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3- Objectifs et plan de la thèse

1.4 Les traitements thermiques

Le chauffage est l’un des moyens les plus utilisés dans la décontamination en milieu agroalimentaire, notamment pour la décontamination des poudres et des épices. Le principe de ces méthodes thermiques consiste à apporter suffisamment de chaleur à un produit dans le but de détruire ses microorganismes. Les températures de traitement sont très variables et peuvent aller de 50-60°C à 150°C, selon le procédé.

La chaleur peut être amenée de deux façons différentes : en exposant directement le produit à la source de chaleur (cas des fours), où indirectement comme c’est le cas dans le chauffage par rayonnements infrarouges ou le chauffage par micro-ondes.

1.4.1 Chauffage par radiations infrarouges

Le chauffage par rayonnements infrarouges (IR) est l’une des techniques les plus utilisées dans l’industrie. Elle est largement adoptée pour le séchage, la déshydratation des aliments, la décongélation ou encore la pasteurisation [37]. Le spectre infrarouge est divisé selon la longueur d’onde en trois zones : l’infrarouge proche (entre 0,75 et 3 µm), l’infrarouge moyen (3 à 25 µm) et l’infrarouge lointain (25 à 1000 µm). En agroalimentaire, le moyen et le lointain infrarouge (2,5 à 200 µm) sont les plus utilisés [38].

Les mécanismes d’absorption des IR par les aliments dépendent de la longueur d’onde de la radiation et des constituants du produit irradié. L’eau et les molécules organiques telles que les protéines et les amides sont les plus absorbantes des radiations se situant entre 2,5 et 3,3 µm. Les IR engendrent des changements dans les états électroniques, vibrationnels et rotationnels des molécules du produit, provoquant l’échauffement de celui-ci. La profondeur de pénétration est un paramètre essentiel dans l’efficacité du procédé (il définit la température de traitement et la teneur en humidité du produit) [39]. Typiquement, la profondeur de pénétration d’une radiation de 1 µm dans un échantillon de concentré de tomate est de 1 mm, tandis que la pénétration peut atteindre les 12 mm dans du pain à base de blé [39].

Concernant le chauffage du produit, Hebbar et al. [40] ont rapporté que sur des échan- tillons de miel, la température pouvait atteindre les 110°C après 8 min d’exposition à 1 kW (la longueur d’onde du procédé était de 1,2 µm).

Les mécanismes d’action des IR sur la mortalité des microorganismes sont dus à l’absorption de ces radiations par les molécules d’eau présentes dans le cytoplasme de la cellule. La déshydratation rapide de ce dernier par l’effet thermique des IR favorise la mort bactérienne. Cela concerne aussi bien les bactéries végétatives que les spores bactériennes. La puissance, la longueur d’onde, la profondeur de pénétration, l’activité de l’eau dans le milieu et la nature du microorganisme sont autant de facteurs qui définissent l’efficacité antibactérienne des radiations infrarouges.

Hamanaka et al. [6] ont investigué l’effet des rayonnements infrarouges (2,1 µm à 0,5 et 1 kW) sur des spores deBacillus subtilis à différentes valeurs de l’activité de l’eau (aw) dans le milieu de culture. Leurs résultats ont montré de très faibles taux de mortalité sur les échantillons traités à 0,5 kW, et ce pour toutes les valeurs de aw supérieures à 0,005. A cette dernière valeur, une réduction de 3 log10 a été décomptée sur les échantillons

traités au bout de 3,5 min à 0,5 kW. Pour les échantillons exposés à la dose de 1 kW, des taux de mortalité différents, dépendants de la valeur de aw, ont été observés. En effet, à la plus faible valeur de l’activité de l’eau (0,005) un taux d’inactivation de 4 log10 a été

obtenu au bout de 1,8 min. Toutefois, il a été observé que pour des valeurs intermédiaires de aw (entre 0,005 et 0,68), la mortalité bactérienne diminue puis ré-augmente entre 0,68 et 0,99. Pour aw= 0,99, un taux de réduction de 4 log10a été rapporté (voir figure (1.8)).

Figure 1.8 – Effet des radiations infrarouges sur la survie bactérienne des spores de Bacillus subtilis pour différentes puissances et valeurs de l’activité de l’eau [6].

