b c d
e f g
0ss 4ss 6ss
10ss 12ss 24ss
a
ainsi que son implication dans le processus de segmentation du rhombencéphale accompagnent et contribuent au formidable essor qu’a connu la génétique moléculaire du développement à partir de la fin des années 80. Le récit chronologique des différentes étapes conceptuelles et scientifiques ayant mené à la connaissance actuelle des mécanismes de segmentation du rhombencéphale et du rôle de Krox20 en leur sein se trouve narré, avec un sens aigu de l’histoire et du contexte, dans la thèse de Michel Wassef, précédent doctorant au laboratoire. Le lecteur attiré par une rétrospective historique y trouvera un intérêt certain. Dans ce chapitre, nous nous contenterons de dresser le bilan des différentes fonctions caractérisées pour Krox20 dans le processus de segmentation du rhombencéphale et des mécanismes connus contrôlant sa régulation.
III.5.i)α : Krox20 et la segmentation du rhombencéphale
Krox20 est un FT de 470 acides aminés et possédant trois doigts à zinc de type C2H2 par lesquels il interagit avec l’ADN en se fixant sur une séquence‐cible de 9 pb : 5’‐GCGT/GGGGCG‐3’ (Chavrier et al., 1990). L’analyse de la structure de la protéine a identifié de plus deux domaines transactivateurs transcriptionnels (figure 36) et un domaine répresseur liant les protéines Nab (Vesque and Charnay, 1992; Russo et al., 1995) tandis qu’une étude plus récente souligne la diversité des modes d’action de
Krox20 sur ses cibles transcriptionnelles (Desmazières et al., 2009).
• Cinétique d’expression (figure 36)
Krox20 est exprimé dans de nombreux tissus pendant le développement
embryonnaire et à l’âge adulte, notamment le système nerveux périphérique (Topilko et al., 1994; Ghislain et al., 2002), les ostéoblastes (Levi et al., 1996) ou les tendons (Lejard et al., 2011). Dans le rhombencéphale des vertébrés, son profil d’expression est très conservé et apparaît dans deux bandes qui préfigurent puis coïncident avec les rhombomères 3 et 5 selon une cinétique stéréotypée, ainsi que dans la crête neurale issue de r5 (figure 36, Wilkinson et al., 1989; Nieto et al., 1991; Bradley et al., 1993; Oxtoby and Jowett, 1993; Saldivar et al., 1997) :
‐ l’ARNm de Krox20 est d’abord détecté à 7,75 jpc chez la souris dans une fine bande au niveau du futur r3 qui va s’étendre pour atteindre chez la souris une largeur AP d’environ 12 cellules au stade 4 somites (ss);
Figure 37. Rôles de Krox20 dans la segmentation du rhombencéphale
a-h: Le marquage β-gal de mutants Krox20 au sein desquels le gène LacZ a été inséré en lieu et place du
locus Krox20 permet de constater que le démarrage de l’expression de Krox20 est normal mais que celle-ci n’est pas maintenue (a-c, e-g). Les rhombomères 3 et 5 sont perdus dans le mutant Krox20, ce qui est visualisé par un marquage de lim1 par hybridation in situ (d, h)
Extrait de Schneider-Maunoury et al., 1993 et Schneider-Maunoury et al., 1997.
i-l: La surexpression de Krox20 par électroporation chez le poulet entraine l’expression ectopique de
marqueurs de rhombomères d’identité impaire, dont Krox20 lui-même (i, j) et la répression de marqueurs d’identité paire (k, l). Seul le côté gauche des embryons est électroporé.
Extrait de Giudicelli et al., 2001.
