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L’évolution du fond du chenal

2.2.2. Schéma d’évolution du site

Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, le site de Portet-sur-Garonne connaît une faible

évolution de sa morphologie et de son fonctionnement hydro-sédimentaire. En effet, à l’inverse des sites de Beauzelle et Grenade qui connaissent un changement majeur de leur état initial à partir du début des années 1970 sous l’effet des extractions, l’évolution du site de Portet-sur-Garonne apparaît moins clair. Toutefois, l’analyse des photographies aériennes suggère des ajustements géomorphologiques plus précoces liés à une dégradation, d’origine naturelle semble-t-il, antérieure aux années 1950 mais qui ne peut être identifiée clairement car en dehors de la résolution temporelle des photographies disponibles. De plus, la chronique des hauteurs d’eau à l’étiage qui indique une

148 incision vers 1930 suggère également un impact précoce. Ainsi dans les années 1950, le site semble déjà s’inscrire dans une phase de relaxation suivie d’une phase d’ajustements à de nouvelles conditions à partir de 1980.

Malgré le manque d’information durant la première moitié du XXe siècle, un schéma

d’évolution du site peut être esquissé (Fig. 2.41).

Figure 2.41 : Représentation schématique de la réponse fluviale et des ajustements morphologiques. ∆ :

variation ; Ql : débit liquide ; Qs : débit solide ; l : largeur ; p : profondeur.

Du début du XXe siècle jusque vers 1930, le cours d’eau présente un fonctionnement qui

semble en équilibre (i.e. phase d’état initial). Le secteur se caractérise par une charge alluviale importante et de nombreux bancs ainsi qu’une largeur importante de la bande active comme le suggèrent des cartes postales datant de 1920 environ (Fig. 2.42). Le fond du chenal semble également présenter une stabilité au regard de la chronique des hauteurs d’eau à l’étiage sur cette période (Fig. 2.40C). Concernant l’évolution de la largeur du chenal, il est possible d’envisager, mais sans certitude faute de cartes disponibles sur la période, que la contraction de ce dernier n’a pas encore lieu mais pourrait débuter de manière concomitante à l’incision observée vers 1930. En effet, l’activité hydrologique encore importante à cette période ainsi que le net changement d’occupation du sol qui n’intervient que vers le début du XXe siècle dans les Pyrénées avec l’augmentation du couvert forestier,

peuvent le laisser penser. En outre, l’éloignement de la moyenne Garonne par rapport aux sources sédimentaires des Pyrénées mais aussi des coteaux molassiques de l’Ariège, du Gers et de la rive droite de la Garonne après Toulouse avec l’Hers-Mort et le Girou, implique un temps de latence dans la réponse du cours d’eau face aux effets de la fin du Petit Age Glaciaire et du reboisement des versants, ce qui se traduit dans la chronologie de l’incision du chenal.

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Figure 2.42 : Atterrissements localisés (A) dans la partie aval et (B) dans la partie amont du secteur de Portet-

sur-Garonne vers 1920 (Observatoire des Paysages de la Garonne).

De 1930 à 1980, le cours d’eau s’inscrit dans un contexte de dégradation (i.e. phase de

relaxation) avec une tendance nette à l’enfoncement durant les 20 premières années (1930-1950),

phénomène qui se traduit par un abaissement significatif des hauteurs d’eau à l’étiage (Fig. 2.40C). De manière concomitante, le chenal se contracte fortement sur la période comme il est possible de le constater sur des photos des années 1920 et 2010 prisent à des endroits identiques (Fig. 2.44). L’analyse de la largeur au droit des prises de vues à partir des photographies aériennes de 1958 et 2010 le suggère également, puisque les largeurs au niveau du bac et de l’ancien pont ont faiblement évolué avec respectivement +2 m et -5 m au cours de la seconde moitié du XXe siècle, confirmant que

