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Caractéristiques morphologiques

2.1. Le bassin versant de la Garonne

2.2.4. Impacts des activités anthropiques

A partir de la seconde moitié du XXe siècle, la moyenne Garonne toulousaine connaît une

profonde modification de sa morphologie et de sa dynamique hydro-sédimentaire sous l’effet d’altérations physiques du milieu. La principale, est le phénomène d’incision initié dès le début du XXe

siècle dont l’intensité s’accroit à partir des années 1960. Le processus d’incision a fait l’objet d’une analyse qui s’est focalisée sur les dernières décennies et n’a été quantifié que de manière ponctuelle entre Toulouse et la confluence avec le Tarn (Beaudelin, 1989 ; Lalanne-Bertoudicq et al., 1989 ; Steiger et Gazelle, 1994). Dans la synthèse réalisée par Steiger et al. (2000), l’incision moyenne du chenal est estimée à 2,4 cm.an-1 entre 1920 et 1986 soit 1,6 m, avec une nette accélération du phénomène entre

les années 1960 et 1980 avec 4,8 cm.an-1.

Si l’enfoncement du chenal est l’altération la plus visible, cette dernière a induit de multiples dégradations d’ordre hydrologique et écologique. Entre 1960 et 1987, Beaudelin (1989) fait état d’un abaissement de la ligne d’eau d’environ 1 m qui a pour conséquence un rabattement de la nappe d’accompagnement. La capacité de cette dernière s’est vu réduite rendant plus difficiles les échanges nappe-rivière. En période d’étiage, la nappe est également draînée plus rapidement accentuant de fait l’étiage en période estivale. La simulation des échanges nappe-rivière entre 1993 et 2013 dans le secteur de Mas-Grenier a mis en évidence des directions de transfert de l’une à l’autre contrastées (Sun et al., 2016). En période de basses eaux, soit 70 % de la période simulée, les échanges se font essentiellement de la nappe vers la rivière à hauteur de 98 %, soit 38 % du volume total échangé sur la période simulée tandis qu’en période de hautes eaux les échanges tendent à s’homogénéiser avec un échange nappe vers rivière de 46 %. Décamps et al. (1988), notent l’assèchement prématuré des zones humides avec un dépérissement des arbres notamment des peupliers et plus particulièrement à l’étiage avec la régulation du niveau d’eau par les barrages et l’irrigation. Laquerbe (1997) met

64 également en évidence un dépérissement de la ripisylve entre les années 50 et 80 dans les secteurs de Cordes-Tolosannes et Saint-Caprais à l’aval de Grenade. L’augmentation de la section d’écoulement par l’incision du fond du chenal et l’érosion des berges dans une moindre mesure, a réduit la fréquence des inondations dans la plaine alluviale. Steiger et al. (1998), ont montré que pour un débit à plein bord de 1250 m3.s-1 à la station de Verdun-sur-Garonne, la hauteur de jaugeage entre 1961 et 1992 a

diminué de 84 cm. L’enfoncement du lit a également entraîné une déconnexion des annexes fluviales comme les bras-morts. Un rapport de la Direction Départementale de l’Equipement du Tarn-et- Garonne (DDT 82, 1997) sur la réouverture des bras-morts, fait état de 36 bras morts dont les 2/3 sont perchés en période de basses eaux et 1/3 en période de hautes eaux. Ces différents facteurs ont entraîné une réduction de la connectivité hydrologique entre le chenal et la plaine d’inondation diminuant ainsi la disponibilité en eau ce qui a contribué au dépérissement important de la ripisylve. Entre 1979 et 1994, James (1996) a mis en évidence en différents secteurs de la Garonne un dépérissement de la ripisylve pouvant atteindre près de 60 %.

L’accélération de l’incision à partir des années 1960, a principalement été mise en relation avec les activités anthropiques en lit mineur qui sont : (1) la mise en place de barrages hydro-électriques en amont de Toulouse entre les années 1960 et 1970, (2) les extractions intensives de granulats entre les années 1960 et 1980 et (3) la réalisation de travaux de chenalisation entre 1960 et 1984 (Beaudelin, 1989 ; Steiger et al, 2000 ; Valette et al, 2014).

Suite aux interventions anthropiques directes sur la dynamique du cours d’eau, ce dernier n’a pas été en mesure d’évoluer naturellement libre de contrainte. Caractérisée par une forte instabilité, la moyenne Garonne toulousaine garde jusque dans les années 1950 un caractère sauvage, empreint d’une forte mobilité latérale. Suite à la crue de 1952 et à ses importants dégâts, un programme de fixation du lit a vu le jour à la fin des années 1950, notamment dans la partie Tarn-et-Garonne (Steiger et al., 2000). Ce programme se compose de 14 tranches de travaux échelonnés de 1960 à 1984 (Fig. 1.31). Au total, 90 ouvrages sont mis en place : il s’agit de digues (23) pour la stabilisation des berges concaves, d’épis (29) pour barrer les berges et réorienter l’écoulement, de barrages (24) pour la fermeture de bras morts et de la création de nouveaux chenaux (14) pour recouper artificiellement certains méandres où la fixation est trop coûteuse (Valette, 2002). A l’inverse dans le département de Haute-Garonne, le cours ne fait l’objet d’aucun plan de fixation des berges en dehors de Toulouse, seuls des enrochements ont été mis en place de manière ponctuelle.

De manière concomitante à la stabilisation de la Garonne, le lit mineur devient le lieu d’une extraction intense de granulats avec l’industrialisation de l’activité à partir des 1960 et jusqu’à la fin des années 1980, période où l’activité devient interdite (Beaudelin, 1989). Durant une vingtaine

65 d’années, c’est tout le cours d’eau entre Toulouse et la confluence avec le Tarn qui est affecté avec plus de 12 Mt de matériaux extraits (Beaudelin, 1989). L’impact des extractions sur la réduction de la charge grossière se voit renforcé par la présence de nombreux barrages sur la Garonne en amont de Toulouse et sur les affluents Pyrénéens. Ces derniers induisent un taux de renouvellement en matériau faible et une discontinuité dans le transfert amont-aval, ne permettant pas une recharge naturelle suffisante des secteurs impactés par les extractions. A cela s’ajoute une recharge latérale par érosion des berges limitée en raison des travaux de fixation des berges.

Figure 1.31 : Inventaire des

travaux de stabilisation du chenal dans le département du Tarn-et-Garonne (modifié d’après Valette et al., 2014).

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Chapitre 3. Enjeux scientifiques et démarches méthodologiques

Ce chapitre a pour but de définir le contexte scientifique dans lequel s’inscrit ce travail de thèse et de préciser les objectifs et les enjeux de cette dernière par rapport aux travaux déjà réalisés antérieurement sur la moyenne Garonne toulousaine. La démarche méthodologique adoptée est également présentée.