1.4.2 Chauffage par micro-ondes

Le chauffage par micro-ondes (CMO) est également utilisé pour la stérilisation et la décontamination dans le domaine agroalimentaire. Les ondes électromagnétiques dans ces dispositifs sont générées par un magnétron et se propagent dans un guide d’onde. L’onde est ensuite transmise par un applicateur sous forme de guide à fentes, d’une cavité multimodale ou tout simplement transmise par une antenne. Quand l’onde arrive à la surface du produit, elle y provoque des échauffements qui contribuent à la mort ou à la désactivation des microorganismes se trouvant sur la surface. Comme dans le cas du chauffage infrarouge, l’épaisseur de pénétration des micro-ondes dépend de la longueur d’onde et de la permittivité relative du milieu [41].

Cette méthode est utilisée pour des traitements en surface, essentiellement pour la dé- contamination des herbes et des épices. Dans les exemples montrés sur la figure (1.9), les auteurs [7] ont étudié l’effet des micro-ondes sur la flore mésophile aérobie totale de trois épices et herbes (poivre noir, poivre blanc, avoine). Leurs résultats montrent que des traitements de 60 s n’ont que très peu d’effet sur les spores thermophiles du poivre blanc. Sur les échantillons du poivre noir, une légère décroissance des spores thermophiles est obtenue pendant 45 s de traitement, puis une décroissance brutale à 60 s d’exposition. Les échantillons de l’avoine traités aux micro-ondes ont révélé la désactivation de toutes les spores au bout de 30 s de traitement.

Malgré la bonne efficacité biocide de cette méthode, plusieurs facteurs ralentissent son développement. En plus du fait que le traitement est limité à la surface, on peut citer les coûts d’achat et de maintenance qui restent relativement élevés. L’hétérogénéité du traitement est également un désavantage, notamment pour traiter des produits conditionnés dont les emballages sont constitués de plusieurs types de matériaux à

Figure 1.9 –Effet du chauffage par micro-ondes sur la survie bactérienne des spores thermophiles de trois épices. Conditions de traitement identiques [2,45 GHz, 900 W, 11 g de la poudre d’épice : traitée sèche (courbes bleues), ou dans du PBS (courbes rouges)] [7].

permittivités différentes [41]. Cette hétérogénéité est essentiellement due à la différence avérée des profondeurs de pénétration qui varient selon les propriétés du produit.

1.4.3 Chauffage ohmique

Le chauffage ohmique utilise les propriétés conductrices des produits liquides ou solides pour convertir l’énergie électrique en température. La vitesse de chauffage est directement contrôlée par le courant injecté et la conductivité électrique du produit. Cette technologie rencontre un intérêt particulier dans le traitement des substances liquides. Toutefois, son application pour le traitement des produits solides rencontre encore quelques difficultés techniques et relève encore du domaine de la recherche [42]. Le procédé de traitement par chauffage ohmique est bel et bien thermique, toutefois, quelques rapports notent la présence d’autres mécanismes telle que l’électroporation provoquée par le champ électrique [43–45]. Il existe peu d’études traitant de la décontamination par ce type de procédés [8], par contre, plusieurs travaux sur la cuisson des viandes par le chauffage ohmique ont été publiés.

Sur la figure (1.10) [8] sont montrés deux exemples de traitements effectués sur des spores de A. acidoterrestris (DSM 3922) inoculées dans des échantillons de jus d’orange commercial. Les auteurs ont comparé les effets du chauffage conventionnel (échantillons émergés dans un bain d’eau chauffée à trois températures : 70, 80 et 90°C) et du chauffage ohmique sur la survie bactérienne de la souche étudiée. Les résultats de leur étude

montrent que le chauffage ohmique est plus efficace que le chauffage conventionnel. Le taux d’inactivation obtenu au bout de 20 min de chauffage ohmique à 90°C est suffisant pour obtenir 5 log10 de réduction. En revanche, des durées plus longues (35 min) de chauffage conventionnel à la même température n’ont permis que 3,5 log10de réduction.

Figure 1.10 –Comparaison des effets du chauffage conventionnel (a) et du chauffage ohmique (b) sur la survie bactérienne des spores A. acidoterrestris (DSM 3922) à différentes températures [8]. Les tests ont été effectués sur des échantillons de jus d’orange (pH= 3,637).

Malgré l’efficacité biocide des procédés de chauffage ohmique, leur coût d’installation et de maintenance reste relativement élevé par rapport aux procédés de chauffage conventionnels [45]. De plus, l’efficacité de ce procédé s’est révélée limitée en présence de matières grasses présentant de faibles conductivités électriques à cause de la faible teneur en eau des graisses [46]. Dans une telle situation, les zones grasses ne sont pas suffisamment chauffées pour détruire les microorganismes qui s’y trouvent [47].