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C ONCLUSION GENERALE

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 195-200)

Au cours de son processus de transition vers une économie de marché, l’Etat chinois a choisi de réformer le secteur étatique de manière graduelle plutôt que de recourir à des privatisations massives, tout en promouvant l’émergence d’un secteur non-étatique composé d’entreprises collectives, privées ou individuelles, et à capitaux étrangers. A cause de la nature graduelle et partielle de la réforme, les entreprises d’arrangements institutionnels distincts coexistent sur le marché du travail urbain.

L’évolution conjointe de ces différents types d’entreprises a entraîné une diversification de la structure de l’emploi, comme de la structure des revenus du travail urbains. Cette thèse a proposé, d’une part, une étude de la segmentation du marché du travail par type d’entreprise dans le contexte particulier de la transition économique chinoise et d’autre part, des analyses conjointes de la segmentation par type d’entreprise et de la discrimination de genre.

Pendant la première phase de la réforme du secteur étatique, les managers des SOEs ont obtenu une plus grande autonomie de décision en termes de salaires. En revanche, leur autonomie en termes d’emploi est beaucoup plus restreinte : le licenciement dans les SOEs reste toujours sous le strict contrôle de l’Etat. D’ailleurs, en absence d’un système indépendant de sécurité sociale, les SOEs doivent continuer à fournir des bénéfices sociaux (le logement, les soins médicaux, l’éducation des enfants, les retraites…) à leurs employés. Parallèlement, l’expansion d’un secteur non-étatique a permis non seulement la création de l’emploi en dehors du secteur étatique mais aussi l’introduction des forces concurrentielles sur le marché du travail, étant donné que les entreprises non-étatiques déterminent leur politique d’emploi et leur échelle de salaires en poursuivant essentiellement l’objectif de maximisation du profit.

Pendant cette phase de la réforme, les salaires ainsi que les rendements de l’éducation, qui étaient maintenus aux niveaux faibles, ont généralement augmenté et la structure des salaires, qui était fortement égalitaire, est devenue plus dispersée.

Néanmoins, il est aussi constaté que les salaires dans les SOEs ont excessivement augmenté et que le processus de la réaffectation de la main-d’œuvre entre les secteurs étatique et non-étatique est stagnant, malgré l’accroissement des sureffectifs dans le secteur étatique ou les rendements de l’éducation plus élevés dans le secteur non-étatique. En effet, la détermination des salaires et de l’emploi dans les SOEs est fortement conditionnée par leurs rigidités institutionnelles. Cela mène à une segmentation du marché du travail entre le secteur étatique et le secteur non-étatique.

Les différences institutionnelles sont remarquées non seulement entre les entreprises étatiques et non-étatiques. Elles sont aussi importantes entre les entreprises collectives urbaines, les entreprises privées nationales et les entreprises à capitaux étrangers. Au cours de la première phase de la réforme, les entreprises privées nationales subissent des politiques restrictives et se développent sous contraintes, ce sont essentiellement les entreprises collectives urbaines (UCEs) qui ont contribué à la création de l’emploi. Les UCEs fonctionnent dans un environnement plus favorable par rapport aux entreprises privées nationales et plus libéralisé par rapport aux SOEs.

Néanmoins, elles sont destinées à jouer un rôle complémentaire par rapport aux SOEs et les emplois dans ces entreprises sont moins qualifiés et moins protégés. En revanche, les entreprises à capitaux étrangers (FIEs) fonctionnent sous un régime réglementaire beaucoup plus favorable et disposent d’une large autonomie de gestion. Elles sont capables d’offrir des meilleures rémunérations et perspectives professionnelles aux travailleurs. Enfin, parmi les SOEs, la distinction se fait aussi entre les SOEs supervisées par le gouvernement central et celles supervisées par les gouvernements locaux. Ces premières se trouvent plus souvent dans les secteurs de monopole, elles sont plus protégées par l’Etat et ont des contraintes budgétaires plus molles, tandis que ces dernières sont relativement plus assujetties à la concurrence et ont des contraintes budgétaires plus dures.

La première partie de nos analyses empiriques a examiné les écarts salariaux entre quatre types d’entreprises dans la Chine urbaine en 1995. Nous constatons que les salaires annuels sont les plus élevés dans les entreprises à capitaux étrangers, viennent ensuite les SOEs centrales puis les SOEs locales et les entreprises collectives urbaines.

Nos résultats de décompositions confirment l’hypothèse que la segmentation du marché du travail urbain est à l’origine d’une part importante des différentiels salariaux entre les entreprises de différents types de propriété.

D’abord, parmi les entreprises nationales, les écarts de salaires sont essentiellement expliqués par la différence de propriété. Cet effet de la propriété est en faveur des SOEs par rapport aux entreprises collectives urbaines, il est aussi en faveur des SOEs centrales par rapport aux SOEs locales.

Ensuite, entre les entreprises à capitaux étrangers (FIEs) et les entreprises nationales, le temps de travail plus élevé dans les FIEs contribue de manière importante aux salaires plus élevés de leurs employés. Entre les FIEs et les SOEs locales, l’écart salarial provient principalement de la conjonction d’un effet de la propriété et de la différence de temps de travail. Par rapport aux SOEs locales, les FIEs offrent, à caractéristiques égales, les salaires horaires plus élevés qui leur permettent d’attirer les travailleurs. En revanche, l’écart de salaire entre les FIEs et les SOEs centrales est essentiellement dû au temps de travail plus important dans les FIEs et ne suffit pas pour convaincre les employés de ces grandes SOEs à quitter leurs emplois.

