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L’approche « safer by design »

Chapitre 1 : Contexte de l’étude

2. L’approche « safer by design »

2.1. Définition

L’approche « safer by design » est une théorie de conception qui permet d’améliorer le rapport bénéfices/risques d’une substance ou d’un produit. Elle prévoit de concevoir le nanomatériau le plus sûr possible dès l’étape de fabrication, mais aussi lors de son utilisation et jusqu’à sa fin de vie, que celle-ci consiste en une mise en décharge ou un recyclage (Figure 4). Cette approche associe les aspects socio-économiques du risque ainsi que les aspects environnementaux et de santé publique [16].

Pour les nanomatériaux, le but de cette approche est de diminuer le risque pour la population (travailleurs et consommateurs, le risque étant la combinaison de l’exposition au nanomatériau et du danger inhérent à ce nanomatériau), tout en conservant ou en améliorant les propriétés. Par exemples en fonctionnalisant la surface des nanomatériaux ou en substituant certaines substances par d’autres, moins toxiques.

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Figure 4 : Principales étapes de l’approche « safer by design » des nanomatériaux [17].

2.2. Aspects socio-économiques

De nos jours, les nanoparticules et nanomatériaux sont omniprésents au quotidien. Ils sont incorporés dans les cosmétiques et dans les produits d’hygiène (dans les crèmes solaires comme filtre UV, dans les produits de maquillage et de coloration capillaire comme pigments, mais aussi dans les dentifrices comme agents blanchissants). Ils sont également présents dans l’alimentation (dans le sel et le sucre comme anti-mottant ou dans certains bonbons et plats cuisinés comme agent opacifiant), dans les médicaments, dans les peintures, dans les écrans... Leur utilité, très controversée, peut aller du ciblage moléculaire dans certains traitements, à un simple aspect esthétique en pâtisserie.

Les potentiels effets toxiques de ces nanomatériaux sont à l’origine de nombreuses craintes pour les consommateurs. Celles-ci proviennent de plusieurs facteurs. Le manque de données de toxicologie avant la mise sur le marché des nanomatériaux est l’une des principales sources d’inquiétude. En effet, une meilleure connaissance des produits, par le biais de tests toxicologiques au sein des laboratoires, suivie d’une sensibilisation du grand public, permettraient d’instaurer une relation de confiance avec le consommateur qui s’exposerait plus facilement au produit. Un deuxième problème est la réticence des entreprises à se plier à la réglementation et d’exposer la mention [nano] sur leurs produits par peur, soit de voir le consommateur se détourner du produit, soit d’être la seule responsable en cas de problème. Après de nombreuses sollicitations d’acteurs de la société comme l’association Agir pour l’Environnement ou 60 millions de consommateurs qui publient la présence de nanoparticules non étiquetées sur l’emballage de nombreux produits alimentaires et cosmétiques, la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF)

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confirme ces résultats depuis novembre 2017. Des associations citoyennes, comme UFC Que Choisir, ont déposé des plaintes contre les fabricants. Il va de soi que ce manque de transparence de la part des entreprises ne rassure pas le consommateur qui pense que l’entreprise cherche à lui cacher la présence de composés dangereux. De leur côté, les entreprises, bien qu’elles sachent ce qu’elles mettent dans les produits finaux, ne disposent pas toujours de toutes les informations de la part des fournisseurs et en particulier ne savent pas toujours si les matières premières contiennent des nanomatériaux [13].

Dans ce contexte, l’approche « safer by design » est une solution pour rapprocher les secteurs privés et la société civile qui sont souvent en désaccord. Le développement de nanomatériaux plus sûrs pour la santé et l’environnement ainsi qu’une meilleure connaissance du rapport bénéfices/risques pourraient permettre aux entreprises de mieux étiqueter leurs produits et aux consommateurs d’être rassurés.

2.3.

Aspects environnementaux et de santé publique

L’émergence des nanomatériaux a entrainé l’apparition de nouveaux risques qu’il convient d’évaluer et de maitriser (Figure 5).

Figure 5 : Dispersion et transformation des nanomatériaux au cours de leur cycle de vie induisant des risques pour la santé et l’environnement [18].

