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Chapitre 1 : Contexte de l’étude

1. Les nanomatériaux

1.1. Définition des nanomatériaux

Les nanomatériaux font partie du nanomonde, c’est-à-dire de l’infiniment petit (Figure

2). En effet, le préfixe « nano » trouve son origine dans le grec ancien « nanos » qui signifie « nain/de très petite taille ». Il peut s’agir de poudres, d’aérosols, de gels, de suspensions liquides ou colloïdales constitués d’éléments de taille nanométrique. L’unité de référence établie par le système international est le nanomètre (nm). Un nanomètre correspond à un milliardième de mètre (1 nm = 10-9 m), ce qui est environ 50 000 fois plus petit que l’épaisseur d’un cheveu [1].

Figure 2 : Les frontières du nanomonde par rapport au monde du vivant [2].

Les nanomatériaux sont issus des nanotechnologies, faisant appel aux nanosciences qui étudient la matière à l’échelle atomique et moléculaire. Un nanomatériau est défini par la commission européenne en octobre 2011 comme étant « un matériau naturel, formé

accidentellement ou manufacturé contenant des particules libres, sous forme d’agrégat ou sous forme d’agglomérat, dont au moins 50 % des particules, dans la répartition numérique par taille, présentent une ou plusieurs dimensions externes se situant entre 1 nm et 100 nm ». Cette

recommandation prévoit également de prendre en compte la surface spécifique de ces objets: « Tout matériau est à considérer comme relevant de la définition établie précédemment dès

lors qu’il présente une surface spécifique en volume supérieure à 60 m2/cm3 » [3].

Même si certains nanomatériaux sont d’origine naturelle comme, par exemple, les particules ultrafines dans les fumées de volcans, la plupart sont produits par l’Homme. Ils peuvent être produits de façon intentionnelle, c’est ce que l’on appelle « nanomatériaux manufacturés » et c’est le cas des quantum dots, qui sont le sujet de cette thèse. Ils peuvent aussi être le résultat de procédés thermiques et mécaniques produits de manière

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intentionnelle, comme par exemple les particules s’échappant du pot d’échappement des voitures. Les nanomatériaux sont classés en deux grandes familles : les nano-objets et les matériaux nanostructurés. Parmi les nano-objets, il existe trois catégories : les nanoparticules qui possèdent 3 dimensions nanométriques, les nanofibres, nanotubes, nanofilaments ou nanobatonnets qui n’ont que 2 dimensions nanométriques et les nano-feuillets, nano-films ou nano-plaquettes qui ne possèdent qu’une dimension nanométrique (on entend ici par nanométrique une dimension comprise entre 1 et 100 nm). En ce qui concerne les matériaux nanostructurés, ce sont des matériaux qui ont une structuration (interne ou de surface) à l’échelle nanométrique. Leur rapport surface/volume est alors très important ce qui leur permet d’acquérir des propriétés uniques, comme par exemple, le confinement des électrons dans les quantum dots [4].

1.2. Les applications des nanomatériaux

Les nanomatériaux sont omniprésents et les secteurs d’activité dans lesquels ils sont employés sont vastes. Ils sont présents, par exemple, dans le secteur de l’automobile, mais aussi dans le secteur de la cosmétique en passant par les secteurs de l’agroalimentaire ou encore de la défense (Tableau 1). Un nanomatériau peut avoir diverses applications et sert, en général, dans plusieurs domaines. Par exemple, les QDs qui nous intéressent particulièrement dans cette thèse, servent dans les domaines de l’optoélectronique, dans la conception de panneaux photovoltaïques et également dans le domaine de l’imagerie biomédicale [5]. Le marché des nanomatériaux est très important et n’a cessé de croitre ces dernières années. L’intérêt scientifique est très important, comme en témoigne la forte augmentation du nombre d’articles publiés au cours des 20 dernières années (Figure 3).

Tableau 1 : Exemples d’applications des nanomatériaux classés par secteurs d’activité (tableau adapté du rapport de l’INRS [1]).

SECTEURS D'ACTIVITE

EXAMPLES D'APPLICATIONS ACTUELLES ET POTENTIELLES

Automobile, aéronautique et

aérospatial

Matériaux renforcés et plus légers, peintures extérieures avec effets de couleur (plus brillantes, rayures, corrosion et anti-salissures), capteurs optimisant les performances des moteurs, détecteurs de glace sur les ailes d'avion, additifs pour diesel permettant une meilleure combustion, pneumatiques plus durables et recyclables, ...

