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D’ATTAQUE SUR L’ALTÉRITÉ

5. Traitement typologique du corpus

5.2. Transcription du corpus et méthode d’analyse

Pour la transcription du corpus de la recherche, nous avions le choix entre trois types de transcriptions : la transcription phonétique, la transcription orthographique et la transcription orthographique aménagée. Le premier type est recommandé dans les analyses qui se focalisent sur la forme et s’intéressent au matériel phonique, cette transcription consiste à réécrire tout le texte qui compose le corpus au moyen de l’Alphabet Phonétique International (API). Pour Baude, ce genre de transcription est surtout recommandé pour effectuer des analyses concernant la prononciation, chez les cas qui présentent des difficultés de dégager des morphèmes stables, comme le langage enfantin, transcrire le langage des étranger, noter quelques cas relevant des régionalismes, etc. (2006 : 30). La transcription orthographique consiste à transposer et transformer un discours oral en discours écrit, et ce en utilisant les codes orthographiques de l’écriture propres à chaque langue. Dans ce type, les phénomènes relatifs à l’oral ne sont pas pris en compte, le document transcrit est ajusté et adapté aux règles graphiques, la parole est stabilisée est rendue écrite suivant certaines normes. Ce type de transcription est utile et correspond aux analyses qui s’intéressent au contenu, comme les études historiques, économiques, sociologiques et même linguistiques lorsque celles-ci s’intéressent au dire et non pas à la manière de dire (comme les analyses portant sur la morphosyntaxe, le lexique, etc.). Dans ce genre de transcription, l’analyste se permet de corriger les erreurs, peut sélectionner des unités par rapport à d’autres, selon le besoin de la recherche, comme il peut également se passer de quelques ratés de l’oral.

L’avantage que présente cette transcription c’est la facilité de production d’un texte écrit et la facilité de sa lecture. Le point faible de cette pratique, est que la transcription s’effectue en excluant toute trace de l’oralité, la parole en étant ajustée à l’écrit risque d’être dénaturée, cela est susceptible de l’éloigner de la parole première, ce qui nécessite une attention particulière et un travail minutieux dans la transposition de l’oral à l’écrit, pour éviter de modifier la visée du discours ainsi que l’intention de son producteur. La question de la ponctuation se pose souvent dans la transcription orthographique, puisque ce système est réservé au code écrit mais ne peut être utilisé à l’oral. Ces signes organisent le texte en tenant compte de la syntaxe, l’intonation, etc., mais peuvent correspondre à des

phénomènes paraverbaux particuliers (faire correspondre l’intonation descendante au point).

L’usage de la ponctuation dans le texte transcrit revient à faire croiser deux systèmes distincts, ce qui rend la tâche moins facile et exige un travail rigoureux et vigilent. Cependant, il est recommandé de ponctuer le texte transcrit parce que, dans le cas contraire, nous nous trouverons devant un texte illisible, rempli d’incompréhensions et de confusions ; plus encore, le traitement informatique des textes exige que ces derniers soient bien ponctués, pour pouvoir être pertinemment traités. Enfin, « Le parti pris est

généralement de ponctuer ce texte de façon raisonnable et prudente » (Sandré, 2013 : 90).

Le troisième modèle de transcription qui se présente à nous, c’est la transcription orthographique aménagée qui utilise également le code orthographique de l’écrit, aménagé à l’aide d’un ensemble d’éléments propres à l’oral. Ces éléments sont répertoriés dans des systèmes que l’on nomme : les conventions de transcription et qui ont pour tâche de caractériser et décrire les propriétés de l’oral, comme les unités paraverbales et non verbales. Ces conventions ont la particularité de pouvoir, en grande partie, rendre compte du contenu dit, lors de la prise de parole, ainsi que la manière de le dire, c’est une transcription qui tente de concilier les deux codes et de satisfaire leurs exigences respectives. Tout travail reposant sur la transcription orthographique aménagée doit obéir à un principe de base, celui de la fidélité dans la description des données orales, mais aussi la lisibilité, la précision et l’utilité, c’est pourquoi Blanche-Benveniste et Jeanjean certifient que :

Transcrire de la langue parlée tient un peu du paradoxe : garder dans une représentation écrite certaines caractéristiques de l’« oralité » ; faire le « rendu » de la chose orale tout en restant dans des habitudes de lecture établies depuis longtemps pour la chose écrite (…) on va se trouver tiraillé entre deux exigences : la fidélité à la chose parlée et la lisibilité de son rendu par écrit (1987 : 115).