K
ro
x20
LacZ/+K
ro
x20
LacZ/LacZ!"#c%r
'p'r
)*'+
K
ro
x20
8 jpc 9 jpc 9,5 jpc
a b c d
e f g h
i j k l
r3 r3
‐ à ce stade, un nombre croissant de cellules isolées situées au niveau du futur r5 vont à leur tour exprimer Krox20 jusque former une seconde bande qui va s’élargir et atteindre au stade 10 ss une taille comparable à la bande dans r3; ‐ les frontières d’expression de ces deux territoires, jusqu’ici irrégulières, vont
alors s’affiner et les cellules de la crête neurale issue de r5 vont également exprimer Krox20.
‐ puis dès le stade 12 ss, l’expression de Krox20 va commencer à s’affaiblir dans r3 puis dans r5, d’abord ventralement, pour disparaître complètement à 9,5 jpc pour r3 et 10,5 jpc pour r5.
Pour chaque rhombomère, on peut donc distinguer trois phases d’expression de
Krox20 avec un léger retard de r5 par rapport à r3 : une phase d’extension du territoire,
une phase de stabilisation des frontières et une phase d’extinction ventro‐dorsale.
• Krox20 est nécessaire à la formation des rhombomères 3 et 5
Le mutant murin Krox20, au sein duquel le gène rapporteur LacZ a été inséré en lieu et place du locus Krox20, met en évidence le rôle central de ce gène dans la segmentation du rhombencéphale puisqu’il se caractérise par une réduction de la taille du rhombencéphale et par la disparition des rhombomères 3 et 5 (figure 37, Schneider‐ Maunoury et al., 1993). Les cellules destinées à former le rhombomère 3 sont reprogrammées en cellules de r2 et r4 et celles de r5 en r6 (Voiculescu et al., 2001). Dans un second temps, la taille du rhombencéphale diminue à travers un réajustement de la taille des rhombomères pairs par apoptose, de sorte que les rhombomères pairs subsistant dans le rhombencéphale mutant ont une taille comparable aux rhombomères sauvages. Les dérivés neuronaux issus de r3 et r5 sont totalement perdus (Schneider‐ Maunoury et al., 1997) et la navigation axonale des motoneurones au sein des rhombomères restants est perturbée. Il en résulte un dérèglement du système respiratoire (Jacquin et al., 1996) vraisemblablement à l’origine de la mortalité 48h après la naissance constatée sur les deux tiers des nouveaux‐nés mutants. Le tiers restant, qui présente également une perturbation de la respiration, survit jusque deux ou trois semaines avant de décéder suite probablement à l’affectation sévère du système nerveux périphérique provoquée par l’absence des cellules de Schwann myélinisantes où Krox20 est normalement exprimé.
L’insertion du rapporteur LacZ au locus Krox20 permet également de suivre comment s’exprime ce gène en l’absence de la protéine qu’il code (Schneider‐Maunoury et al., 1993). Le marquage β‐gal sur des embryons mutants entre 8 et 8,5 jpc (0 ss) révèle que Krox20 commence à s’exprimer correctement au sein de la fine bande de cellules caractéristique du démarrage de l’expression de Krox20 (figure 37). En revanche, des hybridations insitu contre le gène β‐gal montre que ce marquage précoce disparaît rapidement, vers 8 ss. Dans r5 également, le début d’expression est normal chez le mutant mais celle‐ci disparaît prématurément vers 15‐16 ss. Ces résultats montrent que l’expression de Krox20 suit une première phase de démarrage, indépendante Krox20, et une seconde phase de maintien qui nécessite la protéine Krox20 qui est donc capable de s’autoréguler. De plus, le domaine d’expression de
Krox20 dans r3 chez le mutant, révélé par activité β‐gal, est plus fin que la taille finale du
rhombomère sauvage. Cela suggère que la phase initiale d’extension du territoire Krox20 dans r3 requiert également la protéine Krox20.
