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2. À la recherche d’une structure d’accueil

2.4. La réception des demandes de stage ou de contrat d’apprentissage par les structures

2.4.5. Tirer profit d’une main-d’œuvre accessible

Enfin, force est de reconnaître que le projet de tirer profit des jeunes en PFMP ou en apprentissage par rapport à leur apport potentiel en termes de tâches exécutables à peu de frais ne semble pas totalement absent dans les trois domaines étudiés, même s’il apparaît là bien mineur, au regard de ce que l’on peut constater dans d’autres spécialités de formation.

Les dirigeants ou les tuteurs d’entreprise peuvent ainsi anticiper que les jeunes leur fournissent du travail, prennent en charge certaines tâches, en particulier après l’acquisition d’une expérience

minimale de quelques jours : par exemple, dans le domaine de la sécurité-incendie, vérifier si les extincteurs présents dans un bâtiment se trouvent bien à leur place, accrochés comme prévu, avec leur panneau d’indication et leur date de recharge. Cela renvoie à de petites missions ou tâches souvent chronophages pour les personnels en poste, et constitue donc un apport a priori recherché par la structure d’accueil. Dans le domaine des services à la personne, les stagiaires sont par exemple souvent les bienvenus car ils offrent aux structures la possibilité de bénéficier d’une ressource supplémentaire pour combler de l’absentéisme ou faire face à des charges de travail trop lourdes pour les professionnels en place, et cela de façon relativement bon marché.

La sensibilité aux services apportés potentiellement par le jeune tend de fait à être plus aigüe au sein des structures qui fonctionnent avec un effectif limité au regard de leurs besoins ou de normes en vigueur. On le voit par exemple au sein d’un centre d’éducation culturelle (CEC) d’une petite ville d’une grande agglomération. Même si le responsable du service sécurité incendie de ce CEC a avant tout une motivation éducative, il entend aussi, au moins implicitement, récupérer un peu de main- d’œuvre en recevant régulièrement des jeunes en stage. Son service est en effet en permanence insuffisamment doté en effectifs, au regard des normes de référence. A l’initiative de la mairie auprès de laquelle le CEC dépend, ce service a en fait obtenu le droit de déroger à ces normes pour limiter les coûts de fonctionnement de la structure.

Depuis deux ans à peu près on accueille deux-trois stagiaires par an, à peu près aux mêmes périodes, de toute façon, mai-juin. Là c’est la première fois qu’on en a deux en même temps, mais tout se passe bien. Étant donné qu’on a moins de SSIAP, moi ça me va bien aussi. Ne serait-ce que pour aller déjeuner, etc., on peut se permettre de laisser le stagiaire à l’accueil, devant le report, s’il y a quoi que ce soit, on lui donne un talkie, il appelle, on est là, on est à côté de toute façon, il n’y a pas de souci. […] C’est pour ça que je ne suis pas… Je ne refuse plus de stagiaires. […] Moi, au niveau sécurité incendie, j’ai un SSIAP le matin, une hôtesse d’accueil qui est SSIAP aussi, et l’après-midi j’ai deux SSIAP de 15 heures à 22 h 30. […] Et moi, étant là aussi la journée, un SSIAP le matin, ça va, donc j’ai cédé là-dessus. En théorie un ERP1 devrait fonctionner avec un SSIAP2 et deux SSIAP1 en permanence. Il y a une dérogation demandée par la mairie qui a été accordée par les pompiers, même plus qu’accordée, puisqu’on avait demandé à fonctionner avec deux SSIAP, ils ont accordé un seul SSIAP, en plus affecté à une autre tâche. […] L’objectif est de réduire un peu les coûts, mais on réduit aussi la sécurité. […] Moi j’ai démarré ici avec un SSIAP2 et deux SSIAP1 le matin, un SSIAP2 et deux SSIAP1 le soir. Avec moi en plus en chef d’établissement, je suis SSIAP1 aussi. Maintenant, voilà, on réduit les coûts. À chaque fois on me demande : « Est-ce que ? Est-ce que… ? » Ben oui, il y a une pression politique de toute façon. Je la comprends. Je la comprends. Il y a une dotation de l’État qu’on a en moins, etc., il faut réduire les coûts partout (tuteur, chef d’établissement, CEC).