l’essentiel de la contraction a eu lieu antérieurement aux années 1950. L’origine de ces ajustements importants reste incertaine en raison du manque d’information. Cependant certains indices laissent penser que l’évolution du chenal est principalement guidée par un facteur d’ordre naturel mais qui s’inscrit néanmoins dans un contexte de tarissements des sources sédimentaires amont. En effet, les activités anthropiques durant la période sont faibles avec des prélèvements ponctuels de granulats réalisés par les riverains en quantité limitée. Le secteur a également fait l’objet d’un aménagement de berge en rive gauche, dans les années 1920 avec la mise en place d’un enrochement d’une longueur de 700 m dans une concavité en aval de l’ancienne confluence de l’Ariège (Fig. 2.44). Toutefois, ces activités ne peuvent expliquer à elles seules de tels ajustements géomorphologiques. Il semble donc, que l’incision et la contraction importantes entre 1930 et 1950 soient liées à un forçage naturel qui pourrait correspondre à :

• (1) une période de forte activité hydrologique durant laquelle 13 crues morphogènes se produisent dont deux crues vicennales (i.e. 29 novembre 1931 et 5 mai 1940) et une crue cinquantennale (i.e. 13 mars 1930)

• (2) une modification majeure de la confluence de l’Ariège avec un recul d’environ 800 m suite à la crue décennale du 5 mai 1940 sur l’Ariège et vicennale sur la Garonne. Cette crue a entraîné une percée de l’Ariège au niveau de la confluence actuelle, changeant ainsi le cours

150 de la rivière (Fig. 2.44). De par l’importance du forçage, il semble que ce facteur ait joué un rôle essentiel dans l’ajustement du cours d’eau au cours de cette période.

Figure 2.43 : Photographies du lit de la Garonne à hauteur de l’ancien pont détruit après la crue de 1875,

vers 1920 (A) et 2011 (B) puis à hauteur du bac vers 1920 (C) et 2013 (D). La photographie (C) montre l’ancienne confluence Garonne-Ariège, cette dernière se trouvant à gauche (Observatoire des Paysages de la Garonne).

Figure 2.44 : Photographie du secteur en

1958 montrant le déplacement vers l’amont de la confluence Ariège-Garonne qui s’est produit en 1940 (IGN).

151 De 1950 à la fin des années 1970, les ajustements baissent en intensité, le fond du chenal marquant même une tendance à la stabilisation entre 1950 et le début des années 1960 avant de reprendre son enfoncement (Fig. 2.40B-C). Cette reprise de l’incision concorde avec le début des extractions en lit mineur et dont on peut supposer que l’activité a eu pour effet la réactivation du processus dans les années 1960. Toutefois, comparée aux sites de Beauzelle et Grenade, l’incision au cours de la période d’extraction est plus modérée, cela pouvant s’expliquer par un affleurement plus précoce de la molasse sur le site de Portet-sur-Garonne réduisant de fait l’impact de l’activité. A partir des années 1970, les extractions s’opérant essentiellement en lit majeur, l’intensité de l’enfoncement du chenal décroît à nouveau. La station de jaugeage ayant été déplacée en 1970, il n’est pas possible d’observer l’évolution des hauteurs d’eau à l’étiage au-delà de cette année au même endroit. Cependant, au niveau du bac où se trouve la nouvelle station de jaugeage, les hauteurs d’eau ne montrent pas de diminution significative durant les années 1970, traduisant une tendance à la stabilité. A partir de 1980 et jusqu’à nos jours, la morphologie du chenal se stabilise et semble avoir atteint un nouvel équilibre dans un contexte de fort déficit sédimentaire (i.e. phase ajustée aux

nouvelles conditions). En effet, la surface du lit ne change quasiment pas (Fig. 2.40B) et le fond du

chenal marque une tendance à la stabilité avec la faible variation des hauteurs d’eau à l’étiage (Fig. 2.40C). De nos jours, le fond du lit se compose essentiellement d’affleurements de molasses fixant, au moins temporairement, le profil en long.

2.2. Ajustements géomorphologiques du site de Beauzelle