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Chapitre 1 : Contexte de l’étude

4.2. Toxicité des quantum dots

cœur), 3 jours après l’exposition. Un retour à la normale, lent et progressif, est ensuite observé dans ces organes (84 jours après l’exposition). Les coupes histologiques observées au microscope à fluorescence confirment l’intégrité et la stabilité des QDs au cours du temps d’élimination [52].

4.2. Toxicité des quantum dots

4.2.1. Mécanismes de toxicité cellulaire relatifs aux QDs

A cause du développement constant de nouvelles formulations, les données toxicologiques relatives aux nanomatériaux manquent cruellement. Ce manque de connaissances, à l’origine de nombreux débats et inquiétudes ces dernières années, a poussé les industries et laboratoires de recherche à multiplier les études de toxicité. Les principaux mécanismes répertoriés sont représentés dans la Figure 11. Cependant, chaque nanomatériau a son propre mode d’action en fonction de sa taille, sa composition, sa fonctionnalisation…

Figure 11 : Schéma adapté des principaux mécanismes de toxicité cellulaire induits par les nanoparticules [53].

En ce qui concerne les QDs de CdSe, il a été démontré que la toxicité provient principalement de leur dissolution, qui est le résultat d’une oxydation des éléments en surface [54]. Dans un premier temps, les QDs perdent leurs ligands de surface qui les maintenaient en suspension. Cela a pour effet l’agrégation (liaisons chimiques fortes et difficilement réversibles entre les particules) et l’agglomération (interactions physiques faibles et facilement réversibles entre les particules) des particules qui ne sont alors plus stables et qui sédimentent [42]. Dans

Dommages membranaires Modification du

cytosquelette

Modification transcriptionnelle et dommages oxydatifs de l’ADN

Génération de ROS Dommages mitochondriaux Perturbation de la fonction lysosomale Modification des protéines membranaires Synthèse de médiateurs et de facteurs inflammatoires

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un second temps, la surface des QDs est attaquée par l’oxygène de l’air et peu à peu dissoute. S’il y a une coquille, elle est dégradée en premier, retardant ainsi la dégradation du cœur qui, dans le cas des QDs à base de Cd, contient les éléments chimiques les plus toxiques. Par ailleurs, il est démontré que l’irradiation de QDs CdSe aux rayons UV amplifie l’oxydation de surface et donc la libération des ions Cd2+, ce qui a pour effet d’augmenter la cytotoxicité [54]. Cependant, une réduction de la mortalité cellulaire est observée lorsqu’une coquille de ZnS est présente. D’autres études montrent que l’ajout d’une coquille, dans les nouvelles générations de QDs, réduit davantage la photo-oxydation et augmente leur stabilité ainsi que le rendement quantique (QY) [23].

La toxicité des QDs peut également provenir d’une dégradation intracellulaire. Pour pénétrer dans la cellule, il a été démontré que les QDs CdSe/ZnS recouverts du ligand D-penicillamine utilisent principalement la voie de l’endocytose médiée par la clathrine et la macropinocytose pour pénétrer dans les cellules HeLa [55], [56]. Ils se retrouvent ensuite en grande partie accumulés dans des endosomes et transportés en périphérie de la membrane plasmique pour être éliminés de la cellule via la voie d’exocytose. Une fraction de ces QDs est également localisée dans les lysosomes [56]. Cette seconde voie d’excrétion peut être complexe puisque une étude plus récente a mis en évidence la dégradation des QDs d’InP/ZnS et CdSe/ZnS lorsqu’ils sont soumis à des pH acides, simulant des conditions lysosomales (37 °C, pH 4,5) [57]. Ces derniers deviennent ainsi de véritables réservoirs à ions (Cd2+ ou In3+), potentiellement toxiques. Par ailleurs, la présence d’espèces réactives de l’oxygène (ROS) à l’intérieur des cellules peut aussi oxyder les QDs et les dégrader, en particulier dans les cellules phagocytaires tels que les macrophages qui en contiennent beaucoup. Une étude a mis en évidence une perte de fluorescence des QDs (CdSe/CdS/ZnS), traduisant leur dégradation, lorsqu’ils sont mis en présence des espèces H2O2 et HOCl (acide hypochloreux), qui font partie des ROS impliqués dans les mécanismes oxydatifs intracellulaires [58], [59].

