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Traces des concepteurs et lieu de production sur la Mappa du Ms 29

L’auteur de la mappemonde au fol. 57v° nous est inconnu. Si la main n°4 est présentée comme la main du concepteur de la carte, ce dernier n’a pas laissé de signes particuliers pour l’authentifier. Dès lors quels éléments pourraient nous en apprendre plus sur cet auteur ? Ainsi des concentrations de petits cercles en plusieurs points de la carte retiennent notre attention.

Le tableau 6 ci-dessus montre un détail de la mappemonde en [A3-B3] en miroir du même détail extrait de la transcription que nous avons réalisée1. Ce détail englobe la représentation de l’ensemble de la péninsule italienne, encadrée des Alpes, des mers Méditerranée et Adriatique. Cette aire comprend les mentions Italia [A3], Roma et Ravenna en [B3]. Ces toponymes courants dans les représentations de l’orbis terrarum sont ici secondaires, notre lecture focalisant sur trois regroupements de petits cercles à l’intérieur des terres. Ces regroupements se retrouvent en d’autres points de la carte. Ainsi ces concentrations sont présentes entre les mentions Cartago et Afriga [C3], au-dessus de Libix [C3], au-dessous de Alexandria [C2] et sous Antiocia [C2]. Cela fait un total de 7 regroupements de cercles. La plupart de ces concentrations sont associées à des villes sauf pour les formes figurées près des termes Italia et

Libix. Une hypothèse fait valoir que ces petits cercles matérialisent des concentrations de

populations autour de centres urbains importants2. Si cette hypothèse est séduisante pour les

https://www-universalis--edu-com.nomade.univ-tlse2.fr/encyclopedie/art-l-art-et-son-objet-l-anonymat-dans-l- art/

1. Voir : « Figure 5 : Transcription de la Mappa mundi d’Albi » - Annexes, vol.II, p.VII.

2. Hypothèse proposée par Anca Dan dans « La Mappa Mundi et les sources antiques », communication au séminaire « Mappa Mundi », Paris, université Paris 1 Panthéon-Sorbonne (22 Janvier 2016), dactyl.

Tableau 6 – Traces des concepteurs sur la Mappa d’Albi

Détail fol. 57v° [A3-B3] Détail transcription fol. 57v° [A3-B3]

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centres urbains que sont Rome, Ravenne, Antioche, Alexandrie et Carthage, elle apparait plus nuancée pour le Nord de l’Italie et la Libye. La concentration au Nord de l’Italie pourrait évoquer l’abbaye de Bobbio. Ce lieu fût un centre religieux majeur du haut Moyen Âge où se trouvait probablement une mappemonde de l’antiquité tardive1. Cette hypothèse pourrait être

un signe du concepteur qui, s’il ne l’identifie pas, indique un éventuel lieu de conception et/ou d’inspiration pour la réalisation de la carte. Cela étant aucune hypothèse n’est avancée pour la Libye. De plus la théorie des concentrations de population serait donc divisée en deux, à savoir les centres urbains et un centre religieux aussi important visuellement que les villes. Nous sommes familiers des cartes et infographies, c’est pourquoi l’idée d’y voir une concentration de population autour de centre urbains semble évidente. Cependant notre analyse nous a conduit à proposer une autre hypothèse. Ces petits cercles sont de deux types, il y a les cercles vides et les cercles pleins d’une encre d’un bleu-vert, similaire à celle employée pour représenter l’océan extérieur2, les fleuves et les mers sur la carte. Ne faut-il pas y voir la représentation d’obstacles

naturels comme des marécages ou des lacs ? Pour le Nord de l’Italie cela pourrait correspondre aux zones marécageuses du Pô3, aux marécages entourant Rome4 et Ravenne5. En Afrique cette

concentration pourrait évoquer les lacs du sud de la Tunisie6. En Egypte, ils pourraient évoquer la vallée du Nil et son Delta. En Lybie, les cercles pourraient évoquer le lac Chaléarze7. Enfin près d’Antioche, il s’agirait des marais du lac Amouq de l’actuelle plaine du Amq8 au Nord Est

de la ville. Cette hypothèse comprend toutes les concentrations de cercles présentes sur la carte. Quelles informations ces zones donnent-elles sur le concepteur et le lieu de production ? Sur le dernier point, aucunes, car on ne perçoit pas un lien plausible entre des zones lacustres et la réalisation de la carte. Concernant le concepteur cela peut s’avérer être une information parmi les choix qu’il a opéré. En effet s’ajoutant aux mentions et représentations identifiées sur la carte on peut souligner que le copiste avait un intérêt prononcé pour les obstacles naturels de

1. P. G. Dalché, « Eucher de Lyon, Iona, Bobbio … », art. cit., p. 1-2.

2. On ne relève que le terme « oceanum [B4] » pour mentionner l’étendue d’eau qui entoure les terres émergées de la carte du Ms.29.

3. Ou bien les lacs du Nord de la péninsule italienne. 4. Les marais Pontins.

5. Les marais du Padusa, affluent du Pô qui passe au Nord de Ravenne.

6. Nous pensons aux mentions : Lacus Salinarum, Maddensis lacus ou lacus Tritonis qui désigne aujourd’hui le Chot el Jérid en Tunisie. J. Peyras, P. Trousset, « Le lac Tritonis et les noms anciens du chott el Jérid ». Antiquités

africaines [En ligne]. 1988. Vol. 24, n°1, p. 149‑204. Disponible sur :< https://doi.org/10.3406/antaf.1988.1150 >

(Consulté le 24 Mars 2017).

7. Lacus Chalearzus – Lac Chaléarze « sans doute la dépression de Kattara, dans la partie Nord du désert libyque Egyptien. » dans M.-P. Arnaud-Lindet, « Histoires … », op. cit., « note 12 » p.15.

8. « Fig. 3 – La région d’Antioche. (J. Weulersse, Antioche. Essai de Géographie urbaine, BEO IV [1934] p.32. » p.130. Dans B. Cabouret, « Sous les portiques d’Antioche ». Syria [En ligne]. 1999. Vol. 76, n°1, p. 127‑150. Disponible sur : < https://doi.org/10.3406/syria.1999.7604 > (Consulté le 18 Avril 2017).

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l’orbis terrarum. S’il n’a pas inscrit de noms sur ces zones, c’est peut-être parce que leur seule représentation suffisait à être comprise par les lecteurs de la Mappa au haut Moyen Âge. Il reste à interroger quelles sources écrites descriptives contiendraient précisément toutes ces indications.

La mappemonde ne semble pas contenir d’autres signes pouvant préciser l’identité de son concepteur et son lieu de production. Les seules mentions indicatives nous sont données par l’inscription : « Ex-libri Ven. Capituli Ecclesiae Albiensis1 ». Cette mention ajoutée au XVIIIᵉ

siècle nous rappelle que l’ouvrage faisait partie des collections du chapitre cathédral de l’Église d’Albi. Face à l’absence de signe dans le Ms. 29 et sur la Mappa, le débat reste ouvert pour affirmer si le manuscrit fût produit à Albi ou s’il fût une acquisition du chapitre dès la seconde moitié du VIIIᵉ siècle.

2. Traces des concepteurs et lieu de production sur la Mappa du Vat. Lat. 6018.