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D’ATTAQUE SUR L’ALTÉRITÉ

5. Traitement typologique du corpus

6.2. Les actes exprimant le mépris, la haine, l’indifférence, qui font perdre la face publique et provoquent un mal-être

6.2.3. L’acte d’accuser

Porter une accusation contre un individu ou bien tout simplement accomplir l’acte d’accuser, désigne l’affirmation d’un locuteur que le destinataire est le responsable d’un fait (Kauffeld, 1998). Tout acte d’accusation implique la responsabilité de l’accusateur dans l’établissement et la révélation de la vérité en fournissant les preuves nécessaires, s’il le faut, qui viendront appuyer et étayer sa parole. Accuser une personne revient à affirmer qu’elle a commis un acte ou qu’elle est responsable d’un fait que le locuteur juge négatif. L’accusation est un acte selon lequel le sujet parlant s’en prend à l’image de quelqu’un en certifiant dans un premier temps qu’un fait méprisable et dépréciatif a eu lieu, puis

désigner le destinataire comme le coupable de ce fait. L’acte d’accuser est un acte menaçant et violent du moment qu’il cherche à mettre en péril la réputation de l’accusé, une réputation que chaque sujet parlant tente de maintenir durant la communication (Benoit, 1995 : 63).

En s’appuyant sur cette définition de l’acte d’accuser, nous allons tenter de repérer les actes relevant d’une accusation dans notre corpus, tout en examinant les procédés langagiers que celle-ci investit pour réaliser l’effet d’attaque escompté.

La structure déclarative

La majorité des actes considérés comme des accusations sont construits selon la structure déclarative, ce qui peut être expliqué par le fait que l’acte d’accuser renvoie d’abord à informer qu’un certain fait indésirable a eu lieu, puis de déclarer que le destinataire est le responsable de ce fait. Dans les exemples que nous avons repérés, l’acte d’accuser se réalise selon différentes formules :

Accuser selon la structure : S + G.V

Comme le font paraitre les énoncés suivants, l’accusation se fait selon la formule : « Sujet + G.V (acte indésirable) ». Le locuteur désigne un destinataire en le plaçant en position de sujet (en gras) puis, il lui infère une action indésirable sous forme de groupe verbal (en

italique):

(36) « Le problème c’est que les musulmans veulent présenter leur religion comme une

religion de bisounours » Anne Marie Délcombre

(37) « Vous tuez des petites filles juives ». Pierre Jourde

(38) « Effectivement le Hamas utilise les civiles pour arriver à ce genre d’image et de propagande etc. » Yvan Attal

(39) « Aujourd’hui l’islam politique se sert en réalité des femmes et fait une pression incroyable sur beaucoup d’entre elles précisément pour imposer cette visibilité de l’islam politique » Marine Le Pen

(40) «Pour la première fois peut être le pouvoir français a suivi un ordre quasiment en

Israël pour empêcher la solidarité pour la Palestine pour s’exprimer et donc empêcher la France d’avoir une position plus équilibrée sur la question palestinienne » Bernard

Ravenel

(41) « La France fait subir à une partie de la population et en particulier celle issue d’émigrations postcoloniales celle qui est aujourd’hui, qui vit dans les quartiers, une

relégation sociale » Houria Bouteldja

(42) « J’aime beaucoup ce que vous faîtes Véronique Genest mais vous êtes en train de

passer d’actrice populaire à actrice populiste et c’est dommage ». Yassine Belattar

(43) «aujourd’hui le lobby sioniste qui pratique la défense inconditionnelle d’Israël

perturbe le débat français parce qu’on est systématiquement soupçonnés d’antisémitisme,

Aujourd’hui le lobby sioniste français fait pression par tout » Alain Soral

Accuser en employant un adjectif qualificatif

Le locuteur peut également accuser un destinataire donné en lui attribuant un adjectif qualificatif renvoyant à un acte négatif ; dans les exemples que nous avons identifiés les adjectifs sont des attributs qui associent, dans le sens, des actes dépréciatifs aux interlocuteurs par le biais d’un verbe d’état.

Sujet + verbe d’état + adjectif (renvoyant à un acte indésirable)

(44) « ceci est une photo où vous posez à côté d’un slogan où il y a marqué « sionistes au Goulag » ça signifie au sens strict les juifs favorables à l’existence d’Israël doivent être envoyés dans des camps de concentration (…) par ailleurs vous êtes raciste madame (…) par ailleurs vous êtes misogyne et puis vous êtes homophobe. » Thomas Guénolé

(45) « Il y a une partie de l’anti racisme, et ça me fait beaucoup de peine, qui est devenue

raciste, je parle de vous madame Bouteldja » Thomas Guénolé

(46) «quand je vous entends, on a l’impression que vous êtes le porte-parole du Likoud et vous avez travaillé d’ailleurs au Likoud, avec monsieur Netanyahu en tout cas » Jean Glavany

(47) « il y a un texte il y a un corpus il existe avec des sourates qui sont on le sait clairement misogynes, phallocrates, antisémites, homophobes, elles existent, elles sont susceptibles d’être répertoriées » Michel Onfray.