Tout d’abord, des risques environnementaux principalement dus aux rejets des nanomatériaux sont apparus. Il est important de prendre en compte des aspects comme la pollution (de l’air, de l’eau et des sols), mais aussi la gestion des déchets et le recyclage des

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produits. En effet, à l’heure actuelle, très peu de nanomatériaux sont recyclés. Si leur inclusion dans des matrices réduit fortement le risque environnemental au stade de la conception et de la fabrication, il en est différemment en ce qui concerne la fin de vie de ces produits. Par exemple, les nanomatériaux provenant des déchets électroniques (smartphones, tablettes, écrans plats, …) qui finissent leur vie brisés dans des décharges, peuvent potentiellement se répandre dans les sols puis dans l’eau via le ruissellement de surface dû à la pluie. D’autres exemples comme les déchets nanocomposites et pneumatiques peuvent rejeter des nanoparticules dans l’air via les fumées d’incinérations. Les filtres utilisés pour limiter ce phénomène ne sont pas toujours adaptés pour les composés de tailles nanométriques [16]. Ces relargages peuvent correspondre au composé initial, qui est simplement réémis dans l’environnement, ou à des composés plus complexes issus du composé initial qui a subi une transformation physique ou chimique. Celles-ci peuvent être dues, par exemple, à un changement de pH dans le sol ou au changement de température lors de l’incinération. Cela peut avoir un impact considérable sur la faune et la flore à tous les niveaux (aquatique ou terrestre).

D’autre part, l’omniprésence des nanomatériaux génère des risques en termes de santé publique. Il a été démontré aujourd’hui que l’échelle nanométrique pouvait rendre un matériau volatile dangereux pour la santé, notamment puisqu’il se déposera plus profondément dans l’arbre respiratoire (Figure 6). D’autres exemples montrent une toxicité des nanomatériaux en fonction de leur forme. Des études sur l’animal ont montré que les nanotubes de carbone possèdent des formes caractéristiques (semblables aux fibres d’amiantes), qui sont probablement à l’origine de développement de mésothéliomes pulmonaires. Ils ont été classés par le CIRC dans la catégorie 2B, à savoir, cancérogènes possibles pour l’Homme [19]. Ces exemples montrent qu’il faut rester vigilant quant aux potentiels effets toxiques des éléments nanoparticulaires. Des études de toxicité doivent être menées systématiquement pour écarter les risques de cancérogénicité. Ces études peuvent se révéler très complexes, notamment lors d’expositions croisées à divers nanomatériaux. Par exemple, les consommateurs peuvent être exposés à de nombreux additifs présents dans leur alimentation, ou encore les travailleurs peuvent être exposés à plusieurs nanomatériaux en mélange. C’est ce qui est appelé « effet cocktail », qui est l’effet conjugué de divers produits chimiques pouvant avoir des interactions combinées. Ce type d’effet peut également être abordé par l’approche « safer by design ».

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Figure 6 : Dépôt des particules le long de l’arbre respiratoire en fonction de leur taille (modèle de la commission internationale de protection radiobiologique) [20].

Au niveau de la réglementation spécifique au « safer by design », une norme est mondialement utilisée par les entreprises, la norme ISO 14040 : 2006. Elle est internationale et permet de réaliser des analyses de cycle de vie de divers produits. Elle est associée à de nombreuses bases de données, comme la base ECOINVENT qui possède des milliers d’inventaires sur l’évaluation du cycle de vie de divers produits.

2.4. Nanomatériaux « safer by design » générés dans le cadre du LabEx

SERENADE

Le LabEx SERENADE (Laboratory of Excellence for Safer Ecodesign Research and

Education applied to NAnomaterial DEvelopment), qui a cofinancé cette thèse, est dédié à

l’approche « safer by design ». Il s’agit d’un réseau dynamique de laboratoires de recherche académique et de partenaires industriels, financé par le Programme investissement d’avenir pour une durée de huit ans (2012-2020). L’objectif principal est de développer des nanomatériaux innovants plus sûrs pour la santé et l’environnement, en prenant en compte toutes les étapes de leur cycle de vie. Cette thèse se focalise principalement sur l’étude de la toxicité de nouvelles formulations de QDs « safer by design » qui ont été étudiées dans le cadre du projet SAQUADO financé par le LabEx SERENADE. Elle a également permis de tester des nanomatériaux provenant d’autres partenaires du LabEx via le projet TILT, en particulier pour le développement de méthodes de criblage à haut débit afin d’évaluer leurs effets toxiques. Ainsi des données toxicologiques, sur certains nanomatériaux « safer by design » générés par les partenaires du LabEx SERENADE, sont rapportées dans ce manuscrit, comme par exemple,