• Aucun résultat trouvé

Synthèse et discussions

Secteur 5 : de Saint Nicolas de la Grave à la confluence avec le Tarn (PK 764-767)

1.2. Evolution verticale du chenal

L’analyse des données topographiques disponibles entre 1830 et 2010, met en évidence deux phases principales fortement contrastées. La première phase correspond à la fin du XIXe - début XXe

siècle et se caractérise par une dynamique d’aggradation. A l’inverse, la seconde phase qui correspond au XXe siècle marque un renversement de cette tendance et une dynamique d’incision du chenal.

109

1.2.1. Première phase : de 1830 à 1920

Durant la période allant de 1830 à 1920, la moyenne Garonne se caractérise par une tendance nette à l’exhaussement de son chenal. Entre 1830 et 1860 (Fig. 2.6), le chenal montre un exhaussement sur une grande partie du linéaire avec une moyenne de +0,6 m (1,9 cm.an-1). C’est entre Toulouse et

Gagnac-sur-Garonne que l’exhaussement est le plus important avec la valeur maximale de +2,4 m à hauteur de Blagnac. Le secteur compris entre Saint Jory et Cordes-Tolosannes (PK 707-751), montre également un exhaussement important mais plus variable spatialement avec deux secteurs restreints caractérisés par une relative stabilité (PK 714 et 722). Une intensification du processus est également notée en direction de l’aval avec des valeurs d’exhaussement pouvant atteindre pratiquement +2 m dans les secteurs de Mas-Grenier (PK 737) et Belleperche (PK 750). Cependant si la tendance générale est à l’exhaussement, localement le chenal présente déjà une dynamique d’incision. C’est notamment le cas dans le secteur de Saint-Nicolas-de-la-Grave, en amont de la confluence avec le Tarn, où l’incision peut atteindre -2,4 m (PK 761). Le secteur situé en aval de Gagnac-sur-Garonne (PK 700-706) présente également une incision mais plus modérée avec des valeurs pouvant atteindre un peu plus de -1 m. Dans le premier cas (i.e. Saint-Nicolas-de-la-Grave), l’incision peut s’expliquer par la présence, sur la carte de 1830, de grandes érosions de berges dans une boucle de méandre qui ne se retrouve plus sur la carte de 1868 en raison de son recoupement, traduisant une instabilité du chenal. Dans le second secteur (i.e. Gagnac-sur-Garonne), les fortes incisions au niveau des PK 701 et 705 peuvent être dues respectivement : (1) à la disparition d’un complexe d’îles et au passage d’un lit à chenaux multiples à un chenal unique concentrant les écoulements et (2) à une instabilité avec de fortes érosions entrainant le scindement d’une île en plusieurs entités traduisant une morphologie du chenal très changeante. Cette instabilité durant cette période, s’explique par l’occurrence de cinq crues d’une hauteur d’eau de plus de 4,5 m, dont deux crues majeures qui sont celles du 30 mai 1935 (7,5 m) et du 4 juin 1855 (6,1 m), la crue de référence étant celle du 23 juin 1875 avec une hauteur de 8,3 m soit 7 170 m3.s-1.

110 A partir de 1860, l’évolution altitudinale au droit de ponts (Tab. 2.7) permet d’entrevoir une poursuite de l’exhaussement du chenal jusqu’en 1920, avec une aggradation moyenne de +1,9 m soit +3,2 cm.an-1. Localement les valeurs peuvent être très importantes comme à Gagnac-sur-Garonne,

Mauvers et Bourret où l’exhaussement est compris entre +3,8 et +4,5 m. Ces valeurs paraissent exceptionnelles et pourraient correspondre à un effet local, lié à la présence des ouvrages. L’incertitude sur la qualité des sources utilisées pourrait également expliquer une éventuelle surestimation des valeurs. Toutefois, même entachée d’une incertitude, l’aggradation, au vu des valeurs importantes observées, reste établie à l’échelle locale pour la période 1860-1920.

