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Comment une tour peut-elle contribuer à l’urbanité de la ville contemporaine ?

Dans le document URBANITÉ, MIXITÉ ET GRANDE HAUTEUR : (Page 95-98)

Chapitre 4 : Problématique et hypothèses

1. Comment une tour peut-elle contribuer à l’urbanité de la ville contemporaine ?

La question du lien social et de l’organisation des fonctions de la ville intense est en enjeu fondamental, y compris pour la construction de grande hauteur. Nous l’avons vu, son échelle inhabituelle exacerbe les problématiques et les enjeux d’urbanité, avec les questions d’articulation entre les espaces publics et les espaces privés, d’interactions entre les acteurs publics et les acteurs privés ainsi que celles d’insertion territoriale. La tour multifonctionnelle ajoute une myriade de nouvelles contraintes complexifiant la création ou le prolongement de l’urbanité du quartier. Trois questions se posent alors :

1.1.Comment « faire ville » en hauteur ?

La possibilité de « faire-ville » ou d’effectivement générer l’urbanité en hauteur se pose en particulier pour la tour multifonctionnelle (et la ville verticale) en tant qu’objet de la ville intense. Nous l’avons vu plus avant, une ville encourage le développement d’une urbanité (ou de plusieurs urbanités) en laissant à disposition à ses habitants des lieux où la sociabilité publique peut avoir cours. Dans la ville traditionnelle, ces lieux sont les espaces publics tels les rues, places, squares, parcs ou autres lieux juridiquement publics et ouverts à tous. Dans la ville contemporaine, les concepts même de public et privé tendent à évoluer, et, sont alors reconnus comme lieux de la sociabilité urbaine de nouveaux espaces juridiquement privés mais ouverts au public. La tour multifonctionnelle ouvrant son pied, son rez-de-chaussée, voire ses étages supérieurs peut entrer dans cette catégorie de lieux potentiellement générateur de sociabilité, c’est là une première hypothèse que nous posons.

Hypothèse principale n°1 : Une tour multifonctionnelle peut « faire-ville » si elle offre des lieux de potentielle sociabilité (à son pied ou en son intérieur) et si elle s’intègre dans la trame urbaine (le territoire) et dans son réseau d’espaces publics.

Nous posons une supposition à ce sujet : « une tour multifonctionnelle peut créer un potentiel de sociabilité si elle combine les usages des différentes fonctions de la tour et du quartier » (H1.1).

Nous supposons aussi que ce mélange des usages pourra être plus réussi si la tour propose des fonctions variées (privées, publiques, ouvertes au public, de proximité ou non, etc.) et si elle développe des espaces vides intermédiaires (ou espaces communs) permettant le mélange physique des différents usagers et les rencontres aléatoires. La mixité des fonctions à l’échelle du bâtiment se répercute-t-elle alors sur les usages (occupations et déplacements) ? Doit-il y avoir nécessairement volonté de mélanger les flux et les usagers pour qu’une sociabilité se fasse dans la tour ou à son pied ? Existe-t-il une proportion idéale entre fonctions publiques et privées d’une part, entre fonctions ouvertes au public et fermées au public d’autre part, ou encore entre « espaces pleins » et « espaces vides » ?

L’organisation spatiale de ces « vides » ou espaces de transitions entre les fonctions elles-mêmes, entre l’intérieur et l’extérieur de la tour ou entre les lieux publics et privés, nous paraît alors décisive dans sa capacité à s’intégrer dans la ville et prolonger l’urbanité du quartier. C’est la deuxième hypothèse que nous posons : « une tour peut être intégrée dans le système urbain si son pied est accessible au public, si elle propose des fonctions accessibles au public et si les transitions public/privé sont lisibles » (H1.2). Quelle forme architecturale peut alors favoriser la sociabilité ou le mélange des

usagers de la tour entre eux et avec l’extérieur (intérieur, pied de tour, espace de transition entre l’intérieur et l’extérieur, entre public et privé) ? Quelle liaison à la trame urbaine existante ? Quelles interfaces et quelles proportions entre les lieux privés et ouverts au public, et entre les vides et les pleins ? La gestion des flux et déplacements de piétons dans la tour ou entre la tour et l’extérieur paraît ressortir comme un élément fondamental de son intégration urbaine : quelle gestion et exploitation des espaces permettent alors une meilleure accessibilité à la tour, son pied et ses étages ouverts au public ?

Cette problématique de l’accessibilité, primordiale dans la question de caractérisation de la publicité d’un lieu se complète par la question de la régulation des accès et des usages. C’est l’une des problématiques clés des espaces « publics » de la ville contemporaine : juridiquement privés, ils sont en droit de réclamer un contrôle drastique de leurs usages et de leurs accès. C’est pourtant ce manque de contrôle et le côté universellement accessible d’un espace qui le rend « public », et l’on revient alors au débat sur la réelle capacité à créer urbanité et sociabilité de ces lieux « semi-publics » de la ville contemporaine. Y a-t-il un compromis possible ? Quelle régulation des usages et des accès à ces lieux

« semi-publics » permet de favoriser au maximum la sociabilité urbaine et donc l’urbanité de la tour ? Ces considérations d’intérêt général ne paraissent à première vue pas directement bénéfiques pour les acteurs privés investissant dans de tels objets urbains et pour qui le but premier est la rentabilité économique et financière. Cependant, nous posons l’hypothèse que « la sociabilité créée et l’intégration dans le système urbain sont deux éléments clés de l’acceptabilité sociale d’une tour multifonctionnelle » (H1.3). Ces considérations de qualité et de sociabilité, en la rendant acceptable, attractive et fréquentée, deviennent alors un atout pour la tour multifonctionnelle, sa commercialisation, son image et les activités qu’elle abrite (commerces, hôtels, logement ou bureaux) et donc aussi pour les acteurs privés.

