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1.3 Les enhancers, les maîtres de l’expression du génome

1.3.4 La transcription aux enhancers

Depuis les 5 dernières années, des études ont mis en évidence la présence de l’ARNPII aux enhancers ainsi que son implication dans la transcription d’une nouvelle classe d’ARNs non-codants, les ARNs associés aux enhancers ou eRNAs (Kim et al., 2010;Santa et al.,

Signaux intra- et extra-cellulaires Gène Gène transcrit H3K27ac H3K4me1 +/- 100 kb FT1 FT2 FT1 FT2 FT1 FT2

FIGURE 1.13 –Schéma représentant l’activation de la transcription par les enhancers grâce

e e e

FIGURE 1.14 –Schéma représentant les domaines régulateurs selon la définition établie par

McLean et al.(2010) Un domaine principal est d’abord associé à chaque gène. À titre d’exemple, celui-ci pourrait s’étendre de 5 kb en amont du TSS à 1 kb en aval. Puis, ce domaine est étendu dans les deux directions jusqu’aux domaines principaux des gènes adjacents, sans dépasser une certaine distance maximale, par exemple 1000 kb. Les enhancers (e) se retrouvant sur ce ou ces territoires leur sont ensuite associés. Figure adaptée de (McLean et al.,2010).

2010). Jusqu’à tout récemment, aucun consensus n’existait quant aux caractéristiques des eRNAs et même, une certaine confusion subsistait dans la littérature. Ceci est peut être dû à la difficulté de séparer les eRNAs des autres ARNs non-codants (Natoli and Andrau,

2012). Toutefois, en 2014, des données de RNA-sequencing ont permis de mettre en évi- dence que la plupart des eRNAs seraient majoritairement courts (avec une médiane 346 nt), non-épissés, nucléaires et non-polyadénylés (Andersson et al., 2014). Ils sont également instables et dégradés par l’exosome. De plus, leur expression serait majoritairement bi- directionnelle (Andersson et al., 2014), quoique certains eRNAs uni-directionels aient été décrits (Natoli and Andrau, 2012; Hah et al., 2013; Li et al., 2013). Par ailleurs, l’ARN- PII phosphorylée sur la sérine-2 et H3K36me3, tous deux associés à l’élongation, sont généralement absents des enhancers transcrits (Natoli and Andrau, 2012). Toutefois, le rôle des eRNAs demeure méconnu. Sont-ils un sous-produit de l’activation des enhancers, le résultat de collisions aléatoires entre l’ADN et l’ARNPII (aussi appelé bruit de fond transcriptionnel) ou au contraire sont-ils au centre d’une régulation spécifique participant à l’activité de l’enhancer (Natoli and Andrau, 2012) ? Influencent-ils la fonction des enhan- cers, et si oui, de quelle façon ? Ainsi, la découverte des eRNAs a soufflé un certain vent de renouveau sur le paysage, déjà bien complexe, des enhancers en ouvrant la voie à des nouvelles hypothèses quant au fonctionnement des enhancers. Notamment, que le proces- sus de transcription en lui-même pourrait être important pour maintenir l’accessibilité de la chromatine aux enhancers et permettre la liaison des FTs et autres protéines ou que l’eRNA en lui-même serait une molécule fonctionnelle impliquée dans la transcription, soit loca- lement, soit à distance (Natoli and Andrau, 2012). Bien que ce domaine d’étude soit très

récent, certaines études ont déjà permis d’amener des éléments de réponse à ces questions.

Ainsi, la présence d’eRNAs aux enhancers serait associée à l’activité des enhancers, ou du moins à ces déterminants. À titre d’exemple, la présence d’eRNAs aux ERα-SLs est as- sociée à une chromatine accessible et à l’enrichissement de H3K4me1 (Hah et al., 2013) et H3K27ac (Li et al., 2013). Toutefois, ce ne sont pas toutes les régions transcrites qui le sont, ni toutes les régions enrichies en H3K4me1 et H3K27ac qui sont transcrites (An-

dersson et al.,2014). Par ailleurs, tout comme H3K27ac, une corrélation peut être établie

entre la présence de eRNAs à des enhancers potentiels et l’expression positive des gènes à proximité (Kim et al., 2010; Santa et al., 2010; Hah et al., 2013;Li et al., 2013;Mou-

savi et al., 2013). Aussi, les enhancers qui sont impliqués dans une boucle d’interaction