• Krox20 est suffisant pour induire les identités impaires et réprimer les identités paires (figure 37)
La fonction de Krox20 a également été étudiée par des expériences de gain de fonction. Celles‐ci ont montré que la surexpression de Krox20 par électroporation chez le poulet est capable de modifier les identités des rhombomères pairs en y induisant l’expression de marqueurs impairs, comme Epha4, et en y réprimant l’expression de marqueurs pairs tels que Hoxb1 ou follistatin (Giudicelli et al., 2001; Garcia‐Dominguez et al., 2006). De plus, des études sur les séquences régulatrices d’Epha4, de Hoxb2 et de
Hoxa2, ont mis en évidence la présence de sites Krox20 dans les régions dédiées
spécifiquement au contrôle de l’expression de ces gènes dans r3 et r5. Ces sites sont indispensables à l’activité des enhancers et la surexpression ectopique de Krox20 dans r4 chez la souris est capable d’induire l’activité de ces enhancers dans ce territoire (Sham et al., 1993; Nonchev et al., 1996; Theil et al., 1998). D’autres travaux montrent que Hoxb3 est également sous le contrôle de Krox20, en synergie avec MafB et c‐Jun (Manzanares et al., 2002; Mechta‐Grigoriou et al., 2003). Chez le mutant Krox20, l’expression de ces gènes est altérée, voire absente, dans les rhombomères 3 et 5 et la
Enfin, en accord avec les résultats obtenus chez le mutant, la surexpression de
Krox20 chez le poulet est capable d’induire sa propre expression (Giudicelli et al., 2001),
confortant l’existence d’une boucle d’autorégulation positive dont nous connaissons maintenant les assises moléculaires, décrites ci‐dessous. Une boucle d’autorégulation négative indirecte et faisant intervenir les répresseurs transcriptionnels Nab1 et 2, semble également contrôler l’expression de Krox20 dans r3 et r5 (Mechta‐Grigoriou et al., 2000). En résumé, l’ensemble des travaux réalisés sur Krox20 dans le rhombencéphale montre que celui‐ci joue un rôle central dans le processus de segmentation en couplant les processus de mise en place des territoires, de ségrégation cellulaire par l’activation des gènes Eph et de spécification de l’identité AP par la régulation des gènes Hox. Au vu de ce rôle clef, une attention particulière a été portée au cours des dernières années sur l’étude de la régulation de Krox20. III.5.i)β : Régulation transcriptionnelle de Krox20 dans le rhombencéphale Nous avons déjà décrit dans les paragraphes précédents l’ensemble des voies de signalisation (AR, FGF, Wnt) et des FTs (Hox PG1, Irx, Nlz, Pou, SP, vHnf1, MafB) dont des travaux suggèrent l’implication dans la régulation, directe ou indirecte, de Krox20. L’identification par le laboratoire de trois séquences cis‐régulatrices gouvernant l’expression de Krox20 dans le rhombencéphale a été une étape déterminante pour tenter de clarifier ces interactions génétiques (Chomette et al., 2006). Ces séquences régulatrices sont situées à plusieurs centaines de kbs en amont du TSS de Krox20 et leur identification n’a été rendue possible que par l’utilisation de chromosome artificiel bactérien de poulet, dont le génome est trois fois plus compact que celui de la souris. La capacité des régions situées en amont et en aval du locus Krox20 à induire l’expression d’un gène rapporteur a été testée systématiquement, par transgénèse chez la souris ou/et électroporation chez le poulet, jusqu’à isoler trois régions régulatrices minimales et particulièrement conservées (figure 38).
• Élément A
L’élément A, d’environ 500 pb, est situé chez la souris 235 kb en amont du promoteur de Krox20. Il est actif dans r3 et r5 dans des embryons sauvages mais pas
Figure 38. Contrôle transcriptionnel de Krox20 dans le rhombencéphale
Représentation schématique des éléments cis-régulateurs de Krox20 dans le rhombencéphale, de leurs profils d’activité et de leur distance par rapport au promoteur de Krox20 chez la souris et le poulet. En bas se trouvent les profils d’activité, visualisés par révélation β-gal, des trois éléments régulateurs clonés en amont du gène LacZ chez des souris transgéniques à 8,5 jpc.
Adapté de Chomette et al., 2006.