1.2.Comment mettre en œuvre la ville en hauteur ?

La question des acteurs paraît alors essentielle dans la mise en œuvre de la ville en hauteur. La dualité organisationnelle public/privé créée par la tour multifonctionnelle exacerbe la problématique –déjà complexe – du système d’acteur et du montage d’un projet urbain de cette ampleur. Nous posons donc une seconde hypothèse principale qui consiste à affirmer que la mise en œuvre de la ville en hauteur est directement liée à la relation entre les acteurs du privé et du public et ce, aussi bien en amont qu’en aval de sa production.

Hypothèse principale n°2 : La relation entre les acteurs publics et privé lors de la conception de la tour multifonctionnelle ainsi que dans sa gestion en aval a une incidence directe sur sa capacité à

« faire-ville ».

En particulier, nous supposons que « l’intégration d’espaces et de fonctions ouvertes au public dans la tour multifonctionnelle est possible si cette dimension est prise en compte dès sa conception, et ce, par un partenariat entre les différents acteurs intervenant en amont et en aval » (H2.1). En amont, quel système d’acteurs et quel montage de projet peut alors favoriser la mise en œuvre de la multifonctionnalité à l’échelle du bâtiment ? Et la mixité public/privé (des fonctions et des lieux) ? Qu’en est-il de la création d’espaces publics de qualité bien intégrés dans le réseau urbain existant ? La mixité fonctionnelle et le mélange public/privé entraîne des complications de gestion et d’exploitation, en particulier, pour les interfaces entre les lieux accessibles au public et les lieux privatifs, ainsi que les limites entre les espaces publics traditionnels (juridiquement publics) et les espaces semi-publics (juridiquement privés). Existe-t-il des systèmes propriété-gestion-entretien favorisant l’intégration et le bon fonctionnement d’un mélange de fonctions publiques et privées et de lieux dits « publics » et

privés ? Sont-ils applicables au cas de la tour multifonctionnelle ? Est-il envisageable de concevoir un tel bâtiment via un partenariat étroit entre acteurs du public et acteurs du privé ?

Si un partenariat est difficile à mettre en place, une collaboration minimum entre acteurs publics et acteurs privés semble indispensable tant l’impact d’une tour sur le territoire est considérable. En supposant que : « la part de l’engagement des acteurs de la production (publics/privés, locaux/globaux) a une incidence sur le produit fini » (H2.2), on comprend l’importance que peut prendre la dimension du système d’acteurs dans la réussite d’un tel projet. Comment alors la part de l’engagement des acteurs publics et privés ou le financement dans le montage de projet peuvent jouer sur le produit fini ? Il y-a-il un niveau minimum requis d’engagement du secteur public pour garantir des espaces de qualité et bien insérés dans la trame urbaine et dans le territoire ?

1.3.Comment le territoire et la tour s’articulent-ils?

Puisque les tours, gratte-ciel ou constructions de grande hauteur sont réputées pour leur fort impact territorial, en particulier en France où il s’agit de constructions singulières, il n’est pas envisageable qu’un tel projet ne prenne pas en considération les impacts environnementaux, économiques et sociaux de son implantation. C’est la troisième hypothèse que nous posons :

Hypothèse principale n°3 : De par les flux qu’elles engendrent, leur ampleur spatiale, et les fonctions qu’elles proposent, les tours multifonctionnelles structurent le territoire dans lequel elles s’insèrent.

Selon nous, la bonne intégration territoriale de la tour garantit en partie sa « durabilité » : mieux intégrée elle fait partie intégrante de la ville, elle est mieux acceptée socialement et elle est plus attractive (donc ses activités économiques fonctionnent mieux). Nous supposons alors que « la maîtrise qu’ont les acteurs publics (locaux ?) est une des conditions de bonne intégration de la tour dans son territoire et qu’elle est fondamentale pour son acceptabilité sociale, et son ancrage au territoire local» (H3.1). Une tour est pourtant souvent un objet dont la production est déterritorialisée.

Quelle maîtrise les acteurs publics et les acteurs publics locaux peuvent-ils alors garder sur le projet ? Comment le territoire et l’ancrage des acteurs de la production peuvent-ils avoir un impact sur le projet de tour et sa réalisation ?

Nous supposons aussi que « la bonne intégration de la tour multifonctionnelle dans son territoire dépend en grande partie de la qualité et de l’accessibilité de ses espaces publics (au pied ou intérieurs), et des différentes fonctions ouvertes au public» (H3.2). A cette hypothèse, nous ajoutons aussi que « l’intégration de la tour multifonctionnelle dans son territoire sera plus aisément réussie si elle participe à la mixité des fonctions à l’échelle du quartier ou, en d’autres termes que les fonctions qu’elle propose sont en adéquation avec les besoins du quartier » (H3.3).

Dans le document URBANITÉ, MIXITÉ ET GRANDE HAUTEUR : (Page 95-98)

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