1860-1920

Station PK (km) Variation (m) Vitesse (cm.an-1)

Toulouse A62 688,43 +0,50 0,83

Blagnac (vieux pont) 690,46 +0,03 0,05

Gagnac 700,93 +4,20 7,00

Ondes 713,62 +0,48 0,80

Mauvers 721,20 +3,88 6,47

Verdun-sur-Garonne 727,46 +0,34 0,57

Bourret (pont suspendu) 743,81 +4,50 7,50

Belleperche (pont routier) 750,96 +1,63 2,72

Très-Cassés 756,90 +1,67 2,78

Tableau 2.7 : Variation de l’élévation du chenal à hauteur de ponts entre 1860 et

1920. Les valeurs sont calculées à partir du fond du chenal.

1.2.2. Seconde phase : de 1920 aux années 2000

A partir du début du XXe siècle, la tendance s’inverse et le chenal commence à s’inciser (Fig.

2.7 ; Tab. 2.8). Sur la période qui couvre de 1920 aux années 1990, la valeur moyenne d’enfoncement du chenal peut être estimée à -1,7 m soit -2,6 cm.an-1. Toutefois, au sein de cette période, peut être

observée une accélération nette du phénomène à partir des années 1960, avec un enfoncement moyen entre les années 1960 et 1990, de -1 m soit -3,6 cm.an-1 avec des valeurs pouvant être

localement supérieures à -2 m (Fig. 2.8). Une des conséquences les plus emblématiques de cette incision est la rupture en 1981 d’une conduite de gaz posée en souille à hauteur de Beauzelle avec un affouillement maximal de -4,10 m entre 1971 et 1982 (Beaudelin, 1989), soit une incision de -34 cm.an- 1. Cet incident a été interprété comme la conséquence d’une vague d’érosion régressive en réponse à

des extractions de granulats environ 300 m en aval au début des années 1970. La vitesse de propagation de cette érosion peut alors être estimée approximativement à 27 m.an-1. A cela s’ajoute

également l’affouillement des ouvrages d’art. C’est le cas par exemple du pont routier de Belleperche dont le déchaussement est estimée à -2,5 m entre 1920 et 1987 dont 1,9 m pour la seul période 1960- 1987. Il en est de même pour le pont de la départementale à Bourret construit en 1978, où la pile a été déchaussée et a nécessité la mise en place d’un enrochement pour la renforcer (Beaudelin, 1989).

111

Figure 2.7 : Variation de l’élévation du chenal à hauteur de ponts entre 1920 et les années 1990s.

A partir de l’analyse de l’évolution du lit à hauteur des ponts, il est possible de mettre en évidence une hétérogénéité spatio-temporelle de l’évolution du fond du chenal au cours du XXe siècle

(Fig. 2.7). Durant la première moitié du XXe siècle, de 1920 aux années 1960, l’enfoncement du chenal

présente une intensité plus importante dans la partie du cours d’eau située en Haute-Garonne avec une incision moyenne de -0,98 m entre le pont des Catalans et celui de Ondes. Les ponts situés dans Toulouse en amont du Bazacle (i.e. St Michel et St Pierre), présentent quant à eux une situation stable qui peut s’expliquer par la présence d’affleurements rocheux déjà présents antérieurement dans ce secteur. A l’inverse en Tarn-et-Garonne pour la même période, l’enfoncement moyen n’est que de - 0,56 m. A partir de la seconde moitié du XXe siècle, des années 1960 à 1990, l’intensité du phénomène

diminue nettement en Haute-Garonne avec une moyenne de seulement -0,21 m tandis que dans la partie située en Tarn-et-Garonne, l’incision s’intensifie fortement pour atteindre une moyenne de - 1,34 m. Ainsi entre 1920 et les années 1990, l’intensité de l’incision apparaît comme bien plus forte en Tarn-et-Garonne qu’en Haute-Garonne avec respectivement -1,90 m contre -1,15 m en moyenne. A partir des années 1990, l’incision se poursuit localement mais cette dernière reste toutefois plus modeste voire nulle notamment en raison de la fixation du profil sur le fond rocheux affleurant en de nombreux endroits. Cette progradation de l’incision dans le temps de l’amont vers l’aval, peut s’expliquer selon un phénomène de simplification et d’homogénéisation du chenal, mis en évidence par David (2016). Ce phénomène s’est opéré de la manière suivante :