Electronique et communications

Mémoires à haute densité et processeurs miniaturisés, cellules solaires, bibliothèques électroniques de poche, ordinateurs et jeux électroniques ultra-rapides, technologie sans fil, écrans plats …

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Agroalimentaire Emballages actifs, additifs, colorants, anti-agglomérants, émulsifiants, …

Chimie et matériaux

Pigments, charges, poudres céramiques, inhibiteurs de corrosion, catalyseurs multi-fonctionnels, textiles et revêtements anti-bactériens et ultra-résistants, …

Construction Ciments autonettoyants et anti-pollution, vitrages autonettoyants et anti-salissures, peintures, vernis, colles, mastics, …

Pharmacie et santé

Médicaments et agents actifs, surfaces adhésives médicales anti-allergènes, médicaments sur mesure délivrés à des organes précis, surfaces bio-compatibles pour implants, vaccins oraux, imagerie médicale, …

Cosmétique Crèmes solaires transparentes, pâtes à dentifrice abrasives, maquillage avec une meilleure tenue, …

Energie

Cellules photovoltaïques nouvelles générations, nouveaux types de batteries, fenêtres intelligentes, matériaux isolants plus efficaces, entreposage d'hydrogène combustible, …

Environnement et écologie

Diminution des émissions de dioxyde de carbone, production d'eau ultrapure à partir d'eau de mer, pesticides et fertilisants plus

efficaces et moins dommageable, analyseurs chimiques spécifiques, …

Défense

Détecteurs d'agents chimiques et biologiques, systèmes de

surveillance miniaturisés, systèmes de guidage plus précis, textiles légers et qui se réparent d'eux-mêmes …

Figure 3 : Evolution du nombre de publications sur les nanomatériaux par an depuis 2000 (recherche PubMed le 20/02/2020). 0 5000 10000 15000 20000 25000 N o m b re d e p u b li ca ti o n s pubmed - nanomaterials

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1.3. La réglementation des nanomatériaux

Pour permettre une traçabilité des substances à l’état nanoparticulaire produites, utilisées et importées, la France a mis au point en 2009 un dispositif de déclaration pour l’utilisation, l’importation et la fabrication de nanomatériaux (loi Grenelle I du 03/08/2009) qui a été rendue obligatoire le 1er janvier 2013. Ainsi, les entreprises doivent déclarer toutes les substances fabriquées, utilisées ou importées en quantité supérieure à 100 grammes sur le registre R-Nano [6]. Ces données sont ensuite traitées par l’Agence Nationale de SEcurité Sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) qui publie un rapport de synthèse chaque année. Par exemple, en 2018, le rapport mentionne 387 886 tonnes de substances « nano » importées, fabriquées ou distribuées en France en 2017 [7].

En ce qui concerne l’évaluation des risques pour la santé et l’environnement, l’utilisation des nanomatériaux est à l’origine de nombreux débats. Actuellement, les nanoparticules sont règlementées au niveau européen, comme toute substance chimique, par le règlement REACH (Registration, Evaluation, Authorisation and Restriction of CHemicals). Pour se conformer à cette réglementation, les entreprises doivent démontrer la bonne gestion du risque des produits chimiques qu’elles commercialisent dans l’Union Européenne auprès de l’Agence Européenne des produit CHimiques (ECHA). Il est à noter que cette réglementation européenne possède une portée mondiale puisque les industriels non européens qui souhaitent commercialiser leurs produits sur le marché européen doivent être en accord avec celle-ci. Jusqu’à récemment, ce règlement ne tenait pas compte de l’état nanoparticulaire des substances. L’évaluation des risques était donc basée sur la composition chimique des substances « nano ». Cependant, un certain nombre d’études mettant en évidence une variation de la toxicité des substances chimiques en fonction de leur taille ont commencé à voir le jour ces dernières années. C’est pourquoi les autorités ont revu et modifié le règlement pour intégrer les substances de formes nanoparticulaires dans l’évaluation des risques. Il s’agit du Règlement (UE) 2018/1881 de la commission du 03/12/2018 qui est entré en vigueur le 1er janvier 2020. [8], [9]