avec un promoteur, considéré un bon indice de l’activité de l’enhancer et du gène, sont plus susceptibles d’avoir un eRNA que ceux qui ne le sont pas (Sanyal et al., 2012;Hah

et al.,2013). Ainsi, la transcription aux enhancers pourrait être utilisée pour identifier les

enhancers actifs. De fait, une meilleure validation des enhancers potentiels lors d’essais fonctionnels a pu être obtenue en 2014 en utilisant la transcription aux enhancers comme méthode d’identification plutôt qu’en utilisant des MPTs des histones ou les DHS en l’ab- sence de transcription (Andersson et al., 2014). De plus, la transcription aux enhancers pourrait permettre de distinguer entre un FT-SL fonctionnel d’un non-fonctionnel (Hah

et al., 2013; Li et al., 2013), mais d’autres analyses sont requises afin d’évaluer à quel

point cette technique serait supérieure à l’utilisation de H3K27ac.

Par ailleurs, la transcription de certains eRNAs est régulée de manière dynamique (Santa

et al.,2010;Hah et al.,2013;Li et al.,2013), suggérant que la régulation des eRNAs pour-

raient être une composante importante de la fonction des enhancers. À titre d’exemple, la transcription de certains eRNAs situés aux enhancers liés par ERα augmentent après un traitement à l’E2 (Hah et al., 2011, 2013; Li et al., 2013). Toutefois, une première évi- dence du rôle des eRNAs dans l’activité des enhancers vient de l’utilisation du mécanisme d’interférence par ARN (ARNi) qui, en diminuant certains eRNAs spécifiquement, dimi- nue l’expression du gène cible (Mousavi et al.,2013;Lai et al.,2013;Lam et al.,2013;Li

et al., 2013). Ce type d’approche, en dégradant le eRNA déjà transcrit, permet de séparer

l’effet du transcrit per se de celui du processus de transcription aux enhancers. Ainsi, le eRNAagirait à titre de messager pour réguler la transcription de son gène cible. Toutefois,

il semblerait que les eRNAs pourraient utiliser divers mécanismes pour arriver à leur fin.

Notamment, certaines évidences supportent un rôle des eRNAs dans l’établissement et/ou le maintien des boucles d’interaction chromosomiques entre enhancers et promoteurs (Lai

et al., 2013; Li et al., 2013). À titre d’exemple, Li et al. (2013) se sont concentrés sur

deux loci régulés par ERα où, suite à l’activation par l’E2, des boucles d’interactions dy- namiques se forment entre le promoteur et l’enhancer lié par ERα et exprimant un eRNA. L’inhibition de ces eRNAs entraîne une diminution des boucles d’interactions. De plus, le fait que des immunoprécipitations protéine-ARN (RIP-qPCR) révèlent une association in vivo entre des eRNAs et des sous-unités du complexe cohésine, RAD21 et SMC3, connu pour son implication dans les boucles d’interactions entre enhancers et promoteurs (Ka-

gey et al., 2010; Schmidt et al., 2010), que l’inhibition de eRNAs spécifiques réduise le

recrutement de la cohésine aux enhancers associés, et que l’inhibition de RAD21 entraîne la perte des interactions enhancers/promoteurs testées suggèrent qu’une association eRNA- cohésine pourrait être impliquée dans ce processus. Ainsi, une fois transcrit, le eRNA pour- rait être incorporé dans la boucle d’interaction entre l’enhancer et le promoteur, permettant sa stabilisation, via entre autres le recrutement du complexe cohésine, ce qui permettrait une transcription optimale du gène (Fig. 1.15). Toutefois, ce mécanisme ne serait pas généralisé car d’autres études ne montrent aucun effet de l’inhibition d’un eRNA sur le recrutement de RAD21 (Mousavi et al., 2013) ou sur la formation de boucles d’interactions entre pro- moteurs et enhancers (Hah et al., 2013). Mousavi et al. (2013) ont, quant à eux, mis en évidence un autre mécanisme de régulation de l’expression des gènes pas les eRNAs. Dans ce cas, les eRNAs étudiés à deux enhancers permettraient l’établissement de l’accessibilité de la chromatine ainsi que le recrutement de l’ARNPII aux promoteurs des gènes cibles. Toutefois, la façon dont les eRNAs contribueraient à l’un ou l’autre de ces mécanismes de- meure tout à fait nébuleuse.