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9.3 Résultats et discussion

9.3.4 Performance de conduite

Nous étudions ici les mesures obtenues lors de la conduite en condition "ac-tive". Nous rappelons que dans cette condition, il est demandé aux sujets de maintenir leur niveau de contraction musculaire la plus constante possible mal-gré les variations de couple au niveau de volant. Au regard de la gamme de valeurs de couple volant dans laquelle s’effectue la conduite, il est illusoire que le niveau de contraction musculaire puisse rester le même tout au long de l’ex-périmentation (Pick et Cole, 2006a). Toutefois, dans ce contexte de conduite, notre objectif vise à minimiser l’effet de l’impédance apparente des sujets et à mettre ainsi en évidence la dynamique de la boucle de poursuite et de ses mécanismes de mise à jour.

La figure 9.7 présente une réponse typique d’un des sujets à une perte soudaine

Figure9.7 – Variation de l’angle volant suite à une coupure soudaine d’assis-tance de couple en condition active.

d’assistance de couple volant. Nous y identifions les étapes suivantes :

1. La trajectoire du véhicule est stabilisée sur le suivi du cercle de 150m de rayon. La conducteur maintien alors le volant dans une position adéquate. Lors d’une conduite en conditions nominales, cet angle évolue au cours du temps, corrigeant les erreurs de suivi engendrées en particulier par ses bruits perceptifs et moteurs mais aussi par le glissement des pneumatiques du véhicule sur la chaussée.

2. La variation soudaine de couple augmente où diminue le couple de rappel exercé au niveau du volant et rompt alors l’équilibre dynamique de ce dernier, le déplaçant vers une nouvelle position angulaire d’équilibre. 3. L’impédance apparente du conducteur agit contre cette perturbation et

sans y remédier parfaitement.

4. Le conducteur corrige le niveau de couple qu’il fourni afin de retrouver la position angulaire précédente correspondant à la trajectoire désirée de son véhicule.

5. Le conducteur retrouve un état stable dans le nouveau contexte de conduite qui lui est proposé et poursuit son suivi du cercle de rayon de 150m. Afin de caractériser la performance de conduite des sujets en fonction des dif-férentes conditions (souple/raide), nous identifions les paramètres d’analyse suivants :

– Pic d’angle volant. Nous mesurons la variation relative d’angle volant entre son état stabilisé avant la perte d’assistance et le maximum atteint à la césure entre les étapes 1 et 2 (Voir figure 9.7).

– Instant du pic. Nous relevons à quel instant le pic d’angle volant défini ci-dessus est atteint.

– Durée de correction. Nous estimons le temps au bout duquel le conducteur atteint l’étape 5, c’est-à-dire la durée écoulée depuis la variation de couple volant jusqu’à la stabilisation la position angulaire de son volant(et donc de la trajectoire de son véhicule).

Le contrôle du véhicule présente certaines irrégularités dues à la présence de bruits sensoriels et moteurs, d’imprécisions dans le calcul des consignes à réali-ser mais aussi de frottements au niveau du contact roue/sol et de jeux au sein des différents organes mécaniques. Cette variabilité naturelle, propre en partie à chaque conducteur, rend illusoire dans notre contexte un contrôle parfait du volant et de l’écart sur la voie du véhicule. Afin d’illustrer ceci, nous avons réalisé pour un sujet une conduite où la tâche consistait au suivi de trajec-toires circulaires de différents rayons. Pour cela, nous avons repris le contexte de conduite défini au chapitre 9. Les figures 9.8 et 9.9 représentent respective-ment les distributions des variations relatives de la position angulaire du volant et de l’écart du véhicule à la trajectoire de consigne.

Ce phénomène peut rendre délicate l’interprétation des prédictions du mo-dèle en particulier concernant le critère de durée de correction. Nous pouvons alors définir un seuil de précision en deça duquel toute fluctuation ne sera pas mesurable ou du moins imputable aux mécanismes adaptatifs.

Pic d’angle volant Le tableau 9.5 récapitule les valeurs moyennes ± l’écart-type de la variation maximale de l’angle volant suite à la perte et au retour d’assistance.

Si la condition souple/raide a une influence significative sur la valeur du pic d’angle volant (P0.05 = 0.0039063), il n’en est pas de même pour la descente de couple où les variations ne sont pas significatives (P0.05 = 0.12891). Cette

9.3. RÉSULTATS ET DISCUSSION 141

Figure 9.8 – Distribution de la variation relative de l’angle volant lors de conduites à la vitesse de 70km/h autour de cercles de 50, 100, 150 et 250m de rayons.