Il est important de noter qu’actuellement, aucune règlementation spécifique aux nanomatériaux n’est définie pour protéger les travailleurs. En attendant, les travailleurs qui sont potentiellement exposés à ces substances « nano » sont soumis aux règles du code du travail concernant la prévention des risques mises au point pour les agents chimiques dangereux, cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques. Certaines valeurs limites d’exposition

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professionnelle (VLEP) aux nanomatériaux sont données à titre indicatif par différents organismes, et visent à réduire au maximum l’exposition. Par exemple, pour le dioxyde de titane (TiO2), une agence fédérale américaine (le NIOSH : National Institute for Occupational Safety

and Health) a établi deux VLEP, à savoir 2,4 mg/m3 pour le TiO2 fin et 1 µg/m3 pour le TiO2 ultrafin (< 100 nm). Cependant ces valeurs ne garantissent pas une sécurité absolue puisqu’elles ne sont pas basées sur des études toxicologiques [1]. Ainsi, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), a publié un rapport basé sur le principe de précaution et recommande des études épidémiologiques pour suivre l’état de santé des travailleurs exposés aux substances nanoparticulaires [10]. L’Institut National de Recherche et de Sécurité (INRS) a également rédigé un guide sur la prévention des risques des nanomatériaux dans les laboratoires [4]. Des certifications commencent aussi à se développer dans le domaine de la sécurité au poste de travail comme NanoCERT, développé par l’Institut National de l’Environnement Industriel et des RISques (INERIS), avec la mise en place de référentiels [11]. Une étude de surveillance épidémiologique des travailleurs exposés aux nanomatériaux (EpiNano) a été mise en place en 2014 par l’Institut national de Veille Sanitaire (InVS). Cette étude permet de suivre l’état de santé des travailleurs exposés aux nanoparticules au cours du temps. Elle cible principalement les nanoparticules de dioxyde de titane ainsi que les nanotubes de carbone pour lesquels un certain nombre de données toxicologiques sont déjà disponibles, et qui présentent un danger pour la santé.

Pour les consommateurs, un autre règlement est entré en vigueur le 1er juin 2015. Il concerne l’obligation d’étiquetage et d’emballage des substances et mélanges avant leur mise sur le marché (règlement européen CLP : Classification, Labelling and Packaging) [12]. Pour les substances nanoparticulaires, l’étiquetage de la mention [nano] est obligatoire en Europe sur trois classes de produits : dans les produits cosmétiques depuis juillet 2013 (règlement cosmétique (CE) n°1223/2009), les produits biocides depuis septembre 2013 (règlement biocides (UE) n°528/2012) et dans l’alimentation, initialement prévu en décembre 2014 puis retardé par la pression des lobbys industriels à octobre 2015 (règlementation nouveaux aliments (UE) n°2015/2283) [13]. Ces règlements s’appliquant seulement à quelques secteurs d’activité spécifiques, d’autres produits, auxquels la population est très exposée et qui sont susceptibles de contenir des nanomatériaux, ne sont pas règlementés, notamment les textiles, détergents, peintures, dispositifs médicaux, …

Les associations citoyennes et organisations non gouvernementales (ONG) font preuve d’une grande vigilance face aux nanomatériaux. Ils veillent à ce que la réglementation en

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vigueur soit appliquée et mènent des actions de communication pour inciter à la prise en compte des risques liés à l’exposition aux nanomatériaux. En France par exemple, la suspension de la mise sur le marché des denrées contenant l’additif alimentaire E171 (dioxyde de titane - TiO2) a été fortement incitée par l’association citoyenne AVICENN. Cette suspension est prévue pour une durée de 1 an renouvelable à compter du 1er janvier 2020 (arrêté JORF n°0097), pour permettre à l’EFSA (Agence Européenne de Sécurité des Aliments) et à l’ANSES de fixer une dose journalière admissible. Cela fait suite à une étude de l’INRA (Institut National de la Recherche Agronomique) qui met en évidence un potentiel effet cancérogène du E171 chez le rat [14]. Au niveau européen, le règlement n°2018/848 (article 7) prévoit, à compter du 1er janvier 2021, « d’exclure les denrées alimentaires contenant des nanomatériaux manufacturés

ou consistant en de tels nanomatériaux. » [15].