Après avoir exposé brièvement les fondements des trois types de transcription, nous tenons à indiquer que nous adopterons le deuxième type, celui de la transcription orthographique. Vu les besoins de la recherche ainsi que le type d’analyse que nous proposons et l’objet de notre étude, qui est centré plus sur le contenu, nous avons estimé

bon de nous référer à la transcription orthographique, vu que les phénomènes liés à l’oralité tels que l’intonation, le débit et autres, nous intéressent peu. Nous avons annoncé au début de ce travail que nous nous contenterons d’investir le champ de la violence verbale en s’intéressant au matériau linguistique, et que nous écartons toute étude relevant du paraverbal et même du non verbal, donc une description des données qui accompagnent la parole ne nous sera pas d’une grande utilité. Par contre, nous tenons à ponctuer notre texte transcrit, tel qu’il est recommandé par les linguistes, car une étude grammaticale s’impose ayant pour objectif de rendre compte des procédés langagiers empruntés par la violence verbale tels : la négation, les modes verbaux, les tournures impersonnelles, etc. 6. Identification des différents types de violence verbale

Dans cette optique de catégorisation de la violence verbale, A. Bellachhab et O. Galatanu (2012) font observer que la violence verbale est souvent perçue comme une « menace de l’identité » et une « perte de face » provoquant un « mal-être » lors des interactions interpersonnelles. La violence verbale convoque très souvent des valeurs ou des systèmes de valeurs que les interactants perçoivent et identifient durant l’interaction et qui sont mobilisés et volontairement mis à mal pour une finalité prédéterminée.

Nous avons postulé que le recours à la violence verbale par un sujet parlant dans la production d’un discours sur l’altérité, en situation d’interaction médiatique, relèverait d’une intention et d’une volonté stratégique d’affirmation de soi et de son groupe d’appartenance, qui doit passer obligatoirement par une discrimination de cet Autre perçu comme totalement différent. S’affirmer par rapport à l’Autre revient à s’opposer et se distinguer de lui, dépeindre négativement ses traits identitaires en s’attaquant à sa culture et en remettant en cause ses systèmes de valeurs. Nous n’allons pas débattre de cette problématique tout de suite mais elle sera ultérieurement reprise et discutée dans un chapitre qui lui sera entièrement consacré (chapitre 6).

Dans les différents champs de pratiques discursives, les valeurs et les traits culturels des participants font surface et surgissent durant l’échange. Dans les discours institutionnels (débat parlementaire), dans les débats politiques, dans les émissions télévisées ou radiodiffusées, ou même dans les échanges interpersonnels les plus informels, ces systèmes de valeurs surviennent, d’une manière ou d’une autre et manifestent dans plusieurs cas « des incompatibilités de valeurs (ou de systèmes de valeurs), des

incompatibilités tantôt irréfléchies, tantôt calculées » (O. Galatanu, A. Belachhab, 2012), ce qui favorise une certaine montée en tension donnant lieu à différentes formes d’actes langagiers potentiellement violents.

Les chercheurs dans le domaine de l’impolitesse linguistique et l’agressivité du langage (Orecchioni, Traverso, Larguèche, Fracchiola, Galatanu, Auger, Moise Et Autres) s’accordent sur le fait que la politesse est un travail de préservation des faces (positive ou négative) et que par conséquent, la violence verbale résulte du non-respect et de la transgression de ce principe. L’usage du langage, plus ou moins violent, est incompatible avec le concept d’image de soi en tant qu’être appartenant à un groupe socioculturel donné et s’oppose à la volonté de chacun de se construire et de préserver sa face et celle de l’autre. A partir de ce constat, Bellachhab et Galatanu (2012) sont arrivés à différencier, dans un premier temps, deux types de violence verbale que nous avons déjà exposés dans le premier chapitre :

Une violence causée par une parole incompatible avec la partie inhérente de « la face » elle est fixe, immuable et transférable d’un discours à l’autre, et d’un contexte socioculturel à l’autre.

Une violence causée par une parole incompatible avec la valeur sociale positive revendiquée pour soi, cette violence s’active uniquement au moment de l’interaction. Elle serait variable, changeante et non-transférable d’une pratique discursive à l’autre, et d’un contexte socioculturel à l’autre.

Une deuxième classification est présentée par les deux chercheurs en s’appuyant sur l’intention et la visée illocutoire des actes langagiers violents. C’est cette classification qui sera adoptée dans notre traitement typologique du corpus, nous avons répertorié en premier lieu les actes langagiers perçus comme violents dans trois catégories selon que l’acte vise :

a- à exercer une force pour contraindre quelqu’un/un groupe social (le soumettre ou le faire agir d’une certaine manière) et provoque un sentiment de « mal-être ».

b- à exprimer le mépris, la haine, l’indifférence, qui fait perdre la face publique et provoque un mal-être.

c- à remettre en cause l’honnêteté, la sincérité, la pertinence, la bonne foi et le bon sens de l’autre.

6.1. Les actes visant à exercer une force pour contraindre l’Autre et provoquer un