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Les théories centrées sur le contenu et le processus

Qu’est-ce qu’une école orientante ?

Chapitre 1 L’évolution de l’orientation : perspectives historiques et théoriques perspectives historiques et théoriques

1.2.4 Les théories centrées sur le contenu et le processus

Les théories centrées sur le contenu et le processus tentent de rapprocher les deux investigations principales que sont les facteurs d’influence et le développement de l’individu dans un même cadre scientifique. Elles étudient donc à la fois les caractéristiques de la personne et de l’environnement et les processus qui se manifestent chez eux et entre eux (Patton & McMahon, 2014).

Dans cette partie sont présentées la théorie des prises de décision de carrière de Krumboltz et ses collègues [Krumboltz (1998, 2011); Krumboltz, Foley, & Cotter, (2013); Krumboltz, Mitchell, & Jones (1976); L. K. Mitchell & Krumboltz (1996)], le modèle de la sélection et de la sériation des préférences professionnelles de Huteau [Huteau (1979, 1982)], la théorie sociale cognitive de Lent et ses collègues [Lent (2008); Lent & Brown (2013); Lent, Brown, & Hackett (2000, 2002); Lent, Hackett, & Brown (1999)], l’approche cognitive du traitement de l’information de Peterson et ses collègues

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[Peterson, Sampson, Lenz, & Reardon (2002); Peterson, Sampson, Reardon, & Lenz (1996, 2008)], l’approche du développement contextuel de Vondracek et ses collègues [Vondracek (1990, 2007); Vondracek & Porfeli (2008)], l’approche contextuelle de la carrière de Young et ses collègues [Young, Domene, & Valach (2014); Young, Valach, & Collin (2002); Young & Valach (1996)] et la théorie du développement de la personne et des choix de carrière de Roe [Roe (1957); Roe & Lunneborg (1990)].

La théorie des prises de décision de carrière de Krumboltz et ses collègues

Le modèle de Krumboltz (Krumboltz, 1975, 1979) peut être décrit comme une tentative d’explication des prises de décision d’orientation par l’apprentissage social (Guichard & Huteau, 2006a). Selon Krumboltz (1975) et Krumboltz, Mitchell, & Jones (1976) les prises de décision d’orientation puisent leurs sources dans, d’une part, des facteurs qui peuvent être externes ou génétiques (facteurs biologiques, historiques, sociétaux ou encore contextuels) et sur lesquels l’individu a peu d’emprise, mais qu’il doit néanmoins prendre en compte (Guichard & Huteau, 2006a) et, d’autre part, des facteurs liés à l’apprentissage. Lors des activités produites (qui relèveront de l’apprentissage instrumental), envisagées ou observées (entraînant l’apprentissage associatif) par l’individu, des apprentissages peuvent se faire et la personne constituera, d’une part, certaines représentations de soi selon, par exemple, le sentiment d’être compétent ou non pour ces activités et d’autre part, certaines habiletés à approcher les tâches [« par exemple, en matière de choix professionnel : comment procéder pour trouver une information utile ? » (Guichard, 2007e, p. 135)]. L’ensemble des apprentissages se renforcent mutuellement et ces habilités d’approche des tâches vont tendre à ce que l’individu reproduise une manière de procéder ayant apporté satisfaction si une nouvelle circonstance similaire apparaît et doit être traitée. Outre la recherche d’informations, ces habiletés d’approches des tâches, dans le champ de l’orientation scolaire et professionnelle, consistent « à réinterpréter les événements passés, à prévoir des événements futurs, à imaginer et à sélectionner des solutions alternatives, à clarifier ses valeurs, à définir des objectifs, et à planifier » (Guichard & Huteau, 2006a, p. 127). Ces habiletés (les intérêts ou les valeurs personnels peuvent également l’être) sont ainsi jugées par l’individu qui effectuera une généralisation d’observation de soi, c’est-à-dire une évaluation de ces performances relatives à une activité donnée ou un domaine particulier (Guichard & Huteau, 2006a). Une généralisation semblable peut également être opérée par l’individu au niveau de l’environnement. Il va alors juger, sur la base des différents facteurs énoncés (génétique, environnementaux, d’apprentissage ou d’habileté d’approches de tâche) et de son expérience au sein de son environnement, d’autres réalités et fabriquer des généralisations qui peuvent être exactes ou non (puisque dépendantes des représentations et perceptions de la personne) (Bujold & Gingras, 2000).

