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Les théories de la discrimination

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Section 1 Les explications néoclassiques des différentiels salariaux

1.2 Les théories de la discrimination et la méthode de la décomposition Oaxaca-Blinder

1.2.1 Les théories de la discrimination

Altonji et Blank (1999) définissent la discrimination sur le marché du travail comme une situation où les travailleurs qui sont également productifs font l’objet de mesures discriminatoires fondées sur une caractéristique observable comme la race, l’ethnie, ou le sexe. Ainsi ils reçoivent des salaires différents, ou bien doivent satisfaire, pour un salaire donné, à des exigences différentes dans leur emploi. La discrimination peut non seulement être en termes de salaire, mais aussi être en termes d’emploi ou

d’occupation, quand les probabilités de l’embauche, de la promotion, du licenciement ou de l’accès à certaines activités sont différentes entre groupes44.

Suivant Cain (1986), la discrimination en termes de salaire peut être exprimée par :

e Z X

Y = β+α + (7.18)

, où X est un vecteur de caractéristiques productifs, β est un vecteur de coefficients, Z est une variable discrète égale à 1 si l’individu est membre d’un groupe susceptible d’être discriminé (et égale à zéro inversement). Si α<0, il existe de la discrimination à l’égard des membres de ce groupe.

Dans la littérature théorique, la discrimination peut être expliquée par les préjugés des employeurs (Becker, 1957), l’imperfection de l’information (Phelps, 1972 ; Aigner et Cain, 1977) ou la ségrégation professionnelle (Bergmann, 1971, 1974).

a. La discrimination basée sur les préférences (Becker, 1957)

Selon Becker (1957), « si un individu a une préférence pour la discrimination, il se comporte comme s’il était prêt à payer un prix, soit directement, soit sous la forme de revenu réduit, pour être associé avec certaines personnes plutôt que d’autres ». Cette préférence pour la discrimination s’explique par les préférences et les préjudices de l’individu.

Dans le modèle de Becker, on fait l’hypothèse que : 1) Le marché est en concurrence parfaite, c’est-à-dire que l’entrée et la sortie des employeurs sont libres ; 2) Les hommes et les femmes (ou bien les noirs et les blancs) sont également productifs.

Les hommes (ou les blancs) sont privilégiés parce que : 1) Les employeurs ont une préférence pour les employés masculins (ou blancs), et sont prêts à sacrifier leur profit pour éviter les employés féminins (ou noirs) ; 2) Les employés masculins (ou blancs) n’aiment pas travailler à côté des femmes (ou noirs), et sont prêts à sacrifier leur salaire pour éviter d’avoir à côtoyer des collègues de sexe féminin (ou noirs) ; 3) Les consommateurs préfèrent traiter avec les hommes (ou les blancs) et sont prêts à payer plus cher pour éviter les services des femmes (ou les noirs).

44 A part la discrimination sur le marché du travail, les économistes tiennent aussi compte de la discrimination avant l’entrée au marché du travail, quand les opportunités d’accès à l’éducation, qui permet d’acquérir le capital humain, sont inégales entre différents groupes de population.

Becker introduit un coefficient de discrimination (d). Le salaire d’un travailleur masculin (blanc) est de wa, et le salaire d’un travailleur féminin (noir) est de wb. Pour les employeurs discriminants, le coût salarial effectif d’un travailleur féminin (noir) est de wb+d. Par conséquent, les travailleurs féminins (noirs) sont seulement embauchés quandwawbd.

Dans le modèle de Becker les employeurs sont prêts à sacrifier le revenu pour la satisfaction de leur préférence. Néanmoins, cela est incohérent avec la théorie néoclassique puisque l’incitation monétaire suscitera l’entrée des concurrents non-discriminants qui vont tirer avantage du coût plus faible des travailleurs ayant fait l’objet de discrimination. Cela oblige les employeurs discriminants à modifier leur comportement, de sorte qu’à long terme, la discrimination disparaîtra. La théorie de Becker ne permet donc pas d’expliquer les différences persistantes de revenus entre le groupe privilégié et le groupe discriminé.

b. La discrimination statistique (Phelps, 1972 ; Aigner et Cain, 1977)

La discrimination statistique consiste à faire des prédictions sur les aptitudes et la productivité d’un agent, basées sur son appartenance à un certain groupe (Borjas 2000 : 357)45.