Figure9.9 – Distribution de la variation relative de l’écart latéral du véhicule lors de conduites à la vitesse de 70km/h autour de cercles de 50, 100, 150 et 250m de rayons.

différence lors de la descente de couple peut s’expliquer par le fait que le ni-veau de contraction musculaire des sujets est plus élevé que lors de la montée de couple car le niveau d’effort au volant est plus important. La figure 9.10 présente les variations de ce pic d’angle volant pour chaque sujet lors d’une montée de couple.

Condition Couple Pic d’angle en % Souple Montée -25.36 ± 8.86

Descente 27.77 ± 10.16 Raide Montée -14.46 ± 2.87 Descente 20.064 ± 7.31

Table9.5 – Performances de conduite des sujets pour le critère de pic d’angle volant, selon la condition souple/raide et l’événement montée/descente de couple.

La simulation à impédance apparente constante de la réponse des sujets a été conduite pour des gammes de valeurs de raideur et de viscosité cohérentes avec les plages obtenues lors des essais en condition passive (voir figure 9.11). Les amplitudes du pic d’angle volant ainsi obtenues sont du même ordre de grandeur que celles mesurées expérimentalement. Nous y observons en parti-culier une tendance à la décroissance de ce pic au fil de l’augmentation des paramètres de raideur et de viscosité apparentes. Toutefois, il nous est diffi-cile d’établir si pour une même amplitude du pic d’angle volant entre mesure expérimentale et simulation, correspondent un même niveau d’impédance ap-parente. Pour ce faire, il serait en particulier intéressant de disposer de mesures de type EMG afin de quantifier l’état de contraction musculaire des sujets lors des différents essais.

Instant du pic Sont reportées au sein du tableau 9.6 les valeurs moyennes de l’instant du pic d’angle volant. Nous observons la même influence de la condi-tion souple/raide sur l’instant du pic d’angle volant selon que l’évènement soit une montée ou une descente de couple. L’instant du pic est lié à l’amplitude de celui-ci puisque dépendant des caractéristiques de l’impédance apparente des sujets. Nous observons la même tendance intra-sujet qu’obtenue précédement (voir figure 9.12).

Tout comme pour la mesure de pic d’angle volant, l’instant du pic dépend en particulier des niveaux de raideur et de viscosité apparentes des sujets. Là aussi, nous retrouvons les mêmes ordres de grandeur entre simulation et mesure expérimentale avec ici également une incertitude sur les niveaux d’im-pédance apparentes correspondants. Les simulations montrent également que le pic d’angle volant est atteint plus rapidement en condition de haute impédance (voir figure 9.13).

Durée de la correction Les différentes valeurs de durée de correction sont reportées dans le tableau 9.7. Que ce soit lors de la montée ou de la descente de

9.3. RÉSULTATS ET DISCUSSION 143

Figure9.10 – Evolution de la variation maximale de l’angle volant (pic d’angle volant) suite à une montée de couple soudaine. Chaque branche du graphique représente un sujet. La condition raide (zone verte) engendre une augmentation systématique en valeur absolue de la valeur du pic d’angle volant.

Figure 9.11 – Simulation : évolution de la valeur du pic d’angle volant en % pour différents couples de valeurs de la raideur et de la viscosité apparentes du conducteur.

couple, il s’avère que les durées de correction selon les conditions souple et raide diffèrent de manière significative. Ainsi lors de la montée, nous avons P0.05 = 0.027344 et P0.05 = 0.0078125 pour la descente de couple (voir figure 9.14). Ce

Condition Couple Instant du pic d’angle en s Souple Montée 0.35 ± 0.066

Descente 0.33 ± 0.068 Raide Montée 0.23 ± 0.031 Descente 0.28 ± 0.046

Table9.6 – Performances de conduite des sujets pour le critère de pic d’angle volant, selon la condition souple/raide et l’événement montée/descente de couple.

