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3- Objectifs et plan de la thèse

5.4 Analyse des mécanismes d’inactivation par le plasma

5.4.3 Rôles des espèces actives et des UV

Pour évaluer l’effet des UV et celui des espèces actives sur l’inactivation bactérienne, des tests avec et sans filtre ont été réalisés (pour plus de détails concernant les propriétés du filtre utilisé, voir les explications données à la figure (5.5)). On entend par espèces actives les composantes du plasma comprenant les électrons, les ions, les neutres et les espèces réactives.

Les échantillons de verre utilisés dans cette partie ont été préparés suivant le même protocole présenté dans la section précédente.

Dans les traitements réalisés en l’absence de filtre, tous les effets conjugués des espèces actives et des radiations UV du plasma sont impliqués dans les mécanismes de mort bactérienne. En revanche, en présence du filtre, seules les UV arrivent à entrer en contact avec l’échantillon, les espèces actives étant empêchées physiquement d’atteindre les spores, leur contribution à la décontamination est donc nulle. Les courbes de survie correspondant aux cas sans et avec filtre sont présentées sur la Figure (5.16). On peut voir sur ces résultats que pour des durées d’exposition inférieures à 45 min (phases 1 et 2), les taux de décroissance ne révèlent pas de différences significatives entre les deux modes d’exposition. En effet, les taux de survie obtenus après 45 min d’exposition sont relativement proches dans les deux cas, avec des décroissances de 3, 8 log10pour le cas sans filtre et de 3, 1 log10

pour les traitements avec filtre.

Cependant, des différences significatives ont été observées après 45 min d’exposition. Sur les échantillons sans filtre, la quasi-totalité des spores a été inactivée après 60 min de traitement, avec une décroissance de 6 log10 par rapport à la concentration initiale. Par

contre, sur les échantillons avec filtre, le taux d’inactivation correspondant à 60 min d’exposition (3, 5 log10) reste très proche de celui obtenu à 45 min. Les paramètres du

Figure 5.16 – Courbes de la survie bactérienne des spores de B. subtilis (ATCC 6633) inoculées sur du verre en présence et en l’absence de filtre.

modèle Cerf et du modèle linéaire (modèle Cerf à une population) correspondant aux courbes de survie des deux modes d’exposition sont représentés sur le tableau (5.5). Le modèle Cerf décrit assez bien la courbe de survie correspondant aux cas avec filtre, avec

Paramètre R2 RMSE Log 10 N0 f (%) D1 (min) 1 − f (%) D1(min) Sans filtre Cerf 0,98 0,17 -0,19(0,14) 99(0,01%) 0,84 1 100 Linéaire 0,97 0,25 -3,5(1,18) (100%) 2,35 0 0 Avec filtre Cerf 0,99 0,14 1(0,14) 99(0,01%) 1,15 1 33,33

Tableau 5.5 – Paramètres des modèles Cerf et linéaire appliqués au courbes de survies des deux modes d’exposition (avec et sans filtre).

un coefficient de détermination de 0,98. Ce modèle met en évidence l’existence de deux populations de sensibilités différentes : la première (99% des spores initiales) est dotée d’une faible résistance au plasma avec un temps de destruction de 1,15 min, la seconde population par contre est très résistance et présente un temps de destruction de 33,3 min. Bien que la proportion de cette dernière population par rapport au nombre total de spores ne soit que de 1%, leur présence est suffisante pour limiter l’impact des UV à un niveau quasiment constant (proche de 4 log10).

En l’absence de filtre, la partie correspondant à des temps de traitement supérieurs à 45 min (phase 3) est décrite par une distribution linéaire avec un temps de destruction de 2,35 min. N0 dans ce cas correspond au nombre de spores survivantes au début de la

phase (3, 5 log10).

