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Nous avons vu précédemment que notre problème était "mal posé". De ce fait, il existe une infinité de trajectoires pour passer d’une posture à une autre. Le cadre du contrôle optimal permet de contourner cette difficulté car il réside dans la détermination d’une trajectoire unique, minimisant un critère de coût global associé à la trajectoire du mouvement. C’est sur le choix de cette fonction de coût que les avis divergent. Nous présenterons alors succinctement différents coûts, fréquemment rencontrés dans la litérature. Notons que ces hypothétiques fonctions de coût sont généralement étudiées de manière expérimentale par l’in-termédiaire de tâches de pointage et ce dans différentes conditions. Les sujets doivent atteindre de leurs mains différentes cibles successives. Pour ce type de tâches, les mouvements s’avèrent être stéréotypés. En particulier, les mouve-ments ont des trajectoires quasiment rectilignes entre deux cibles et le profil de vitesse présente une forme de cloche, sans variation discontinue de la vitesse et

4.3. LES THÉORIES DU CONTRÔLE OPTIMAL 57 de l’accélération.

4.3.1 Critère de la secousse minimale

Le critère est ici de rendre la trajectoire la plus gracieuse possible en mi-nimisant les secousses tout au long de celle-ci. Ce critère très répandu a été proposé par Flash et Hogan (Flash et Hogan, 1985). Les secousses s’obtiennent par la dérivée temporelle de l’accélération du mouvement. Ainsi le critère de coût prend la forme de 4.1. La position de la main dans le plan est repérée par ses coordonnées cartésiennes (x, y). Le calcul de la trajectoire optimale est effectuée pour un mouvement de durée T sans étape intermédiaire .

CSecousseM inimale=1 2 Z T 0 (d 3x dt3)2+ (d 3y dt3)2dt (4.1) En supposant la main immobile au début et à la fin du déplacement, il suffit pour déterminer la trajectoire optimale de connaître les coordonnées de la posi-tion initiale et finale ainsi que la durée du mouvement. Les trajectoires obtenues sont bien rectilignes dans le cartésien et présentent aussi un profil de vitesse en cloche. Cette forme de trajectoire s’avère de plus invariante en translation et en rotation, selon la durée et l’amplitude du mouvement. La détermination de cette trajectoire ne fait enfin appel à aucune représentation interne de la dynamique du bras. Ce critère permet de prédire des trajectoires similaires à celles observées expérimentalement (voir figure 4.4) pour des mouvements de pointage soit libres, soit contraints par le passage par des points intermédiaires ou avec des évitements d’obstacle. Par ailleurs cette hypothèse génère des tra-jectoires compatibles avec la relation de la loi de puissance deux tiers (Viviani et Flash, 1995).

4.3.2 Critère de la variation minimale de couple

articu-laire

Bien qu’un grand nombre de mouvements paraissent compatibles avec le critère de la secousse minimale, Uno et al (Uno et al., 1989) ont observé que certains mouvements, qu’ils soient de grande amplitude ou perturbés par l’ap-plication d’un effort extérieur sur la main présentaient des trajectoires curvi-lignes et non plus recticurvi-lignes, résultat incompatible avec le modèle de la secousse minimale. Ils proposent alors que la planification de la trajectoire du mouve-ment soit guidée par une minimisation des variations des couples articulaires. Soit un membre composé de N articulations. Notons Mi le couple au niveau de la i-ème articulation. Pour un mouvement d’une durée T le critère de coût

Figure 4.4 – Protocole expérimental de mesure de la trajectoire des mouve-ments des sujets lors d’une tâche de pointage libre (Flash et Hogan, 1985). Les courbes décrivent les mesures expérimentales en trait pointillé et les prédictions du modèle en trait gras : (a) trajectoires de la main, (b) profil de vitesse, (c) composante de l’accélération selon l’axe X et (d) composante de l’accélération selon l’axe Y.

prends alors la forme suivante :

CV ariationCouple= 1 2 Z T 0 N X i=1 (dMi dt ) 2dt (4.2) La mise en œuvre de cette approche requiert le calcul des couples articulaires et donc de disposer de connaissance sur des paramètres géométriques et dyna-miques du corps (longueurs, masses, inerties, viscosités,etc.). La résolution de ce problème d’optimisation fournit alors directement les couples que devront générer chaque application.

4.3.3 Critère de la variance minimale

Les approches précédentes présentent l’avantage de fournir des résultats co-hérents avec les observations expérimentales. Toutefois elles ne permettent pas d’expliquer comment le système nerveux central en est venu à de tels choix. Elles se révèlent par ailleurs complexes de part les quantités qu’elles manipulent (dérivée d’accélérations, de couples articulaires).

Harris et Wolpert (Harris et Wolpert, 1998) proposent une nouvelle hypo-thèse pour expliquer les mécanismes sous-jacents à la planification de trajec-toire. Partant du constat que les signaux neuronaux contiennent du bruit, le système nerveux central aurait pour objectif de minimiser la variance de la position finale du mouvement à réaliser. Ce niveau de bruit serait dépendant

4.3. LES THÉORIES DU CONTRÔLE OPTIMAL 59 du niveau du signal. En d’autres termes, un mouvement trop rapide aurait un haut niveau de bruit et serait donc imprécis. Un mouvement trop précis serait par conséquent très lent. Ainsi le système nerveux central ferait face à un compromis vitesse-précision. La minimisation de la variance de la position finale serait modulée par la durée du mouvement ou de manière duale, cette durée du mouvement serait déterminée par le choix du niveau de précision du mouvement. Cette approche leur permet en particulier de retrouver certaines caractéristiques du mouvement lors de tâches de pointage : trajectoires recti-lignes, profils de vitesse en cloche, lois de Fitt et de la puissance deux tiers (4.5). Enfin Harris et Wolpert suggèrent que ce type de stratégie ne serait pas plus complexe que celles de la secousse minimale ou de la variation minimale de couple articulaire.

Figure 4.5 – Tâche de pointage, trajectoires de la main observées (a) et pré-dites par le principe de minimum de variance (b). Profils de vitesse observés (c) et prédits (d) lors du pointage de T1 à T3. Corrélation avec la loi de la puissance deux tiers (e) et (f). D’après Harris et Wolpert, 1998.