De par le statut de salarié de l’apprenti et la durée de son contrat, le projet de disposer d’une main- d’œuvre additionnelle a tendance à se vérifier davantage dans le cas de l’apprentissage, et de surcroît au sein des petites entreprises intéressées. En engageant un apprenti, le patron d’une TPE ou d’une PME sait qu’ilva pouvoir compter sur un salarié de plus, ce qui peut être une aubaine au vu de l’ampleur, de la variété de l’activité à remplir et de la faiblesse de fait des effectifs en place. Parfois, un tel recrutement peut même se substituer, plus ou moins directement, à une embauche plus classique ou plus durable. C’est un peu, dans une certaine mesure, ce que l’on constate, par exemple, au sein d’une TPE spécialisée dans la formation à la sécurité-incendie. Au moment de l’enquête, cet organisme de formation emploie un apprenti préparant le baccalauréat professionnel métiers de la sécurité (en classe de première) et s’apprête à en embaucher un deuxième l’année prochaine, de façon à en avoir un en permanence au sein de l’entreprise. Avant de recourir à

l’apprentissage, le patron avait un salarié, un agent technique, qui l’aidait à organiser et à mettre en place les formations de simulation sur le plateau technique de la société, mais celui-ci est décédé soudainement. Hésitant à engager de suite un nouveau salarié à sa place malgré le besoin existant, et incité par un enseignant-formateur du lycée de la Sécurité, partenaire et « ami » de longue date, il a alors procédé au recrutement de son premier apprenti, avec peu ou prou l’intention de lui confier progressivement une partie au moins des tâches et des responsabilités qui incombaient à son ancien salarié.

Puis, en dépit de certaines difficultés rencontrées, il s’est aperçu qu’il s’agissait finalement d’un mode de fonctionnement valable, d’où sa volonté d’avoir à présent sous sa coupe deux apprentis – pendant que l’un sera à l’UFA, l’autre tournera avec lui sur le plateau technique. Aujourd’hui, ce recours à l’apprentissage lui permet clairement, dans son esprit, d’éviter à avoir à recruter un nouvel agent technique en CDI et à temps plein, dans un contexte où l’activité s’avère d’ailleurs très saisonnière, morte ou quasi-morte pendant les vacances scolaires, et s’accommode mal d’un tel recrutement. Ajoutons qu’il n’envisage absolument pas de recruter à terme ces deux apprentis ou l’un d’eux, lesquels aspirent du reste à devenir pompiers.

Le caractère « utile » des stagiaires et des apprentis pour l’activité des entreprises des trois secteurs étudiés demeure pourtant bien, dans la majorité des cas, une raison mineure ou secondaire qui les pousse à en accueillir. En général, la motivation principale reste clairement le projet de rendre service, voire de préparer d’hypothétiques recrutements à terme, l’idée de tirer profit de la présence de jeunes en formation ne venant qu’en second lieu, et du reste, souvent là encore, après expérience, comme le suggère l’exemple qui vient d’être évoqué. En aéronautique, en sécurité comme dans les services à la personne, on semble donc loin, dans la plupart des cas, de poursuivre une simple logique d’intérim quant à l’accueil de jeunes en formation.

Leur valeur ajoutée potentielle apparaît relativement faible en ces domaines, surtout quand ils débutent carrément, en seconde sous statut scolaire. Pour l’ensemble des acteurs interviewés, le tutorat représente toujours une « charge », « du travail », une « productivité un peu moindre », une source d’inconfort, car il faut constamment encadrer les jeunes, les surveiller, les suivre, notamment au début, à leur arrivée dans la structure. Ce constat est même établi dans le cas de l’apprentissage, certes avec des variantes selon les situations et l’appréciation effective des jeune, alors que ce mode de formation pourrait justement apparaître comme un moyen permettant à une structure de disposer suffisamment longtemps d’un salarié pour qu’il soit a minima performant à son poste tout en le rémunérant peu. En outre, au moins l’aéronautique et la sécurité sont présentées comme des domaines où les jeunes ne peuvent pas être rapidement rendus complètement autonomes et laissés seuls dans le cours de l’activité. Comme on l’a déjà évoqué à propos de l’aéronautique (cf. section 1), les activités de sécurité sont aujourd’hui censées exiger trop de responsabilités, générer trop de risques, requérir trop de compétences et de qualités pour permettre une telle autonomisation rapide et intégrale. De fait, dans ces secteurs, les entreprises semblent avoir assez peu tendance à engager des jeunes en PFMP et en apprentissage pour chercher avant tout à profiter d’une main-d’œuvre bon marché.