La discrimination statistique apparaît en raison d’information imparfaite sur la productivité d’un travailleur individuel. Comme c’est difficile et coûteux pour les employeurs d’obtenir suffisamment d’information pour estimer la productivité de chaque candidat, ils sont incités à utiliser les informations sur la productivité moyenne d’un groupe donné pour juger la productivité individuelle d’un candidat. En effet, ils se servent des caractéristiques facilement identifiables (la race, le sexe) comme un indice de la productivité, s’ils croient qu’il existe une différence systématique de performance entre les deux groupes (hommes/femmes, travailleurs blancs/noirs). Néanmoins, certains individus, qui ne présentent pas le trait associé au groupe auquel ils appartiennent, sont traités comme s’ils l’avaient à cause de leur appartenance à celui-ci.

Par exemple, en moyenne les femmes ont plus de probabilité de quitter l’entreprise à l’occasion de maternités ou pour suivre leur mari muté. Dans la mesure où les employeurs ne peuvent pas savoir a priori quelles seront les femmes qui auront

45 Voir Thurow (1975) pour une analyse plus détaillée de la discrimination statistique.

interrompu leur carrière, ils sont tentés d’appliquer ce schéma à toute femme candidate.

Les femmes ont alors moins de chance d’être embauchées ou bien reçoivent un salaire inférieur.

Contrairement à la discrimination basée sur les préférences, l’employeur discriminant est gagnant puisqu’il utilise les informations peu coûteuses pour trier sa main-d’œuvre afin de réduire le coût d’embauche et de maximiser son profit.

L’hypothèse de la discrimination statistique permet donc d’expliquer la persistance des discriminations sur le marché du travail.

c. La ségrégation professionnelle et le modèle de cantonnement de Bergmann (1971, 1974)

Les hommes et les femmes (les travailleurs noirs et les travailleurs blancs) tendent à occuper différents emplois sur le marché du travail. Les femmes (les travailleurs noirs) tendent à être sur-représentées dans les emplois à bas salaires et sous-représentées dans ceux à salaires élevés. Ce phénomène de ségrégation professionnelle est considéré comme une forme importante de la discrimination sur le marché du travail. En effet, une partie importante des disparités de rémunération provient de l’inégale répartition professionnelle.

Le modèle de cantonnement (« Crowding hypothesis ») de Bergmann (1971, 1974) constitue une des explications théoriques de la ségrégation professionnelle. Selon ce modèle, la concurrence est imparfaite sur le marché du travail, le groupe dominant (hommes, travailleurs blancs) peut rationner l’entrée dans certains types d’emplois et ainsi bénéficier d’un taux de salaire plus élevé dans ces emplois. En revanche, le groupe défavorisé (femmes, travailleurs noirs) est exclu de ces emplois et entassé dans un nombre limité d’emplois. A cause de l’abondance de l’offre du travail pour le nombre limité d’emplois, le produit marginal y est particulièrement faible et le salaire offert est réprimé. Même certains emplois sont dévalorisés et étiquetés comme « emplois féminins », systématiquement moins bien rémunérés.

d. Le rôle de l’offre de travail des femmes

Certains économistes considèrent que la position défavorable des femmes sur le marché du travail découle de leur propre choix, supposé rationnel. Les femmes assument généralement plus de responsabilités familiales, en particulier l’éducation des

enfants. Cela limite leur participation au marché du travail (Mincer et Polachek, 1974 ; Polachek, 1979). Sorensen (1991) trouve que 85% des femmes âgées entre 35 et 41 travaillent d’une manière discontinue, et que leurs revenus sont 30% moins élevés par rapport aux femmes de la même tranche d’âges qui travaillent continuellement.

Comme les femmes ont en moyenne une vie active plus courte, pour elles les rendements espérés de l’éducation et de la formation sont plus faibles que ceux des hommes, elles vont donc choisir de moins y investir. Quant aux employeurs, vu que les femmes ont plus de probabilité d’interrompre le travail, ils offrent moins de formation aux femmes employées. De plus, pendant la période où les femmes se retirent du marché du travail, leur capital humain se déprécie. Par conséquent, la productivité des femmes ainsi que leur salaire sont relativement plus faibles.

D’après Becker (1985), comme les femmes assument le travail au foyer et la garde des enfants, qui demandent beaucoup d’efforts, sur le marché du travail elles ont une préférence pour les emplois qui sont moins exigeants en temps et en efforts. Par conséquent, les femmes se concentrent plus dans les emplois à bas salaires. Le rôle des femmes dans le foyer exerce aussi les influences sur leur choix professionnel. Comme elles s’attendent à quitter le marché du travail plus tôt ou bien à n’y travailler que partiellement, elles tendent à choisir les professions dont l’utilité est transférable (comme infirmière ou institutrice) et le taux de la dépréciation du capital humain est faible. Becker (1985) montre que la ségrégation professionnelle résulte de l’auto-sélection des femmes actives.

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