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La recherche des structures d’accueil et donc la possibilité de générer les actions de tutorat représentent un enjeu essentiel, source constante d’interrogation et d’inquiétude pour les jeunes et les équipes pédagogiques. Cette recherche est à l’origine de tout un travail qu’il convient de mettre en visibilité. Les établissements de formation débutent très tôt la recherche de structures d’accueil, parfois un an avant. Les enseignants, dans les faits plus souvent les enseignants professionnels, se mobilisent pour trouver tous les ans de nouvelles structures, la concurrence étant vive entre les différents établissements de formation. De plus ils ont peu de temps alloué pour faire cette recherche, et évoluent dans des systèmes d’organisation qui ne se révèlent pas forcément des plus favorables. Le passé professionnel d’un enseignant ou d’un formateur peut lui permettre d’accéder à des terrains de stage ou des places d’apprentissage, de même le développement de partenariats au fil du temps constitue un atout pour tous les enseignants ou formateurs qui s’engagent dans pareille recherche.

Les jeunes, y compris en PFMP, sont d’abord invités à rechercher par eux-mêmes leur structure d’accueil. En PFMP, s’il s’agit d’une invitation en seconde, il s’agit plus d’une obligation en première et terminale. Les élèves mineures ont plus de difficulté. De plus en plus de lieux accueillent uniquement des majeurs. L’apprentissage (qui démarre en première dans les cas étudiés) recrute d’emblée un nombre toujours plus élevé de majeurs. La recherche de structures d’accueil par les élèves peut venir percuter celle réalisée par les établissements de formation : un même lieu pouvant être sollicité deux fois. De plus, l’éloignement du lieu de stage trouvé par l’élève par rapport au lieu de l’établissement de formation peut créer des difficultés pour les enseignants ayant en charge la visite de stage et l’évaluation.

Enseignants et formateurs s’accordent pour mentionner que cette recherche souffre d’un manque de temps et de moyens. Il semble donc nécessaire de réfléchir à une organisation du travail au sein des établissements de formation pouvant favoriser cette activité de prospection, de sollicitation des structures d’accueil dans une optique de co-construction et de co-formation de ces périodes de formation en milieu professionnel.

Sollicitées très en amont par les établissements scolaires pour un accord de principe sur l’accueil de stagiaires, certaines structures peuvent rencontrer des difficultés pour se projeter aussi loin dans le temps compte tenu de leur taille (ce sont de petites structures, avec peu de personnel). Certaines, de par leur taille, n’accueillent des élèves que tous les deux ans afin de ne pas trop solliciter les tuteurs. L’activité des structures d’accueil peut être fluctuante selon les secteurs et rendre difficile l’accueil d’un jeune : une hausse d’activité tout comme une baisse d’activité ne sont pas favorables aux actions de tutorat. Dans le premier cas, le tuteur est peu disponible pour le jeune, et dans le second cas l’activité n’est pas assez riche pour que le jeune puisse acquérir les connaissances et les compétences attendues. Les structures acceptent d’accueillir des élèves pour trois grandes raisons principales en ordre d’importance : la première raison évoquée est pour rendre service aux jeunes, aux établissements dans le cadre de partenariats, aux parents ou à une connaissance commune. La deuxième raison est pour former les professionnels de demain et pouvoir les recruter. La troisième raison est de pouvoir bénéficier d’une main d’œuvre à moindre coût. Ce dernier cas est peu fréquent dans les structures étudiées.

Dans des contextes professionnels où l’apprentissage reste peu développé, les petites structures sont plus en difficulté pour accueillir des apprentis. Elles ont en particulier peu de personnel disponible pouvant être tuteur sur une plus longue période.

Trois phases clés ont ensuite été observées : avant le départ vers le monde professionnel, pendant cette période de formation en structure d’accueil, et au du retour au lycée ou en centre de formation.