Figure 9.12 – Evolution de la variation maximale de l’instant du pic d’angle volant suite à une montée de couple soudaine. Chaque branche du graphique représente un sujet.

dernier critère permet de nous fournir une information importante quant à la capacité du modèle à retrouver rapidement (de l’ordre de la seconde) un état stable au niveau du volant suite à une perturbation de couple de type échelon. Le mécanisme de mise à jour du modèle interne de la boucle de poursuite voit sa vitesse dépendre principalement du paramètre µP oursuite et de la raideur apparente du conducteur (voir figure 9.15). Toutefois, la calibration d’un tel paramètre s’avère une tâche ardue de par les différentes boucles de contrôle impliquées. Notre approche consiste alors de supposer les impacts du mécanisme de modulation d’impédance (inévitable ou du moins non contrôlable dans notre expérimentation) et de la boucle de rétroaction visuelle constantes lors des conduites avec variation du couple volant. De ce fait, nous calculons à l’aide du modèle la durée de correction de la position angulaire du volant et ce pour une large gamme de valeurs du paramètre µP oursuite. Si nous trouvons qu’une valeur

9.3. RÉSULTATS ET DISCUSSION 145

Figure 9.13 – Simulation : évolution de l’instant d’occurrence du pic d’angle volant en s pour différents couples de valeurs de la raideur et de la viscosité apparentes du conducteur.

Condition Couple Durée de la correction en s Souple Montée 2.29 ± 0.49

Descente 2.09 ± 0.20 Raide Montée 1.54 ± 0.46 Descente 1.59 ± 0.34

Table 9.7 – Critère de durée de correction des sujets selon la condition souple/raide et l’événement montée/descente de couple.

numérique de l’ordre de l’unité pour la vitesse de mise à jour du modèle interne permet d’obtenir une correction globale observée expérimentalement d’environ 2s (et ce pour les gammes de raideur et viscosité apparentes mesurées).

Enfin, nous notons une oscillation importante de la trajectoire des sujets autour du cercle de 150m de rayon. En particulier, il apparaît que suite à une perturbation de couple, les sujets se stabilisent à une distance du marquage dif-férente de celle qu’ils avaient adopté avant l’occurrence de l’évènement volant. Il apparaît difficile aux sujets de réguler leur trajectoire dans un tel contexte où peu d’indices visuels sont disponibles. Il est en particulier envisageable que sur un terrain plus écologique à la conduite, telle une route à une voie, la durée de correction diffère des mesures ici relevées.

Figure 9.14 – Evolution du critère durée de correction suite à une montée de couple soudaine. Chaque branche du graphique représente un sujet.

9.4 Conclusion

Nous avons au cours de ce bref chapitre identifié les paramètres de modèles simplifiés du comportement latéral du véhicule ainsi que de celui du système volant. Ces modèles ne présentent un intérêt et une pertinences que parce que leur domaine de validité est restreint au point de fonctionnement étudié. Toute-fois, notre approche présente l’avantage de permettre de disposer rapidement, au prix de quelques simulations, de modèles simples et légers en calculs. Par ailleurs, une partie des paramètres du modèle de conducteur proposé au cha-pitre 8 ont été identifiés au cours d’une expérimentation spécifique et confrontés avec succès à d’autres résultats issus quant à eux de la littérature. Les raisons pour lesquelles les autres paramètres n’ont pas été identifiés sont diverses : difficulté d’isoler, de stimuler et de mesurer spécifiquement ces paramètres ou du moins les processus qui en dépendent. La question qui est alors en sus-pens concerne l’intérêt d’un tel modèle pour des études de comportement de conducteurs soumis à modification de la dynamique de leur véhicule.

9.4. CONCLUSION 147

Figure 9.15 – Simulation : évolution du critère de durée de correction (pour un seuil de 5%) suite à une montée de couple soudaine en fonction de la raideur musculaire apparente et de la vitesse d’apprentissage. Les ordres de grandeurs obtenus sont cohérents avec les relevés expérimentaux.

Chapitre 10

Expérimentations

Sommaire

10.1 Introduction . . . 150 10.2 Contexte simplifié . . . 150 10.2.1 Matériels et méthodes . . . 150 10.2.2 Résultats et discussion . . . 154 10.3 Contexte automobile . . . 159 10.3.1 Matériels et méthodes . . . 160 10.3.2 Résultats et discussion . . . 164 10.4 Conclusion . . . 173 149

10.1 Introduction

Nous présentons dans ce chapitre deux expérimentations ayant pour objectif de mettre en lumière le caractère adaptatif des conducteurs. Ces expérimen-tations reposent sur des tâches similaires de poursuite visuo-manuelle où les sujets manipulent un dispositif d’interaction dont les caractéristiques évoluent au cours du temps. La première expérimentation se place dans un contexte simplifié tandis que celui de la seconde est plus écologique à la conduite.