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D’ATTAQUE SUR L’ALTÉRITÉ

5. Traitement typologique du corpus

6.2. Les actes exprimant le mépris, la haine, l’indifférence, qui font perdre la face publique et provoquent un mal-être

6.2.1. L’acte d’insulter et injurier

Selon Guédou, les insultes et injures sont considérées comme des paroles « très

chaudes et même brûlantes » (1985 : 419) et se définissent comme des propos agressifs qui

sont employés dans l’intention de blesser au maximum son adversaire. L’acte d’insulter est souvent employé dans des situations de montée en tension débouchant sur des conflits ; il représente l’acte le plus agressif et menaçant parmi les autres actes relevant de la violence verbale parce qu’il véhicule un sens et recouvre l’intention de blesser la face et frapper la dignité et l’honneur du destinataire. Les insultes et injures agissent soit de façon directe à travers le recours à des termes dévalorisants et dépréciatifs (idiot, menteur, crétin), soit, de façon indirecte, en construisant des énoncés qui ne contiennent pas d’unités lexicales comportant des contenus axiologiques négatifs, mais qui s’interprètent comme des insultes en référence aux contextes dans lesquels ils se produisent.

En évoquant la notion de contexte, il est à souligner, comme le font remarquer Lagorgette et Larrivée (2004), que le simple fait de dire une insulte ne constitue pas toujours l’acte d’insulter, car ce genre de parole peut être employé dans des contextes amicaux et très familiers pour exprimer une certaine solidarité ou révéler un certain degré de proximité entre les interlocuteurs. Il s’agit, dans cette classe, de répertorier les actes qui emploient des mots ou des expressions contenant une charge sémantique dépréciative ; des actes dont l’intention communiquée est celle d’attribuer une qualification défavorable et dévalorisante à la personne destinée ainsi qu’à son image.

Insulter par le biais des structures attributives

Pour réaliser ces actes, les locuteurs font souvent recours à l’attribution d’un qualificatif péjoratif au destinataire comme dans le cas de ces énoncés :

(1) « Alors pour moi personnellement vous êtes tous des lâches, tous des laîches » Anne Marie Délcombre

(2) « Sharon c’est vraiment un enfoiré » Djamel Bouras

(3) « Hamas, ces salopards se mettent dans la population » Elisabeth Lévy

(4) « Mais qu’est-ce qu’ils ont dit ces salopards de Toulouse, ils disent on venge la cause palestinienne monsieur Glavany » Meyer Habib

(5) « Mais la dinguerie de la gauche française avec le Hamas je ne la comprends pas » Elisabeth Lévy

(6) « Les prédicateurs de haine, les partisans de l'obscurantisme, les intégristes, ceux qui

veulent s'en prendre à nos valeurs et à nos institutions, ceux qui nient les droits des femmes, ceux-là n'ont pas leur place dans la République » Manuel Valls

(7) « Vous voyez, c’est ça exactement le terrorisme» Véronique Genest

(8) « Lui, il considère comme je le considère que les islamistes tel que cette femme voilée intégralement sur le territoire national est comparable avec les nazis, ces nazis qui ont

Dans ces énoncés, les locuteurs utilisent, comme nous pouvons le constater, des mots et des expressions dont le contenu propositionnel correspond à des qualificatifs dépréciatifs à travers lesquels chaque locuteur exprime son mépris et sa dépréciation envers une caractéristique propre au destinataire. La locutrice dans (1) qualifie l’ensemble des musulmans de lâches en utilisant l’adjectif tous pour désigner la totalité des musulmans, la répétition sert à accentuer l’intention offensive de l’acte. Dans (2) Sharon est qualifié d’enfoiré par le sportif, dans (3) les membres du parti politique palestinien « Hamas » sont traités de salopards ainsi que les individus accusés d’avoir tué des citoyens juifs à Toulouse dans (4) ; dans (5) la journaliste qualifie le parti gauche français de dingue en dénonçant une soi-disant complaisance avec le Hama. L’homme politique dans l’énoncé (6) désigne les membres de la communauté musulmane, qui ne sont pas laïcs et qui se plient aux règles du coran et du hadith, par des qualificatifs péjoratifs tels que : Les

prédicateurs de haine, les partisans de l'obscurantisme, les intégristes, ceux qui veulent s'en prendre à nos valeurs et à nos institutions, ceux qui nient les droits des femmes.