Cette première période, d’avant stage, est utilisée par les enseignants, les formateurs pour distribuer différents documents et consignes aux élèves. Des réunions d’information collectives avec les tuteurs ont été organisées par certains établissements de formation. Bien que cet outil soit apprécié par les différents protagonistes, il n’en reste pas moins que les tuteurs sont peu disponibles pour assister à ces réunions. Du côté des structures d’accueil une information est donnée aux équipes et aux futurs tuteurs de la future arrivée des élèves. Certains tuteurs ont reçu des formations pour tutorer, alors que pour la grande majorité, ils assument cette fonction sans formation, voire au pied levé, quand le tuteur officiel est malade. Même au sein des petites structures, tuteur administratif et tuteur pratique sont différents. Le tuteur administratif demande assez souvent à l’élève de venir dans la structure avant le stage afin de faire connaissance avec le ou les tuteurs pratiques, l’équipe et les locaux. Du côté des jeunes, nous avons observé une forte motivation pour aller dans les structures, une soif d’apprendre dans le concret de la vie professionnelle.

Durant la période de formation en structure d’accueil, la qualité du tutorat est donc d’abord liée à la capacité des entreprises et des tuteurs concernés à dégager du temps en cours d’activité pour son effectuation dans de bonnes conditions. Le risque de manquer de temps est globalement amplifié au sein des petites structures. Les règles générales à respecter quant à la gestion des stagiaires ou des apprentis (âge, temps de travail) ne permettent pas toujours d’optimiser les apprentissages à organiser à leur profit en situation de travail. Dans nombre de structures des trois secteurs étudiés, l’activité se déroule sur une grande amplitude horaire qui entraine un travail en continu organisé en équipe. Activité à laquelle le jeune ne peut participer, ce qui peut poser problème pour avoir une vue d’ensemble. Il pourrait être autorisé de terminer plus tard ou de commencer plus tôt pour le jeune afin de mieux appréhender l’activité dans son ensemble comme par exemple dans le secteur des services à la personne ou la sécurité.

En situation, le jeune participe à un ensemble de tâches propres à un emploi spécifique ou à une équipe, avec l’objectif qu’il les effectue à terme de façon autonome. Les tuteurs réalisent un suivi, et notamment des bilans à mi-parcours afin de faire le point et corriger certaines situations si nécessaire. Ils peuvent ainsi rediscuter des situations rencontrées par le jeune qui peuvent être perturbantes, par exemple un décès ou une chute dans le secteur des services à la personne. Les outils de suivi sont peu utilisés par les tuteurs et ne font pas toujours sens pour eux. Ils remplissent les documents comme demandé par le jeune et l’établissement de formation sans pour autant se les approprier. La qualité du tutorat est très liée à la capacité des structures d’accueil et des tuteurs de dégager du temps durant l’activité pour qu’elle se déroule dans les meilleures conditions. Au sein de ces structures, le tutorat est à appréhender comme une relation non pas duale entre le tuteur et le jeune mais une relation pluri composantes entre le jeune et son tuteur mais également les autres professionnels qui interviennent pour réaliser le travail à effectuer. La qualité du tutorat évolue aussi en fonction de l’attitude en situation de travail des uns envers les autres. La dimension collective du travail est centrale et importante à transmettre aux jeunes. La principale difficulté pour les tuteurs est de ne pas détenir en démarrant l’action de tutorat les informations nécessaires concernant les attendus sur leur rôle mais aussi la manière d’agir auprès du jeune, car en interne peu de structures ont fait le choix de former les tuteurs.

Le retour au lycée est organisé pour donner la parole aux jeunes lors de débriefings, pour qu’ils évoquent ce qu’ils ont fait, les éventuels problèmes auxquels ils ont été confrontés ou les situations délicates qu’ils ont pu rencontrer. Ces moments de débriefing collectif ou individuel, mais aussi les rapports de stage, les soutenances servent aux enseignants et aux formateurs pour exploiter pédagogiquement les actions de tutorat, et construire/ajuster leur propre action au sein de l’établissement de formation.