Lorsque les QDs se dissolvent, ils libèrent les éléments chimiques contenus dans leurs cœurs, tels que le Cd, le Te, le Pb ou l’In, sous forme ionique [54]. Pour rentrer dans les cellules, ces ions peuvent détourner des transporteurs membranaires, comme les transporteurs de zinc, ou entrer par endocytose et ensuite être libérés par les endosomes et lysosomes. Ils se retrouvent alors dans le compartiment cytoplasmique où ils sont pris en charge par les différents mécanismes de détoxication cellulaire des métaux, comme les métallothionéines (MT) ou le glutathion (GSH) [24].

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Les ions libérés par les QDs, notamment Cd2+, agissent sur les mécanismes de génération de ROS et induisent des lésions oxydatives de l’ADN [60]. Il a été reporté que les QDs de CdSe/ZnS sont responsables de l’élévation du stress oxydant à l’intérieur des cellules, ce qui entraine des lésions de l’ADN, en particulier lorsqu’ils sont photoactivés [60], [61]. En addition à ces résultats, une étude in vivo montre que l’exposition de souris aux QDs CdSe/ZnS et CdTe/ZnS par voie intraveineuse induit l’augmentation du niveau de métallothionéines, ainsi que l’expression de nombreux marqueurs de stress et d’inflammation, comme l’hème oxygénase 1, interleukine 6 et TNF-alpha [62]. Cette étude met également en évidence une augmentation du niveau des bases oxydées de l’ADN (8-oxodG).

4.2.2. Toxicité de l’indium non nanométrique

L’utilisation accrue de l’indium dans le monde industriel a fortement augmenté l’exposition professionnelle, entrainant une attention particulière des scientifiques vis-à-vis du risque encouru pour la santé. La première étude à mettre en évidence de potentiels effets néfastes de l’indium sur la santé date de 2003 [63]. Elle rapporte un cas de pneumonie interstitielle chez un homme de 27 ans ayant travaillé trois ans dans l’industrie de l’ITO (pour rappel, oxyde d’indium-étain), avec la présence de particules d’étain et d’indium dans des biopsies de ses poumons. En 2005, un cas de fibrose pulmonaire et d’emphysème est rapporté chez un homme de 30 ans, travaillant aussi dans l’industrie d’ITO. Suite à ces observations, des études de cohortes se sont mises en place et ont confirmé le risque élevé de maladies pulmonaires interstitielles chez les travailleurs dans l’industrie d’ITO [64], [65]. En parallèle, des études montrent que l’effet de l’étain par inhalation induit des pneumoconioses bégnines (stannose) sans fibrose ou perte des fonctions pulmonaires [66], [67]. L’hypothèse émise est que l’effet cancérogène observé chez l’Homme est certainement dû à l’indium, cependant, aucune étude ne le prouve à l’heure actuelle. Des résultats sur l’animal viennent enrichir ces données, en particulier, un rapport sur l’exposition de rats à du phosphure d’indium par inhalation met en évidence une forte inflammation ainsi que des zones de fibrose pulmonaire [68]. Suite à ces résultats, en 2006, l’InP est classé dans la catégorie des éléments cancérogènes probables chez l’Homme (groupe 2A) par le CIRC [69].

Diverses études in vivo montrent que l’indium absorbé s’accumule dans certains organes comme les reins, la rate, le foie et les testicules avec une concentration en indium dans le sérum qui dépend de la dose d’exposition [70]–[72]. Cependant, la question des mécanismes moléculaires et cellulaires conduisant à l’absorption de l’indium se pose. La littérature est peu exhaustive à ce sujet car ces derniers sont assez mal connus de nos jours. Il a été démontré que

