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1.2 Régulation de la transcription

1.2.5 Les modifications post-traductionnelles des histones

Les cellules doivent répondre à de multiples stimuli, de façon transitoire ou permanente et souvent de façon coordonnée. Elles doivent également avoir la possibilité de se rappeler de ceux-ci. Ceci demande une grande plasticité dans les mécanismes de régulation de la trans- cription. Les changements épigénétiques, notamment les MPTs des histones, permettent cette souplesse d’adaptation, et ce, sans modifier l’information génétique. En effet, ce sont les queues N-terminales des histones, surgissant à l’extérieur des nucléosomes, et la partie globulaire des histones, la charpente autour de laquelle l’ADN est enroulé, qui en sont la cible et qui servent de plateformes d’intégration et de conservation des divers signaux intra- et extra-cellulaires (Kouzarides, 2007;Freitas et al., 2004). À titre d’exemple, les résidus lysines des histones sont sujets notamment à la méthylation (me ; mono, di ou tri), l’acéty- lation (ac) et l’ubiquitination, alors que les résidus arginines à la méthylation et les résidus sérines, thréonines et tyrosines à la phosphorylation. Les effets des MPTs des histones peuvent être intrinsèques, i.e., qui affectent directement les propriétés physiques du nu- cléosome, tel que le contact ADN-histone ; extrinsèques, i.e., qui ont un effet direct sur les niveaux d’organisation supérieures de la chromatine, tel que les contacts entre nucléosomes ou entre les fibres de nucléosomes ; ou être dirigés par divers effecteurs recrutés grâce aux MPTs. Dans ce cas et selon l’hypothèse du code histone, la MPT sert de second signal

(Campos and Reinberg, 2009). Ces effets sont non-exclusifs. À titre d’exemple, l’acétyla-

tion pourrait affecter directement les propriétés physiques du nucléosome en neutralisant les charges positives des histones, affectant ainsi ses interactions avec l’ADN chargé néga- tivement ce qui pourrait avoir comme effet de rendre la chromatine plus accessible, tout en servant de plate-forme de liaison pour des protéines spécifiques (Kouzarides,2007).

L’hypothèse du code histone, proposée par Allis et ses collaborateurs (Strahl and Allis,

2000;Jenuwein and Allis,2001) il y a une quinzaine d’années, stipule que les MPTs des

histones permettent le recrutement de protéines qui reconnaissent une ou des modifications spécifiques. À leur tour, ces protéines auront un effet sur la chromatine, soit en ajoutant ou supprimant une MPT, soit en liant et interprétant celles déjà présentes. Ainsi, il existerait un langage, formé par la combinaison de différentes MPTs des histones, relié à l’activité de la région génomique et transcrit en fonctions biologiques. Ceci fait référence au concept "d’écrivain, d’effaceur et de lecteur" (Fig. 1.10) (Taverna et al., 2007). À titre d’exemple, les HATs, qui ajoutent un groupement acétyl, et les HMTs, qui ajoutent un groupement méthyl, sont des "écrivains", alors que les HDACs, qui enlèvent le groupement acétyl, et les HDMs, qui enlèvent le groupement méthyl, sont des "effaceurs". Les "lecteurs" seraient les protéines qui lient et interprètent ces modifications grâce à leurs domaines spécialisés. À titre d’exemple, l’acétylation est reconnue par les bromodomaines et la méthylation est reconnue, entre autres, par les domaines PHD fingers et les chromodomaines (Patel and Wang,2013). Ces protéines font souvent partie de gros complexes multi-protéiques conte- nant plusieurs activités catalytiques. On peut donc y retrouver, par exemple, à la fois un "lecteur" et un "écrivain". De plus, une joute s’installe entre les "écrivains" et les "effa- ceurs" rendant les MPTs des histones dynamiques, et affectant, non seulement, la séquence des évènements nécessaires à la transcription mais également la structure chromatinienne. Le recrutement alterné et cyclique entre des HATs et des HDACs observé au promoteur de TFF1(Fig. 1.9a) illustre bien ce phénomène (Metivier et al.,2006).