• De 1868 aux années 1940, le phénomène a lieu en partie amont avec une évacuation/végétalisation des bancs et une érosion/rattachement des îles aux berges, se traduisant par une stabilisation du chenal et un transfert vers l’aval de la charge alluviale. A l’inverse dans la partie aval, le chenal présente une forte instabilité avec des ajustements

112 latéraux importants et une charge solide conséquente se traduisant par la présence de nombreux atterrissements.

• A partir des années 1940, la partie amont est stabilisée tandis que le phénomène de simplification et d’homogénéisation gagne la partie aval entraînant une évacuation de la charge solide et sa stabilisation.

Cette graduation dans le temps du phénomène et de l’intensité de l’incision selon un gradient amont-aval, s’explique aussi par un différentiel dans le temps de réponse du cours d’eau dans un contexte de tarissement des apports solide en amont du bassin versant (i.e. reboisement, barrages, baisse de la dynamique hydrologique) et l’éloignement des sources sédimentaires pyrénéennes ainsi que des zones molassiques de l’Ariège et de la rive gauche de la Garonne. Ce point sera traité dans la partie suivante.

113

Station - PK (km) Période Variation (m)

Toulouse A62 688,43 1920-1967 1967-1987 1987-2005 -0,561 +0,101 -0,181

Blagnac (vieux pont) 690,46 1920-1967 1967-1988 1988-2010 -1,421 -0,361 -0,061 Gagnac 700,93 1920-1975 1975-1989 1989-2011 -2,381 +0,331 -0,251 Ondes 713,62 1920-1981 1981-1987 1987-2008 -0,821 -0,711 +0,451 Mauvers 721,20 1920-1987 1957-1987 -1,701 -1,702 Verdun-sur-Garonne 727,46 1920-1960 1960-1990 1987-2010 -0,902 -1,152 -0,241

Bourret (vieux pont) 743,81

1920-1987 1959-1987

-1,891*

-1,492

Bourret (nouveau pont) 744,15

1987-2004 -0,441

Belleperche (voie ferrée) 750,75

1920-1967 1967-1987

-0,021

-1,181

Belleperche (pont routier) 750,96 1920-1967 1967-1987 -0,731 -1,871 Très-Cassés 756,90 1920-1961 1961-1987 1987-2004 -1,281 -0,682 +0,251 Variation (cm.an-1) 1920-1980s 1960s-1980s 1990s-2000s -2,55 -4,33 -0,37

Tableau 2.8 : Variation de l’élévation du chenal à hauteur de

ponts entre 1920 et 2010. Les valeurs sont calculées à partir du fond du chenal1 et de la ligne d’eau à l’étiage2. Les valeurs avec

un astérisque proviennent de Lalanne-Bertoudicq et al. (1989).

Les courbes de jaugeages établies aux stations de Portet-sur-Garonne et Verdun-sur-Garonne présentent également de nombreux détarages dans le temps. Ainsi, les hauteurs d’eau à l’étiage durant le XXe siècle, mettent en évidence une évolution liée à l’enfoncement du lit, phénomène qui

semble s’initier dès le début du XXe siècle (Fig. 2.9). Si la variabilité interannuelle des hauteurs d’eau à

l’étiage induit un bruit dans la série, une tendance nette apparait, répondant à un contrôle géomorphologique sur la ligne d’eau. Les valeurs d’enfoncement qui suivent, sont estimées à partir d’une tendance établie selon une moyenne mobile de 3 ans. A Portet-sur-Garonne, de 1910 à 1960, l’incision peut être estimée approximativement à -1,3 m sur l’ensemble de la période et à -0,7 m entre 1960 et 1990, soit une vitesse d’incision sensiblement équivalente sur les deux périodes (respectivement -2,6 et -2,3 cm.an-1) dans un secteur n’ayant pas subi de transformations

anthropiques majeures. Il est à noter qu’au tout début des années 1970, en raison d’un effondrement de la berge consécutive à l’incision du lit, l’échelle limnimétrique a été emportée et a dû être déplacée