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le phosphure d’indium se solubilise dans un environnement mimant le fluide gastrique alors qu’il ne se solubilise pas dans un environnement mimant le fluide alvéolaire [71]. L’InP peut donc se dégrader et libérer des ions In3+ dans certains milieux biologiques, notamment dans le fluide gastrique, en raison de son faible pH. Cela signifie par ailleurs, qu’à l’intérieur des cellules, dans certains compartiments acides comme les lysosomes, l’InP pourrait éventuellement se solubiliser comme observé avec les QDs d’InP/ZnS soumis à des pH acides simulant des conditions lysosomales (37 °C, pH 4,5) [57]. La solubilisation de l’indium conduit à la libération de cations In3+, plus réactifs et plus facilement assimilables par la cellule. Une étude récente a évalué les effets de ces cations sur les fonctions mitochondriales et met en évidence des impacts sur l’état oxydatif des cellules ainsi que sur les fonctions des canaux ioniques [73]. Les effets décrits dans cette étude sont une diminution des transports ioniques due à une inhibition des canaux à protons de la membrane interne mitochondriale et une diminution de la respiration mitochondriale, entrainant des augmentations de la motilité de la membrane, une modification de la pression osmotique, une réduction du potentiel membranaire mitochondrial ainsi qu’une ouverture des pores membranaires avec un gonflement de la matrice mitochondriale. Une autre étude portant sur l’exposition de rats à de l’acétate d’indium par voie intrapéritonéale met aussi en évidence l’apparition d’un stress oxydant (par l’augmentation du nombre de ROS), induisant des anomalies sur les spermatozoïdes de ces animaux [70].

En revanche, une étude montre qu’après l’instillation d’InP chez des rats, 73 % de la dose d’In est excrétée via les fèces. En parallèle, l’exposition par voie orale privilégie également ce type d’excrétion [74]. Cela montre une faible absorption de l’InP par la barrière intestinale. Par ailleurs, il est à noter que les données sur la toxicité cutanée de l’indium sont souvent manquantes.

4.2.3. Toxicité des quantum dots d’InP

Les QDs d’InP ont été développés comme alternative aux QDs CdSe qui ont démontré une forte toxicité par le passé. Cette hypothèse a été vérifiée dans quelques études, dont une en particulier, combinant la toxicité in vivo et in vitro des QDs CdSe/ZnS et des InP/ZnS [57]. Ainsi, cette étude met en évidence une perte de l’intégrité membranaire des cellules (pulmonaires et neuronales) à 5 nM de CdSe/ZnS, alors qu’à cette concentration, aucun effet des InP/ZnS n’est visible. Il est également décrit que les CdSe/ZnS entrainent une élévation du stress oxydant intracellulaire (augmentation de l’expression des gènes SOD, CAT, GPx). Une internalisation des deux types de QDs est observée dans le cytoplasme des cellules et en périphérie du noyau. Par ailleurs, l’exposition de drosophiles à ces différents QDs par voie orale

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montre également une élévation de l’expression des gènes de stress HSP 70 et de p53, ainsi qu’une augmentation de l’apoptose dans les hématocytes, avec un effet beaucoup plus important pour les CdSe/ZnS. De plus, une expérience mimant les conditions lysosomales (37 °C, pH 4,5) montre la dissolution des QDs InP/ZnS et CdSe/ZnS en milieu aqueux ainsi que le relargage d’ions In3+ et Cd2+ (en quantité plus élevée pour Cd2+) [57]. Cette étude montre que l’alternative InP/ZnS est plus sûre. Cependant, les QDs se dégradent dans un environnement acide, ce qui entraine une libération et une accumulation d’ions In et Zn dans la cellule qui, selon les auteurs, seraient responsables d’une augmentation du niveau de ROS dans les cellules et, plus généralement, de l’apparition d’un stress oxydant. Deux études in vivo montrent que les QDs InP/ZnS s’accumulent principalement dans le foie et la rate des animaux rapidement après l’injection par voie intra-veineuse, puis qu’ils sont éliminés progressivement de l’organisme [75], [52]. Aucune toxicité aigüe n’est démontrée sur ces animaux. Une étude recense aussi des malformations sur des embryons de vairon après exposition à des QDs InP/ZnS. La toxicité reste cependant moindre en comparaison aux QDs de CuInS/ZnS [76].

Plus récemment, deux études in vitro ont révélé une toxicité de ces QDs InP/ZnS. [77], [78]. Il a ainsi été mis en évidence une faible cytotoxicité après exposition à 0,5-1 mg/mL de QDs durant 24 h et une réponse inflammatoire après exposition à 40 µg/mL de QDs durant 24 h sur des macrophages de souris. Plus précisément, les QDs InP/ZnS sont capables d’activer les macrophages, induisant un stress oxydant et un stress du réticulum endoplasmique, ainsi que la production de cytokines IL6 [78]. Par ailleurs, une étude a montré que la cytotoxicité ainsi que le stress oxydant induits par les QDs d’InP/ZnS dans des cellules pulmonaires variaient en fonction de leur fonctionnalisation de surface et donc de leur charge [79]. Les QDs neutres sont moins toxiques que les QDs chargés positivement ou négativement [49], [79].

