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L’analyse de l’augmentation des salaires et du surplus de travail à partir de l’hypothèse du monopsone étatique

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 91-94)

Section 1 L’impact des institutions sur les salaires et l’emploi dans les SOEs

1.3 L’analyse de l’augmentation des salaires et du surplus de travail à partir de l’hypothèse du monopsone étatique

Nous avons vu plus haut le problème du surplus de la main-d’œuvre dans les SOEs. Dans les pays socialistes le sureffectif est considéré comme une caractéristique intrinsèque des SOEs, parce que l’Etat leur demande d’assurer le plein-emploi. Ainsi les

79 Avec les données d’enquêtes des ménages en 1995 et 1999, Knight et Li (2005) constatent la persistance des différentiels salariaux entre les entreprises à forte rentabilité et les entreprises à faible rentabilité. Ils montrent que malgré le renforcement de la concurrence, le lien entre profit et salaire s’affirme et contribue significativement à l’accroissement des inégalités salariales de 1995 à 1999. Meng et Kidd (1997) trouvent aussi que la rétention du profit par les SOEs constitue une explication possible pour les différentiels salariaux significatifs inter-industriels.

chercheurs supposent généralement que les SOEs chinoises sont déjà en sureffectif au moment du démarrage de la réforme.

En cas de sureffectif, le produit marginal du travail dans les SOEs doit être très faible voire proche de zéro. Cependant, un nombre significatif d’études, qui utilisent les données des années 1980 et du début des années 1990, fournissent l’évidence que dans les SOEs le produit marginal du travail (MPL) était plus élevé que le salaire (Hay et al., 1994 ; Jefferson et Rawski, 1994 ; Xu et Zhuang, 1996 ; Yang et Zhou, 1999, etc.80).

X. Dong et L. Putterman ont effectué une série d’études sur le salaire et l’emploi dans les SOEs. Partant de l’hypothèse du monopsone étatique dans les SOEs avant et au début de la réforme81, ils interprètent l’augmentation des salaires et du surplus de travailleurs dans les SOEs pendant la réforme sous un autre angle.

Selon le modèle présenté par Dong et Putterman (2000), avant la réforme, il était rationnel pour l’Etat de se comporter comme un monopsone dans le secteur industriel, en embauchant moins de travailleurs que le niveau socialement optimal et payant des salaires inférieurs au MPL82. Dong et Putterman (2000) montrent aussi empiriquement que le pouvoir de monopsone étatique et les écarts entre le MPL et le salaire persistent dans les SOEs au moins jusqu’en 1985. Cette conclusion semble être cohérente puisqu’il n’y a pas eu de changement significatif dans la gestion des SOEs avant 1984.

Le sous-emploi prédit par le modèle de monopsone paraît être en désaccord avec la conviction habituelle que les SOEs sont caractérisées par un surplus de main-d’œuvre. Cependant, le sous-emploi au niveau agrégé est compatible avec le sureffectif au niveau des entreprises individuelles. Dans un système planifié, l’affectation des travailleurs ne correspond pas aux besoins des entreprises. Les SOEs, bien qu’en situation de sous-emploi, peuvent pourtant avoir un excès de travailleurs non-qualifiés.

80 Par exemple, Hay et al. (1994) utilisent les données en panel des SOEs des années 1980 et trouvent une grande disparité entre le MPL et le salaire. Ils expliquent qu’un travailleur supplémentaire augmente la production de 5620 yuan tandis que le coût direct qu’un travailleur supplémentaire représente pour l’entreprise 1017 yuan. Ils rapportent que même en tenant compte des bénéfices non salariaux, le rendement généré par un travailleur supplémentaire dépasse largement le coût supplémentaire.

81 Voir l’annexe 3.2 pour l’illustration du modèle de monopsone.

82 L’Etat, qui détient le pouvoir de contrôle des SOEs, a pour objectif principal de maximiser l’accumulation du capital dans l’industrie. Néanmoins, cet objectif est soumis à la contrainte suivante : au niveau macroéconomique, le coût du travail dans le secteur industriel est croissant avec le transfert de la d’œuvre agricole vers le secteur industriel. En effet, au fur et à mesure de ce transfert de main-d’œuvre, le prix des produits agricoles va augmenter et l’Etat doit consacrer plus de ressources à la fourniture des bénéfices non-salariaux aux nouveaux résidents urbains.