Enfin, nos résultats montrent que les employés des UCEs ont, en moyenne, les caractéristiques moins favorables et ils sont aussi moins bien payés à caractéristiques et à temps de travail égaux, non seulement par rapport aux employés des SOEs mais aussi par rapport à ceux des FIEs.

Ces résultats mettent en lumière l’évolution de la réforme de la propriété après le milieu des années 1990.

Comme le confirment nos résultats, jusqu’au milieu des années 1990, les salaires sont surélevés dans le secteur étatique. D’ailleurs, les sureffectifs y sont de plus en plus importants. Au cours des années 1990, la libéralisation économique s’accroît et la concurrence du secteur non-étatique s’intensifie de sorte que la situation financière des SOEs devient insoutenable. Depuis 1994, les SOEs locales, qui sont plus exposées à la concurrence du marché, sont d’abord poussées à la privatisation, vu que les gouvernements locaux ne peuvent plus maintenir la protection de l’emploi et du salaire dans ces entreprises. En revanche, la réforme des SOEs centrales ou provinciales ne s’est répandue qu’à la fin des années 1990. Beaucoup d’entre elles sont considérées comme le pilier de l’économie et continuent à occuper une position privilégiée. La

restructuration des SOEs s’accompagne de la réduction considérable des effectifs.

D’après les statistiques du gouvernement, de 1995 à 2001, le nombre des travailleurs employés dans le secteur étatique a chuté de près de moitié, passant de 113 à 67 millions (Giles et al., 2006). Les réformes du système de sécurité sociale se sont aussi déployées, dans les domaines des retraites, de l’assurance chômage, de l’assurance des soins médicaux et de la libéralisation du logement (Dong et Ye, 2003).

En même temps, le secteur des entreprises collectives urbaines s’est rétréci de façon spectaculaire et la propriété privée a gagné progressivement de la légitimité. Le secteur privé (incluant les entreprises nationales et étrangères) est passé de moins de 5%

de l’emploi urbain en 1988 à près de 15% en 1995, et 33% en 2002. Avec le durcissement des contraintes budgétaires dans les SOEs et le développement plus important du secteur non-étatique, les travailleurs bien éduqués commencent à migrer vers le secteur non-étatique (Fleisher et al., 2005), les taux de rendements de l’éducation parmi les différentes catégories d’entreprises convergent (Dong et Bowels, 2002 ; Zhang et al., 2005).

La deuxième partie de nos analyses empiriques révèle que la segmentation du marché du travail et l’hétérogénéité de comportements des différents types d’entreprises ont des impacts sur les inégalités salariales de genre. A l’aide des données CHIP de 1988 et 1995, nous trouvons que la discrimination à l’égard des femmes a augmenté dans les SOEs centrales et locales et s’est réduite dans les entreprises collectives urbaines. L’augmentation de la discrimination dans les SOEs peut être expliquée par l’accroissement de l’autonomie des managers des SOEs et l’atténuation de l’importance accordée à l’égalité hommes-femmes par le gouvernement. En effet, l’augmentation de la discrimination est notamment importante dans les SOEs locales qui ont une plus grande autonomie et s’éloignent plus du contrôle de l’Etat. La diminution de la discrimination dans les UCEs suggère qu’au sein de ces entreprises, les réformes du marché et l’accroissement de la concurrence provenant des autres types d’entreprises ont dissuadé les comportements inefficients de discrimination.

Il est aussi montré que les FIEs ont tendance à offrir les salaires plus élevés aux femmes, à caractéristiques égales. Ce résultat semble confirmer l’hypothèse que la discrimination à l’égard des femmes est la plus faible dans le secteur le plus libéralisé.

Une autre tentative d’interprétation est relative à l’effort des FIEs visant à attirer les travailleurs féminins dans le contexte de la segmentation du marché du travail en faveur

du secteur étatique. Nous remarquons que ce résultat corrobore celui de Braunstein et Brenner (2007). Ils utilisent les mêmes données de CHIP et trouvent qu’en 1995, les femmes tirent davantage de bénéfices des IDE que les hommes en termes de salaires, à caractéristiques égales. Ils l’expliquent par la ségrégation des hommes et des femmes selon le secteur industriel. Dans les bases de données de CHIP de 1988 et 1995, le nombre de travailleurs observés dans les FIEs est très faible et ne nous permet pas d’étudier l’effet du secteur d’activité. D’ailleurs, ces bases ne couvrent pas les migrants ruraux qui travaillent en ville, tandis que les femmes migrantes employées dans les FIEs sont nombreuses. Pour mieux comprendre le comportement des FIEs en termes de discrimination de genre, il est nécessaire de mener les analyses plus approfondies à l’aide des bases de données plus complètes.

Cette étude illustre la structure du marché du travail urbain et examine les différentiels salariaux liés à la diversification de la propriété des entreprises pendant la première phase de la réforme économique chinoise. Après le milieu des années 1990, le processus de la libéralisation s’est accéléré et la structure du marché du travail a connu des changements plus importants. Le nombre des entreprises contrôlées par l’Etat a fortement diminué. Les formes des entreprises non-étatiques se diversifient et la taille du secteur privé s’accroît de manière considérable. La prolongation des analyses avec les nouvelles bases de données offrirait des renseignements intéressants concernant les évolutions de la segmentation du marché du travail.

Dans le document The DART-Europe E-theses Portal (Page 195-200)