La comédienne dans l’énoncé (7) certifie que la façon de débattre de son interlocuteur d’origine arabo-musulmane relève du terrorisme en expliquant qu’il crie pour l’impressionner et finalement la locutrice de l’énoncé (8) compare les femmes musulmanes qui portent le voile intégral aux nazis qui ont exterminé des gens.

Les structures déclaratives, interrogatives et négatives

D’autres actes relevant de l’insulte et de l’injure s’appuient sur la forme déclarative dans leur construction comme dans le passage (9) où le locuteur traite son interlocuteur d’ignorant sous la forme d’un énoncé informatif :

(9) « Moi je pense qu’il y a pas mal d’ignorance de sa part premièrement » Djamel Bouras. Ou bien sur la structure interrogative sous forme de question rhétorique, comme le cas de l’énoncé (10) dans lequel le journaliste certifie que les musulmans causent des problèmes à la France et qu’ils amènent « la merde » par leurs comportement et revendications non laïques.

(10) « C’est ça notre problème actuellement, ce n’est pas les musulmans qui amènent la

Ou bien sur la forme négative pour discréditer son interlocuteur et disqualifier publiquement ses compétences comme dans cet énoncé :

(11) « Ce qui se passe à Gaza tu n’y connais rien » Elisabeth Lévy L’insulte selon la voix ironique

Il est possible également qu’une insulte soit construite sans avoir besoin de recourir à des unités lexicales intrinsèquement violentes. L’un des procédés rhétoriques les plus connus et les mieux adaptés pour exercer un tel effet, c’est l’ironie qui consiste à transmettre une idée négative par le biais de la raillerie sarcastique, comme dans les énoncés suivants :

(12) « Vous êtes (les musulmans) la meilleure communauté qui ait surgi entre les

hommes » Anne-Marie Délcombre

(13) « Excusez-moi d’avoir lu des livres » Eric Zemmour

(14) « On voit Djamel Debouz, Harry Roselmack, des gens qui viennent nous faire la

leçon, des donneurs de leçons qui sur le plateau de télé expliquaient aux Français qu’ils

seraient en quelque sorte racistes voilà ça sent quand même le sujet de diversion » Florian Philippot

L’essayiste dans (12) qualifie ironiquement la communauté musulmane comme la meilleure communauté qu’a connu l’humanité, mais en se référant au contexte de l’interaction, il est clair qu’elle méprise voire déteste cette communauté et la considère comme une communauté de lâches, selon ses propres propos. L’acte d’excuse formulé par Zemmour dans l’énoncé (13) ne relève pas d’un procédé de politesse mais plutôt d’une qualification péjorative à l’égard de son interlocuteur qu’il traite implicitement d’ignorant ; en lui reprochant de citer trop de livres dans une discussion ordinaire, Zemmour se donnant le profil d’intellectuel, critique à son tour la remarque de son interlocuteur en insinuant qu’il n’a rien lu, c’est pourquoi il n’apprécie pas le niveau élevé de la discussion. Finalement, l’homme politique du parti FN oppose dans (14) des personnalités connues dans la société française, mais qui ont des origines afro-musulmanes, au reste des Français en créant ainsi une distinction et une séparation entre eux et les Français de souche ; il

reproche à ces personnalités de vouloir donner des leçons de moral aux Français et les classe ainsi dans un rang inférieur à eux, en leur interdisant le droit de critiquer ou de s’exprimer même.