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Traces des concepteurs et lieu de production sur la Mappa du Beatus de Gérone

Une fois encore la mappemonde du Commentaire aux fol. 54v°-55r° se distingue de ces consœurs par les indications dont nous disposons à son sujet. Par la signature au fol. 284r°, les concepteurs sont bien identifiés en la personne de sœur Ende et maître Emetrius5. La carte fût

1. « a cross on a building » dans L. S. Chekin, « Easter tables … », art. cit., p.20. Nb : le trait de la croix est plus lisible sur la version numérisée que sur le zoom de notre transcription.

2. « […] ayant la Bourgogne pour origine. Ces opinions aventurées ont été reprises dans la quasi-totalité de la littérature subséquente. » dans P. G. Dalché, « De la Glose ... » art. cit., p.759.

3. L. S. Chekin, « Easter tables … », art. cit., p.20.

4. Nous entendons dans la partie européenne représentée sur la carte où le concepteur aurait pu produire la carte. 5. fol.284r° : « ENDE PINTRIX ET DI AIUTRIX FRT EMETRIUS ET PRSR » - Annexes, vol.II, p.XXXVIII.

Tableau 7 – Traces des concepteurs sur la Mappa du Vatican Détail fol. 64r° [C2-D2 ; C3-D3] Détail transcription fol 64r° [C2-D2 ;

C3-D3]

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produite par les deux maitres d’oeuvres1 au monastère de Tábara en 975. La Mappa du Beatus

de Gérone semble la moins sujette à questionner car toutes ces informations nous sont connues. Cela étant, il nous parait pertinent d’interroger la carte et tenter d’y voir d’éventuelles traces des producteurs, en nous gardant de toute surinterprétation orientée. Guidé par les signatures des concepteurs de la mappemonde, notre analyse se porte sur la péninsule ibérique, représentée dans le tableau ci-dessous.

Tableau 8 : Traces des concepteurs sur la Mappa de Gérone

Nous pouvons distinguer sur le tableau ci-dessus, que la péninsule ibérique est bien délimitée. Le fleuve Tavus (Tage) et la province de Betica (Bétique) matérialisent le sud de l’Espagne. Les mentions des provinces Asturias (Asturies), Gallecia (Galice), lieu de pèlerinage de Sci Jacobi Apstli (Saint Jacques de Compostelle) et de la ville de Cesaragusta (Saragosse) marquent la limite Nord-Nord-ouest de ladite péninsule. Les Asturies et la Galice sont placées sous une représentation illustrée sans mention de la chaîne des Pyrénées. Si cette représentation de l’Espagne est fidèle, nous ne relevons pas de traces ou signe pouvant évoquer le monastère de Tábara. La réalisation de la carte s’inscrit dans la structure du Beatus qui comme nous l’avons évoqué précédemment est riche en enluminures. Là où notre lecture contemporaine voit dans la Mappa une image très importante dans l’ouvrage, un lecteur

1. L. Allegue Fuschini, La miniature chrétienne dans l’Espagne des trois cultures : le Beatus de Gé rone. Paris, France : L’Harmattan, 2008. p.29.

Tableau 8 – Traces des concepteurs sur la Mappa de Gérone

Détail fol 54v° [A3-B3]

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médiéval y voit la simple illustration d’un passage du Commentaire de l’Apocalypse de Beatus de Liebana.

Les trois mappae mundi ne livrent que peu d’informations pouvant nous en apprendre plus sur leurs concepteurs et leur lieu de production. Insérées au sein de manuscrits aux structures différentes, elles ne semblent pas répondre aux mêmes objectifs. Nos premières analyses ont démontré la nécessité de prendre du recul dans l’analyse de ces représentations de

l’orbis terrarum. Il est tentant pour nous de voir dans les signes ou toponymes atypiques

présents sur les mappemondes des marqueurs temps trahissant l’identité du concepteur. Les trois mappae ne comportent pas d’ajouts à posteriori, elles semblent avoir été conservées telles quelles. Elles entretiennent des interactions avec les textes. Si ces connexions sont plus perceptibles pour la Mappa du Beatus, elles demeurent plus incertaines pour les mappae mundi d’Albi et du Vatican. Produites ou non en réflexion avec les textes du manuscrit qui les contient, les représentations spatiales sont une association entre données toponymiques et dessins. L’objet de la carte n’est-il pas d’être une base de données en image ? Nous nous proposons en suivant d’interroger la dimension graphique des trois mappemondes.

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II – Le monde en image : des codes partagés ?

Réalisations graphiques associant des données toponymiques et des représentations sous forme de logogramme, les trois mappae mundi nous interrogent sur leurs éventuelles similitudes et particularismes dans la mise en image du monde. Nous orientons notre étude sur la représentation et l’encodage des éléments figurés sur les trois mappemondes. Cela nous conduit à étudier les choix graphiques pris pour figurer l’orbis terrarum. Est-ce que les surfaces offertes par les supports manuscrits influent sur la conception et la mise en page des cartes de même que leur lecture ? En suivant nous étudions les limites figurées sur les cartes. Les représentations spatiales sont-elles compartimentées entre frontières physiques, chimériques et administratives ? Peut-on voir dans ces diverses démarcations des marqueurs de l’espace ? Enfin notre étude s’intéresse aux éléments qui servent de légende cartographique. Est-ce que les mappae d’Albi, du Vatican et de Gérone partagent un encodage similaire pour mettre le monde en images ?

A/ Constructions graphiques et lectures des cartes.

Notre réflexion a montré les difficultés et limites pour étudier les mappemondes médiévales dans les manuscrits les contenants et de lier leurs données référencées à des sources littéraires géographiques, historiques et bibliques. Il nous parait pertinent de partir de la carte même, en tenant compte des éventuels liens étudiés précédemment1. Chacune des mappemondes a fait l’objet de transcriptions antérieures qui ont servi et servent de supports aux chercheurs s’intéressant à ces cartes. Nous avons réalisé de nouvelles transcriptions des mappemondes2.

Nous avons vu dans l’exercice une opportunité de se réapproprier les sources afin de mieux percevoir les dynamiques de conception. Les transcriptions sont ainsi le résultat d’un dessin vectorisé où seul les toponymes sont transcrits en capitales et minuscules bicamérales pour faciliter leur lecture. Redessiner sur les cartes en respectant les « défauts3 » qu’elles présentent,

1. Voir : « I - La carte simple illustration ? Interactions entre mappae mundi et textes. », supra, p. 15-48.

2. Voir : « Figure 5 : Transcription de la Mappa mundi d’Albi » - Annexes, vol.II, p. VII, « Figure 6 : Transcription de l’Index des mers et des vents » - Annexes, vol.II, p.VIII., « Figure 7 : Transcription de la Mappa mundi du Vatican » - Annexes, vol.II, p.IX., « Figure 8 : Transcription de la Mappa mundi de Gérone » - Annexes, vol.II, p.X.

3. Nb : par défauts nous entendons les traits non aboutis, tâches diverses, absences de toponymes et tout autre élément que notre œil, familier des cartes, perçoit comme une erreur de conception aujourd’hui.

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et ne pas chercher à les rendre conformes à nos critères esthétiques actuels en cartographie offre un support de réflexion précis pour notre étude comparative.