Comme le notent Hay et al. (1994), “la valeur du produit marginal excède largement les coûts salariaux additionnels pour les travailleurs productifs, mais…les entreprises ont un excès de travailleurs (peu qualifiés) qui ne participent pas à la production” (p. 393)83. A partir du milieu des années 1980, les SOEs obtiennent plus d’autonomie de gestion et font face à un environnement plus concurrentiel. Avec les données en panel de près de 1000 SOEs sur la période 1980-1990, Dong et Putterman (2002) montrent la réduction de l’écart entre le MPL et le salaire et le recul du sous-emploi au cours des années 1980. Avec les données en panel des SOEs sur la période 1980-1994, Dong et Putterman (2001) trouvent que les SOEs sont passées de la situation de sous-emploi en celle de sureffectif autour de l’année 1992. Leurs résultats confirment le rôle du renforcement de la concurrence dans cette diminution du pouvoir de monopsone de l’Etat.

Ainsi, à la différence des autres études qui mettent l’accent sur le problème d’agence, Dong et Putterman (2002) interprètent l’augmentation des salaires dans les SOEs dans les années 1980 comme le résultat de la disparition graduelle du pouvoir de monopsone étatique. D’après eux, même si on reconnaît l’existence de capture de la rente par les travailleurs84, au sens strict on ne peut pas parler de sur-rémunération, au moins jusqu’en 1990, puisque le MPL est encore supérieur au salaire d’après leurs résultats empiriques.

Néanmoins, ils admettent quand même que les salaires dans les SOEs sont au-dessus du niveau qui aurait été déterminé par les forces du marché85. Si la réforme avait favorisé la mobilité du travail et les SOEs pouvaient embaucher les travailleurs dans le large réservoir de main-d’œuvre, qui sont prêts à travailler pour un salaire moins élevé, le niveau de l’emploi aurait augmenté et les salaires auraient baissé dans le secteur étatique. Cependant, jusqu’au milieu des années 1990, les SOEs continuent à garantir la sécurité de l’emploi et du revenu à leurs employés. Les salaires élevés dans les SOEs

83 Les résultats de Fleisher et Wang (2004) corroborent cette hypothèse.

84 Dont et Putterman (2002) s’interrogent aussi sur le rôle du partage de la rente (à travers le paiement de la prime) dans l’évolution de l’écart entre le MPL et le salaire. Ils montrent que sur l’ensemble de la période étudiée, le paiement de la prime n’a pas contribué à la réduction de cet écart, car l’effet du renforcement de la productivité est plus important que l’effet de la hausse de la rémunération.

85 Comme le souligne Lee (1999), l’écart entre le salaire et le MPL ne veut pas forcément dire que les travailleurs des SOEs sont sous-rémunérés par rapport au niveau efficient, car le MPL n’est pas une bonne représentation du niveau efficient de salaire en Chine, étant donné que la forte intensité capitalistique de la production mène au MPL particulièrement élevé.

ont partiellement remplacé le monopsone étatique comme une des causes de la croissance modeste de l’emploi dans les SOEs86.

Pour expliquer l’augmentation du sureffectif dans les SOEs, Dong et Putterman (2003) mettent l’accent sur la concurrence et le fardeau politique. En s’appuyant sur les données des SOEs de la période 1990-1994, ils trouvent que le durcissement des contraintes financières et les restrictions d’ajustement de l’emploi conduisent à la diminution de la production et du profit dans les SOEs et que le nombre de travailleurs en sureffectif augmente en conséquence. Ils concluent que le durcissement des contraintes budgétaires n’a fait qu’aggraver la situation de sureffectifs tant que les SOEs n’ont pas été libérées du fardeau politique. D’ailleurs, les SOEs sont obligées de maintenir les salaires élevés étant donné que les salaires offerts par les entreprises non-étatiques ont augmenté.

En résumé, Dong et Putterman insistent sur le fait que les SOEs sont de plus en plus assujetties à la concurrence, de sorte que leurs décisions concernant les salaires sont beaucoup plus orientées par les forces de marché. Pourtant, elles n’ont pas la liberté d’ajustement de l’emploi. Dong et Putterman confirment aussi que le secteur étatique a été un segment protégé du marché du travail où les salaires sont au-dessus du niveau qui aurait été déterminé par les forces du marché. En plus, ils mettent en évidence la tendance de la détérioration de la performance des SOEs dans le contexte de l’intensification de la concurrence et soulignent l’importance de libérer les SOEs de leur fardeau politique.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 91-94)