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Selon Mitchell & Krumboltz (1996), cités par Larson (2012), les décisions de carrière s’articulent pour l’individu via la préférence ou l’évitement d’une profession selon (1) ses réussites et ses échecs dans les tâches demandées par celle-ci ou qui lui sont similaires, (2) que les modèles de référence pour cette profession aient été renforcés positivement ou non (des modèles sont-ils considérés et sont-ils perçus positivement ?) et (3) que les discours entendus sur cette profession aient été positifs ou pas.

Krumboltz (Krumboltz, 1979; L. K. Mitchell & Krumboltz, 1996) a proposé, sur cette base, un processus de définition des décisions professionnelles défini par le modèle DECIDES qui est l’acronyme de :

• Define the problem (définir le problème, ses caractéristiques et l’impact du contexte).

• Establish the action plan (établir un plan d’action en définissant les objectifs poursuivis).

• Clarify the values (clarifier les valeurs de soi et celles qui seront plébiscitées dans les objectifs poursuivis et/ou propres au contexte).

• Identify alternatives (identifier des alternatives ou des solutions connexes). • Discover probable outcomes (découvrir les conséquences et les résultats qui

pourraient être engendrés par les actions et objectifs prévus).

• Eliminate alternatives (éliminer par l’évaluation les alternatives ou les possibilités au préalablement définies afin de raffiner les actions à envisager).

• Start action (mettre en œuvre le plan d’action prévu suivant les étapes de ce modèle).

Selon Krumboltz, ces sept propositions sont à considérer comme des activités relevant de la prise de décision et nécessaires au processus de choix vocationnel (Inkson, Dries, & Arnold, 2015).

Krumboltz (2009) détermine donc que les décisions professionnelles peuvent être travaillées, élaborées sur la base d’activités d’orientation particulières et il propose ainsi quatre propositions quant aux pratiques de counseling et d’orientation :

• « L'objectif de l'orientation professionnelle est d'aider les personnes à apprendre à prendre des mesures pour atteindre une carrière et une vie personnelle plus satisfaisantes - et non à prendre une seule décision de carrière » (p.141).

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• « Les évaluations de carrière sont utilisées pour stimuler l'apprentissage et non pour faire correspondre les caractéristiques personnelles aux caractéristiques professionnelles » (p.143).

• « Les clients apprennent à s'engager dans des actions exploratoires afin de générer des événements bénéfiques non planifiés » (p.144).

• « Le succès du counseling est évalué en fonction de ce que le client accomplit dans le monde réel en dehors de la séance de counseling » (p.145).

Sur la base de ces quatre propositions, Krumboltz (2009, pp. 146–148) définit cinq objectifs ou actions à mettre en place dans l’aide à l’orientation :

1. « Orienter les attentes des clients. […]

2. Identifier la préoccupation du client comme point de départ. […] 3. Utiliser les expériences passées réussies du client avec des événements

imprévus comme base pour les actions en cours. […]

4. Sensibiliser les clients à reconnaître les opportunités potentielles. […] 5. Surmonter les obstacles à l'action. »

Les propositions d’aide à l’orientation envisagées par Krumboltz et ses collègues (Krumboltz, 2003; K. E. Mitchell, Levin, & Krumboltz, 1999) sont synthétisées dans ce qu’il nomme l’Happenstance Learning Theory (HLT) (ou la théorie de l’apprentissage basé sur le hasard). Selon Krumboltz, Foley, & Cotter (2013) le hasard peut influencer, peu ou prou, le destin professionnel des individus. Néanmoins, même si le hasard peut difficilement être prédit et qu’il entraîne parfois des résultats inattendus, ces auteurs ne considèrent pas que l’individu n’a aucun pouvoir sur celui-ci, ou du moins, sur ce qu’il peut entraîner et que la personne peut donc l’exploiter et en tirer avantage.

Krumboltz et ses collègues (Krumboltz, 2011; Krumboltz & Levin, 2004) proposent, en guise d’aide pour mettre à profit le hasard, la Planned happenstance theory, c’est-à-dire la théorie du hasard planifié. Cette théorie veut permettre aux individus de développer des compétences, des capacités ou des habiletés (par exemple, le développement de la flexibilité, de l’optimisme ou encore de la curiosité) à définir et utiliser le hasard pour transformer ce qu’il a engendré en opportunité de carrière. Les résultats du hasard sont alors considérés comme un type d’apprentissage à part entière et non comme des obstacles ou des freins au processus de décision professionnelle.

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Krumboltz (Krumboltz, 1998) met donc en avant le concept de sérendipité (serendipity) au centre de sa théorie du hasard planifié.