114 quelques centaines de mètres en amont. A Verdun-sur-Garonne, lieu d’extraction et d’endiguement durant la seconde moitié du XXe siècle, les valeurs d’incision pour les mêmes périodes sont

approximativement de -0,8 et -1 m, soit des vitesses d’incision respectives de -1,6 et -3,3 cm.an-1.

Depuis les années 1990, le niveau du chenal semble stabilisé.

Figure 2.9 : Niveau de l’eau à l’étiage aux

stations de (A) Portet-sur-Garonne et (B) Verdun-sur-Garonne (Banque Hydo). La ligne grise représente une moyenne mobile calculée sur 3 ans.

L’enfoncement du lit au cours du XXe siècle, a entrainé un décapage intégral de la charge

alluviale en de multiples endroits, laissant apparaitre fréquemment des affleurements du substratum molassique. Les processus d’incision changent alors de nature et passent de l’évacuation de la charge alluviale à l’érosion du substratum. Une étude du substrat de la moyenne Garonne en 2006 entre Toulouse et la retenue de Malause, a permis d’estimer la part de ces affleurements à 51 % de la superficie total du chenal contre environ 30 % en 1998 (Fig. 2.10 - 2.11) (Delmouly et al., 2007). L’évolution de la couverture alluviale grossière entre 1998 et 2006, met en évidence trois secteurs le long du linéaire : (1) un premier secteur entre Toulouse et Fenouillet (PK 687-699) qui se caractérise par un déstockage de la charge solide avec une réduction du substrat alluviale de -74 % au profit d’affleurement de molasse, (2) un second secteur de Fenouillet à Grenade (PK 699-711) caractérisé par une augmentation de la couverture alluviale de +42 %, (3) un troisième secteur de Grenade à Saint- Nicolas-de-la-Grave qui présente également une diminution du substrat alluviale avec -40 %. Concernant les matières en suspension, le calcul de bilans amont-aval met en évidence une tendance au stockage sur l’ensemble de la moyenne Garonne, en crue comme en étiage, notamment en amont entre Portet-sur-Garonne et Blagnac et en aval entre Grenade et Saint Aignan (Mamoudou, 2008).

115

Figure 2.10 : Proportion de la couverture

alluviale par rapport à la superficie totale du chenal entre 1998 et 2006 (modifié d’après Delmouly et al., 2007).

Figure 2.11 : Proportion d’affleurement molassique par rapport à la superficie totale du chenal par tronçon de

1 km en 2006 (d’après Delmouly et al., 2007).

Ainsi en période d’étiage, de larges affleurements rocheux de molasses, qui forment des replats ou des seuils, apparaissent sur l’ensemble du linéaire du cours d’eau, engendrant des ressauts pouvant atteindre plusieurs mètres (Fig. 2.12). Ainsi, ces affleurements fixent, au moins temporairement, le profil en long du cours d’eau.

116

Figure 2.12 : Proportion d’affleurement molassique par rapport à la superficie totale du chenal par tronçon

117

1.3. Forçages hydro-climatiques et anthropiques

1.3.1. Evolution de la dynamique hydro-climatique

Au cours des 150 dernières années, les conditions hydro-climatiques ont évolué lors de la transition entre le Petit Age Glaciaire (PAG), correspondant à la période 1550-1850 (Grove, 1988), et l’entrée dans une période de réchauffement global (GW pour Global Warming) à partir du début du XXe siècle à l’échelle continentale ou hémisphérique.