Le rôle des espèces actives du plasma dans l’inactivation des bactéries n’est visible qu’à partir des temps d’exposition supérieurs à 45 min (voir la courbe de survie des traitements sans filtre). En effet, contrairement aux UV les espèces actives ont besoin de plus de temps pour agir sur les spores. Le mécanisme d’action de chacune des composantes actives possède un temps de latence pendant lequel la défense de la cellule bactérienne en retarde l’effet. A titre d’exemple, l’érosion du manteau de la cellule par les bombardements ionique et électronique a besoin d’un temps relativement plus long que celui des UV pour altérer l’intégrité de la cellule et conduire à la mort bactérienne. De plus, l’empilement des spores sous forme de couches à la surface du verre augmente le temps de destruction des spores se trouvant au niveau des couches inférieures. L’inactivation de ces dernières peut se faire par le biais de la gravure/érosion membranaire ou par les émissions UV produites par les processus de désexcitations à la proximité immédiate des spores. Par exemple, la rencontre de deux atomes (N et O), dotés de forts coefficients de diffusion, peut produire une molécule de N O∗ à l’état excité, qui en se désexcitant, émet un photon dans l’UV [186]. Cependant, contrairement à l’exposition directe aux UV, il apparait évident que la probabilité de production d’un tel processus est plutôt faible et nécessite beaucoup plus de temps pour apporter la dose UV nécessaire à la mort bactérienne. La figure (5.17) illustre les mécanismes d’action des rayonnements UV et des espèces actives du plasma sur les spores en fonction du temps et du mode d’exposition. L’effet

Figure 5.17 – Représentation schématique des mécanismes d’inactivation en présence et en l’absence du filtre.

des espèces actives sur la structure morphologique des spores a été observé au microscope électronique à balayage. Les images obtenues sur les échantillons traités selon des deux modes d’exposition, avec filtre et sans filtre, sont représentées sur la figure (5.18). On voit sur ces images que la morphologie des spores dans les cas des expositions avec filtre (b) sont identiques à celles obtenues sur les échantillons de contrôle (a). Par contre, les images des spores exposées à toutes les composantes du plasma (cas sans filtre) montrent d’importantes dégradations morphologiques qui se présentent par la réduction de la taille des spores et l’apparition de sillons et des invaginations à différents endroits de celles-ci (voir image (d)). De telles modifications semblent être liées à des phénomènes de gravure/érosion de la cellule bactérienne en présence des espèces actives du plasma. Ces phénomènes sont capables de détruire les différentes couches protectrices de la spore et de précipiter la mort bactérienne.

Les images MEB montrent également que la disposition des spores sur la surface du verre n’est pas tout à fait homogène. En effet, un très grand nombre de spores est localisé à la périphérie de la goutte et se structure sous forme de multicouches à cet endroit, comme le montrent les images (d) et (c). La formation de ces multicouches limite l’effet direct des UV sur les spores se trouvant dans les couches inférieures. De plus, le temps nécessaire à leur inactivation par les espèces actives du plasma dépend directement du nombre de couches formées.

Figure 5.18 – Images MEB montrant l’état des spores sur les échantillons de contrôle (a) et les échantillons traités pendant 60 min au plasma : (b) avec filtre, (c) sans filtre (grossissements identiques de (30000×)). Les images (d) [500×] et (c) [10000×] montrent l’agglomération des spores sous forme de multicouches pouvant limiter l’effet direct des UV sur les couches inférieures.

En résumé, la mortalité bactérienne observées sur la courbe de survie du cas sans filtre (figure (5.17)) est due à la présence de trois mécanismes d’inactivation différents [187] :

1. Dans la Phase 1 (t < 15 min), la mortalité bactérienne est due essentiellement à l’effet direct des UV sur le matériel génétique des spores.

2. Dans la Phase 2 (15 < t < 45 min), l’effet de l’érosion dû à la photo-désorption stimulée par les UV commence à affecter la structure des spores dès le début de la phase 2, pendant laquelle l’érosion des couches de la cellule s’effectue atome par atome. L’action de ce mécanisme s’effectue plus lentement que l’effet direct des UV sur l’ADN (phase 1).

3. Dans la Phase 3, l’adsorption des espèces réactives produites par le plasma en- gendre une gravure physique de la structure des spores qui conduit à la mort cellulaire.

Notons que ces différents mécanismes agissent de manière simultanée sur les spores exposées au plasma. Toutefois, leurs délais d’action respectifs sur la mortalité bactérienne sont différents, ce qui explique la cinétique à trois phases obtenue.

5.5

Effet du plasma sur les propriétés physico-chimiques