L’accusation nominalisée

La nominalisation c’est l’opération par laquelle on transforme en nom, un groupe de mot, un adjectif ou un verbe. Dans ces passages, l’acte d’accuser s’accomplit à travers la nominalisation de la phrase pour poser l’accusation comme fait réel et certifié :

(48) Alain Soral : « c’est le sujet de l’incroyable pouvoir et de l’incroyable influence du lobby sioniste en France c’est ça qui me pose problème et qui fausse un peu le débat voilà »

(49) Alain Soral : « Or le débat du sionisme et je dis du sionisme en France c’est un débat très sérieux qui engage des tas d’autres sujets notamment la soumission de la France sous Sarkozy à la ligne libérale atlanto-sioniste »

Accuser à travers l’expression de la cause et la conséquence

S’attaquer à un destinataire et affirmer sa responsabilité dans un fait peut s’exprimer dans un rapport logique de cause ou de conséquence ; dans le premier il s’agit d’abord de présenter un fait indésirable qui s’est produit puis indiquer le motif, la raison ou le responsable de ce fait, malheureusement nous n’avons pas trouvé d’exemple dans notre corpus pour illustrer ce genre d’accusation mais nous allons reformuler l’énoncé qui va suivre pour comprendre son fonctionnement.

En ce qui concerne l’acte d’accuser à travers l’expression de la conséquence, le locuteur présente d’abord l’instance ou l’action responsable de l’aboutissement à un fait dépréciatif comme dans ce passage :

(50) « Dieudonné a critiqué Israël dans un sketch : ça lui a couté sa carrière » Alain Soral L’accusateur présente d’abord un fait (la critique d’Israël par l’humoriste) dans lequel il désigne implicitement un accusé qu’il lui fait porter la responsabilité (Israël) puis indique un résultat et une conséquence méprisable de cette action (la perte de sa carrière). La

transformation de cet énoncé pour exprimer la cause peut donner la forme suivante « Dieudonné a perdu sa carrière parce qu’il critiqué Israël ». Dans les deux formes, l’accusation est claire et se réalise à travers la désignation de l’Etat israélien comme le responsable de la nuisance de la carrière du comédien. Même si le recours à la structure déclarative est majoritaire, du moins dans notre corpus, nous avons pu relever quelques formes non déclaratives sur lesquelles se construit l’acte d’accusation

La question rhétorique

Dans les énoncés qui suivent, les sujets parlants accusent les destinataires de l’acte d’un certain fait qu’ils jugent méprisable mais sous une forme interrogative sans pour autant attendre de réponse.

(51) Michel Onfray : « quand on nous dit que c’est une religion de paix et de tolérance et d’amour je leur dis mais où trouvez-vous la paix la tolérance et l’amour ? »

(52) Philippe Tesson : « d’où vient le problème ? D’où vient le problème de l’atteinte à la

laïcité sinon les musulmans ? On le dit ça ? Et ben moi je le dis, voilà un exemple »

(53) Jean Glavany : « on est entre parlementaires de la république théoriquement par fois je

me demande si vous êtes parlementaire du parlement français ou du parlement israélien »

Dans (52) le journaliste accuse les musulmans de France de vouloir porter atteinte aux valeurs laïques de la Nation et de chercher à rendre publiques et applicables les normes et les règles de l’islam dans la société française. Dans l’extrait (53) l’homme politique lance une attaque contre son collègue en l’accusant de complicité et de coopération avec Israël, en défendant ses intérêts au détriment de ceux de la France, et en (51) le philosophe ne se pose pas la question réellement pour avoir une réponse, il nie selon la voie interrogative l’idée que l’islam soit une religion incitant à l’amour et à la paix.

La négation ironique

La négation n’implique pas toujours une affirmation qu’un fait n’a pas eu lieu ou qu’une action n’est pas accomplie, selon le contexte, il arrive que la négation s’emploie dans une énonciation ironique pour exprimer une idée qui ne correspond pas à la vrai pensée du sujet parlant comme ce cas précis :

(54) « Ce n’est pas Israël qui veut saboter ça » Clémentine Autain

La journaliste dans cet énoncé semble nier le fait que l’Etat d’Israël soit le responsable du sabotage de l’initiative de Hamas, mais une simple association de l’énoncé au contexte interactif révèle que la locutrice veut dire exactement le contraire de ce qu’elle vient de prononcer, au lieu de disculper Israël elle l’accuse d’être l’unique responsable d’un tel sabotage. L’antiphrase a donc pour rôle d’accomplir l’acte d’accuser de manière ironique indirecte.