Les référentiels et leurs modes de traduction au sein des livrets de compétences et des grilles d’évaluation restent obscurs pour une majorité de tuteurs. Afin de gérer ces tensions dues au décalage entre les tâches décrites dans les référentiels et les activités réelles, un accompagnement s’impose donc bel et bien et cet accompagnement est encore plus indispensable pour les petites structures qui débutent dans le tutorat.

Rivés parfois aux référentiels, les enseignants et les formateurs peuvent de même avoir tendance à réduire aux découvertes et apprentissages réalisés par les jeunes en milieu de travail à de simples mises en pratique ou en application de leur enseignement, en prenant le risque d’appauvrir le regard porté sur ces expériences vécues.

L’accompagnement des actions de tutorat par les enseignants se décline principalement de deux manières ; la première est une visite du lieu d’accueil ou un appel téléphonique au tuteur afin de veiller au bon déroulement de la PFMP ou du parcours d’apprentissage. La seconde est l’évaluation. Elles sont en majeure partie réalisées par les professeurs d’enseignement professionnel ou technique, même si l’on constate aujourd’hui une implication accrue des professeurs d’enseignement général. Durant l’évaluation, le tuteur administratif/formel est présent et il a consulté précédemment le ou les tuteurs pratiques.

Au-delà des difficultés techniques, affectives, pratiques de l’évaluation, soulignons le décalage entre le référentiel et la grille d’évaluation, et le vécu professionnel du tuteur et sa façon singulière de voir son métier, qui dépendent de son histoire personnelle et du contexte organisationnel dans lequel il évolue.

Les démarches d’accompagnement, et en particulier les visites en entreprise, ne sont pas toujours conduites « comme il faudrait ». La disponibilité des enseignants et des formateurs pour programmer et réaliser les visites est difficilement conciliable avec les heures de cours à assurer auprès des autres élèves ou classes.

Dans l’action d’accompagnement, il est nécessaire de tenir compte à la fois du référentiel et de la multiplicité des situations réelles de travail rencontrées par les jeunes en stage ou en contrat d’apprentissage, et par conséquent de l’écart inévitable entre ce qui est référencé et ce qui est effectivement vécu. Cela implique une connaissance du travail réel par les enseignants et une connaissance du contenu des référentiels par les tuteurs. Il est important de noter ici tout le travail, peu visible, mis en place par les enseignants et les formateurs, en matière d’assistance, d’explication des compétences, de traduction de ces dernières en actions concrètes, afin d’aider les tuteurs lors de l’évaluation de leur stagiaire ou apprenti.

La qualité et l’efficacité de l’accompagnement que les enseignants mettent en œuvre dépendent notamment, en partie, de leur profil et de leur parcours antérieur. Ceux qui enseignent une matière professionnelle ou technique ont globalement plus de chances de se sentir à l’aise avec cet accompagnement que ceux qui enseignent une matière générale. De plus, les enseignants et les formateurs, anciens professionnels eux-mêmes du domaine visé (services à la personne, métiers de la sécurité ou aéronautique), semblent souvent avantagés pour réaliser pareil accompagnement. Ils parlent le même langage, ont une connaissance de la culture de la profession et peuvent prendre la « bonne » distance nécessaire avec le référentiel. Cependant, il n’y a pas pour ainsi dire de déterminisme disciplinaire ou biographique. Au total, tout dépend surtout de la manière dont chaque enseignant ou formateur gère au quotidien la tension ou le dilemme entre référentiel et situations réelles de travail.

Il n’en demeure pas moins que l’accompagnement mis en œuvre semble de fait majoritairement orienté avant tout « référentiels ». Cette référence constante aux référentiels dans la construction et le suivi des actions de tutorat invite à s’interroger sur ces outils, leur usage et le fait de savoir s’ils agissent plutôt comme des ressources ou des contraintes dans cette construction et ce suivi. On peut

aller aussi jusqu’à s’interroger sur le mode de conception des référentiels lui-même. Peut être manque-t-il un maillon, un outil entre le référentiel et le travail réel afin de faire du tutorat une action de co-formation ?