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L’évolution du fond du chenal

3.1. Trajectoire d’évolution de la moyenne Garonne toulousaine

L’analyse des sources cartographiques et topographiques a permis de retracer l’évolution suivant les deux dimensions latérale et verticale de la moyenne Garonne toulousaine depuis le début du XIXe siècle et d’en proposer une périodisation. Couplée à l’étude de sources historiques concernant

l’activité hydro-climatique et anthropique au cours des deux derniers siècles, il a été possible de mettre en évidence les forçages initiateurs des ajustements hydro-géomorphologiques observés.

3.1.1. Evolution morphologique de 1830 aux années 2000

L’analyse des changements hydro-morphologiques de la moyenne Garonne toulousaine de 1830 à nos jours a permis de mettre en évidence un profond changement de sa dynamique hydro- sédimentaire au cours de la période. Au total, ce sont trois grandes périodes d’ajustements qui ont pu être identifiées : (1) de 1830 aux années 1860, le chenal s’exhausse et la bande fluviale s’élargit ; (2) des années 1860 à 1920, l’aggradation du chenal se poursuit tandis que la bande fluviale entame une phase de contraction ; (3) de 1920 aux années 2000, le chenal s’incise et la contraction de la bande fluviale se poursuit. Pour chaque phase d’ajustements, différents contextes ont été mis en évidence à partir de l’étude des facteurs hydro-climatiques et anthropiques (Jantzi et al., 2017a). Les ajustements hydro-morphologiques et les forçages associés ont été synthétisés schématiquement dans la figure 2.54.

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Figure 2.54 : Evolution simplifiée des ajustements hydro-morphologiques de la moyenne Garonne toulousaine

et des facteurs de contrôle associés. (A) Ajustements du chenal. (B) Facteurs de contrôle anthropiques. (C) Facteurs de contrôle hydro-climatique.

Périodes 1 et 2 : de 1830 à 1920

Du XIXe siècle au début du XXe siècle, les deux phases identifiées se caractérisent dans un

premier temps par une aggradation et un élargissement du lit (1830-1860s) puis dans un second temps par un lit toujours en aggradation mais qui entame une phase de contraction (1860s-1920). Cette période correspondant à la phase terminale du PAG, s’inscrit dans un contexte général de forte activité hydro-sédimentaire des cours d’eau avec l’occurrence de très fortes crues. Cette activité s’est traduite généralement par un élargissement et une aggradation des cours d'eau dans les zones de montagne et de piedmont (Bravard et al., 1997).

Dans les Pyrénées, l’analyse historique des inondations depuis 1500 met en évidence un regain des événements extrêmes entre 1750-1780 et 1850-1910 (Antoine, 2009). Cela s’est traduit sur la moyenne Garonne toulousaine par des crues majeures fréquentes jusqu’à la fin du XIXe siècle dont le

paroxysme a été la crue du 23 juin 1875 avec un débit de 7 170 m3.s-1 pour une hauteur de 8,3 m au

niveau du pont Neuf à Toulouse. Le transit sédimentaire, exacerbé par l’activité hydrologique intense au cours de la période, se voit renforcé par la déstabilisation des versants sous l’effet du déboisement et l’activité agro-pastorale, favorisant ainsi l’érosion des sols et les apports sédimentaires de tête de bassin (Métailié, 1987 ; Bartoli et Tierle, 1998 ; Métailié, 2006).

A l’échelle du linéaire, les travaux de fixation du lit au cours du XIXe siècle ne répondent à aucun

projet global de maîtrise du cours d’eau et relève d’aménagements réalisés au coup par coup sans réelle coordination entre les usagers. Ainsi, les tentatives de fixation présentent une efficacité limitée face à une moyenne Garonne très instable, entraînant leur destruction fréquente. La seconde moitié du XIXe siècle marque un recul de l’intérêt pour l’aménagement du cours d’eau en raison de l’abandon

172 1860, les services de l’État n’interviennent plus et la Garonne à la fin du XIXe siècle sera décrite par les

ingénieurs comme libre de tout ouvrage de protection des berges (Gazelle et Valette, 2000) si bien qu’à la fin du siècle un constat d’échec de la part des Ponts et Chaussées est posé. De fait, si la mise en place d’ouvrages durant cette période a pu localement avoir une influence sur la morphologie du lit elle ne saurait expliquer à elle seule les modifications observées.

Ainsi, les ajustements hydro-géomorphologiques durant cette période sont semble-t-il guidés en premier lieu par un contexte hydro-climatique favorable avec la fin du PAG, renforcé par des apports sédimentaires importants liés à l’exploitation des versants en tête de bassin. Cependant, la quantification de la part respective de chaque facteur reste difficile.

Toutefois, la contraction du lit, qui aurait débutée à partir de 1868 alors même que ce dernier poursuit son aggradation, pose question sur le décalage temporel important entre les deux phénomènes (Jantzi et al., 2017a). L’absence de données entre 1868 et les années 1940 ne permettant pas d’affiner la chronologie du processus de contraction, la période de début du processus reste incertaine. A la vue de certains indices, il est possible d’envisager que la contraction apparaissent plus tardivement, voire de manière concomitante à l’incision du chenal observée au début XXe siècle. En

effet, l’activité hydrologique encore importante à la fin du XIXe siècle, ainsi que le net changement

d’occupation du sol qui n’intervient qu’au début du XXe siècle avec l’augmentation du couvert forestier

et des surfaces herbacées au détriment des terres labourables, sont compatibles avec cette hypothèse. De plus, l’éloignement de la moyenne Garonne par rapport aux sources sédimentaires des Pyrénées mais aussi des coteaux molassiques de l’Ariège, du Gers et de la rive droite de la Garonne après Toulouse avec l’Hers-Mort et le Girou, implique un temps de latence lié au temps de transit de la charge sédimentaire dans la réponse du cours d’eau face à la baisse de l’activité hydrologique de la sortie du PAG et au tarissement des sources sédimentaires, ce qui se traduit dans la chronologie de l’incision du chenal.