En ce qui concerne l’exposition cutanée, les données sur InP/ZnS sont peu nombreuses. Des interactions entre les QDs d’InP/ZnS et la protéine albumine sérique humaine ont été mises en évidence, entrainant des changements conformationnels importants de cette dernière (réduction du nombre d’hélice α), pouvant entrainer une modification des fonctions biologiques [80]. Par ailleurs, les coquilles de ZnS permettent d’éviter la libération des ions provenant du cœur. Les travaux préliminaires à cette thèse ont également été menés sur des QDs d’InP dotés de doubles coquilles (Zn(Se,S)/ZnS) [33]. Les résultats ne montrent pas de diminution de la viabilité des kératinocytes primaires humains exposés à des concentrations de QDs comprises entre 6,25 nM et 100 nM. Par ailleurs, nous avons démontré que lorsque des QDs d’InZnP présentant une simple coquille de Zn(Se,S) subissent un vieillissement mimant une exposition

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solaire, ils se dégradent et deviennent toxiques [32]. Une forte augmentation de la mortalité est alors observée mais aucune génotoxicité n’est mise en évidence à 50 nM. Une autre étude vient en complément et montre une dégradation des QDs d’InP/ZnS lorsqu’ils sont soumis à des températures élevées (90 °C) en présence d’O2 et de lumière, alors qu’à température ambiante dans le noir, l’effet n’est pas observé [81]. Les auteurs concluent que la dégradation se fait via la perte des ligands de surface et que cet effet est accéléré par la lumière ainsi que par la chaleur et la présence d’oxygène.

4.2.4. Toxicité des éléments de la coquille

Les coquilles qui recouvrent les QDs sont composées d’autres éléments métalliques ou non-métalliques (inorganiques ou organiques) comme le zinc, le soufre et le sélénium qui peuvent être impliqués dans la toxicité de ces nanocristaux. En effet, les études de dégradation montrent que lorsque les solutions de QDs sont soumises à l’air ambiant, les éléments de surface subissent des transformations. Cela a pour effet de modifier la structure chimique des QDs ainsi que leur toxicité [23], [32], [33], [54], [57].

Tout d’abord, le zinc est un métal physiologique impliqué dans de nombreuses voies métaboliques, et possède un rôle antioxydant à faible dose. Cependant, lorsqu’il se trouve en excès, il peut se révéler nocif [82], [83]. En effet, une étude sur des embryons de poissons exposés à un excès de zinc révèle une augmentation des malformations du cœur (effet chronotrope négatif) et des spermatozoïdes (diminution de la taille et de la motilité) ce qui lui confère un effet néfaste sur la fertilité [82]. Des données montrent qu’un excès de zinc inhibe les enzymes à glutathion (GPx) et augmente la quantité de glutathion réduit (GSSG) dans les cellules. Cela a pour effet d’induire l’accumulation de ROS, et en particulier le H2O2. Dans la mitochondrie, il entraine un dysfonctionnement au niveau de la production d’ATP [83]. Le zinc constitue cependant l’élément principal des coquilles des QDs. Lorsque ces dernières se dégradent, il est peu probable que le zinc (sous forme Zn (II)) s’oxyde, mais les ions Zn2+ peuvent être libérés et s’associer à d’autres éléments du milieu, notamment à des ions carboxylate, comme observé dans notre précédente étude [32]. Lors de l’oxydation et de la désorption des autres éléments de la coquille, les ions Zn2+ se solubilisent dans le milieu, ce qui participe à rendre les QDs instables.

Le soufre, contrairement au zinc, est facilement oxydable. Cette réaction peut s’effectuer lentement en présence de dioxygène (O2) dans l’air ambiant ou plus rapidement si les QDs sont soumis à une irradiation UV [54]. L’hypothèse émise par les auteurs de l’étude citée précédemment est que le soufre se transforme en ions sulfate (SO42-) et se solubilise dans