expansion rostrale de l’expression de
Hoxa2.
conduit à l’extension postérieure des domaines d’expression de Krox20 et MafB (Marín and Charnay, 2000). À l’inverse, un traitement inhibiteur aux FGFs entraine la répression transcriptionnelle de ces deux gènes, plus marquée dans r5 que r3 pour
Krox20. Récemment, nous avons montré au laboratoire que la modulation du signal FGF
dans le rhombencéphale par les Sprouty contrôlait le démarrage de l’expression de
Krox20 ainsi que la taille finale des rhombomères 3 et 5 (figure 29, Labalette et al.,
2011). Dans r5, ce contrôle par les FGFs semble intervenir à travers la fixation directe du facteur MafB sur un élément régulateur de Krox20. L’étude du mécanisme d’action des FGFs régissant la régulation de Krox20 dans r3 fait partie des travaux présentés dans ce manuscrit. III.4.c) Implication potentielle de la voie Wnt Nous avons déjà vu que la voie de signalisation Wnt joue un rôle précoce dans la postériorisation de la plaque neurale, peu après ou concurremment à son induction. Les Wnt interviennent également dans la spécification du rhombencéphale, en régulant directement les facteurs Meis3 et Gbx2 (Li et al., 2009; Elkouby et al., 2010). L’intervention de la voie Wnt dans le processus de régionalisation du rhombencéphale n’est, elle, pas clairement établie mais plusieurs données suggèrent une implication potentielle. Par exemple, le facteur Wnt8c est exprimé dans la plaque neurale chez le poulet à HH7 et se restreint à r4 aux stades HH8 et HH9 (Hume and Dodd, 1993). Cette expression dans r4 est conservée chez la souris (Wnt3a)(Niederreither et al., 2000). De même, un des effecteurs transcriptionnels de la voie Wnt, le gène Tcf4, est exprimé dans r3 et r5 chez la souris (Cho and Dressler, 1998) tandis que le facteur Tbx10, décrit comme co‐effecteur des Wnt dans d’autres systèmes, est exprimé dans r4 et r6 (Xue et al., 2010). Chez le poulet, Wnt3A, en collaboration avec FGF8, est capable d’induire l’expression de Krox20 sur des explants de neuroectoderme en culture prélevés en fin de gastrulation (Nordström et al., 2002) tandis qu’il a été montré in vivo chez le xénope que Hoxd1 et Irx3 étaient activés directement par la voie Wnt (Janssens et al., 2010). En plus de rôles indépendants, les trois voies de signalisation décrites sont liées entre elles par des actions synergiques ou antagonistes qui permettent un contrôle spatio‐temporel précis du processus de segmentation. Par exemple, le territoire
d’expression de Wnt8a est étendu chez les mutants murins Sprouty1‐Sprouty2, chez qui le signal FGF est augmenté ( Rogers et al., 2011), tandis que les signaux FGF et Wnt sont capables ensemble de réprimer l’expression de l’enzyme de dégradation de l’AR Cyp26 (Kudoh et al., 2002). III.5 Gènes de segmentation et autres acteurs majeurs participant à la mise