Depuis l’hypothèse du code histone, de nombreux efforts ont été mis afin d’identifier les divers types de MPTs des histones et leur localisation, ainsi que les divers domaines pro- téiques impliqués spécifiquement dans leur reconnaissance. Le ChIP, utilisé depuis plus de 25 ans (Solomon et al., 1988) pour explorer la distribution des protéines et des MPTs des histones à des régions particulières du génome, s’est imposé comme méthode de choix pour identifier la composition de la chromatine à l’échelle du génome. Ainsi, les technologies du ChIP-chip(ChIP couplé à une hybridation sur puce d’ADN) et du ChIP-seq ont permis de tester et de généraliser des phénomènes observés à des gènes spécifiques, mais aussi de car- tographier une myriade de MPTs des histones et leurs nombreuses combinaisons possibles dans divers contextes et divers types cellulaires. À titre d’exemple, l’acétylation, toutes his- tones ou résidus confondus, est associée à l’expression des gènes, alors que la méthylation

Lecteur La signature des histones peut être lue par les lecteurs

Écrivain

Effaceur

Lecteur

Nucléosome

Gène Les écrivains écrivent la signature des histones, alors que

les effaceurs l'effacent

Queues N-terminales des histones modifiées

FIGURE 1.10 –Illustration du concept "d’écrivain, d’effaceur et de lecteur". Figure adaptée de (Hojfeldt et al.,2013).

est autant associée à l’activation qu’à la répression de la transcription, e.g. H3K36me3 est généralement associée à l’expression des gènes, alors que H3K27me3 et H3K9me3 à la répression (Barski et al., 2007). De plus, les MPTs des histones peuvent être localisées à différents endroits du génome, e.g. H3K4me3 est majoritairement situé au promoteur des gènes, tandis que H3K36me3 est présent dans la région transcrite (Barski et al.,2007).

Plusieurs études ont tenté d’identifier les diverses combinaisons possibles de MPTs des histones associées aux éléments régulateurs et à leur activité. Une étude notable est celle de Ernst et Kellis (2010) décrivant 51 combinaisons particulières de MPTs des histones, regroupées en 5 "états chromatiniens" selon leurs fonctions biologiques potentielles : pro- moteurs, transcrits, intergénique actif, répressif et répétitif. Cette interprétation est appuyée sur diverses informations connues, e.g. le niveau d’expression de la région génomique, son degré de conservation, son niveau d’accessibilité, la présence de motifs particuliers. À titre d’exemple, l’état promoteur, contient 11 sous états de régions promotrices potentielles, al- lant de fortement transcrits à réprimés et chevauchant dans 40-89% des cas un TSS connu. Ces états contiennent la plus haute fréquence de H3K4me3, bien que sa présence ne corrè- lerait pas à celle de l’expression des gènes, suggérant davantage un rôle aux lecteurs dans l’interprétation et la fonction de cette marque. Les différences majeures entre l’état associé à une forte expression et celui associé à une faible expression sont une diminution de la fréquence de l’ARNPII et de l’acétylation de H3, tel que H3K9ac, H3K27ac, H3K18ac. Ce genre d’études associatives est donc très utile pour identifier des grandes généralités asso-

ciées à une MPT des histones particulière ou à une combinaison de MPTs. Toutefois, elles ne permettent pas d’identifier directement la fonction des MPTs des histones, qui pour la plupart, reste méconnue.

Ainsi, les MPTs des histones, les "écrivains, les effaceurs et les lecteurs" font équipe avec les FTs afin de diriger les différents programmes transcriptionnels spécifiques aux divers si- gnaux reçus par la cellule, permettant autant la différentiation et le maintien des organismes vivants que la reprogrammation cellulaire en réponse aux changements environnementaux. La chromatine, par sa composition ou ses modifications épigénétiques, apparaît comme un élément central de cette régulation dynamique, où l’amplification ou la fin d’un signal peut s’effectuer. Ainsi, une meilleure compréhension du rôle de chacune des MPTs des histones présentes aux éléments régulateurs apparaît nécessaire.