Par rapport aux considérations et aux propositions relatives aux aspects théoriques mis en avant par Krumboltz et ses collègues, Bujold & Gingras (2000) énumèrent plusieurs constatations ou conclusions qui les soutiennent :

• « Les préférences scolaires et professionnelles s’acquièrent par le biais des expériences d’apprentissage de type instrumental et associatif que la personne réalise » (p.348).

• Des applications de programmes d’orientation, basés sur le mentorat et la simulation d’expérience tendent à accroître les possibilités de choix vocationnels (notamment chez les femmes).

• « Les croyances d’une personne tirent leur origine des observations effectuées à propos d’elle-même lors des apprentissages antérieurs » (p.348).

• Les « attentes d’efficacité personnelle peuvent prédire le niveau de scolarité, la persévérance scolaire et l’étendue des possibilités professionnelles perçues dans les domaines scientifiques et techniques et que, en plus, elles peuvent être modifiées par le counseling ou d’autres techniques semblables » (p.348).

• Les compétences de décision vocationnelle, telles que « la clarification de valeurs, l’établissement de buts, la prédiction d’événements futurs, l’expression de solutions de rechange, la recherche d’information, la planification et la généralisation […] [sont plus susceptibles d’être acquises par les personnes] si 1) elles sont renforcées positivement lorsqu’elles en font la démonstration ou essaient de les acquérir ; 2) elles ont eu l’occasion d’observer des modèles qui ont été renforcés positivement lors de la démonstration de ces compétences » (p.349).

• « Les préférences exprimées par une personne constituent un bon indice prédicteur de son entrée dans une profession » (p.349).

• « Les expériences de travail ou de formation semblent influer de façon marquante sur les choix professionnels » (p.349).

• Il existe « une influence considérable des facteurs de l’environnement sur les décisions et les actions entreprises par rapport à la carrière » (p.349).

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Si la théorie de Krumboltz et ses collègues a amené des résultats intéressants quant à la genèse des décisions d’orientation, elle apparaît floue quant à l’explication des processus permettant de mettre en place un choix vocationnel. De plus, même si les auteurs considèrent les décisions professionnelles comme s’élaborant à travers le temps, ils se cantonnent à définir un enchaînement linéaire d’expériences, les plus anciennes impactant les plus récentes. Ils ne développent pas, par exemple, des moments particuliers pouvant rompre ce fil linéaire, comme l’adolescence ou des faits de vie entraînant des changements rapides et prégnants. Enfin, ils considèrent le contexte dans lequel l’individu vit comme un ensemble de facteurs qui l’influencent, mais où, une fois encore, les processus sous-jacents, comme les liens existant entre ces facteurs, ne sont pas explorés (Guichard & Huteau, 2006a).

Le modèle de la sélection et de la sériation des préférences professionnelles de Huteau

Le modèle de Huteau (1982), inspiré par la théorie de la dissonance cognitive de Festinger (1957)49 (Danvers, 2009), propose de déterminer l’apparition de préférences professionnelles (en termes d’orientation scolaire ou de choix de métier) (Guichard & Huteau, 2006a). Selon lui, les préférences de l’individu se forment à partir d’un processus de comparaison des représentations de soi et du métier envisagé. Ce modèle est schématisé dans la figure suivante.

49 On peut définir la dissonance cognitive comme l’état d’un individu lorsqu’il est confronté à un stress ou un inconfort mental issu de la confrontation de deux ou plusieurs croyances, idées ou valeurs contradictoires, présentes au même moment et relatives à une même information (Festinger, 1962; Gosnell, 2018; Harmon-Jones, Harmon-Jones, & Levy, 2015). Cette dissonance peut aussi se manifester lorsque l’individu est confronté à de nouvelles informations entrant en conflit avec des croyances, idées ou valeurs préexistantes (Joseph & Rangaiah, 2017). Selon Festinger (1957), l’individu cherche à éviter ou réduire cette dissonance afin d’aboutir à une cohérence interne satisfaisante.

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Figure 13 Schématisation du modèle de sélection des préférences professionnelles de Huteau (1982) (d’après Guichard & Huteau, 2006, p. 95).

Envisager un nouveau métier peut venir soit de l’individu, soit d’une sollicitation extérieure. La personne va soit, à partir de son schéma de soi (dont les variables visibles sont définies par quelques traits de personnalité reconnus) activer un prototype (c’est-à- dire un ensemble de représentations liées à un métier, une profession, un cursus scolaire, une activité particulière…) qui lui correspond ou soit, à partir d’un prototype spécifique, activer un schéma de soi qui en partage des éléments communs. C’est donc la phase de comparaison des représentations de soi et des métiers (Guichard & Huteau, 2006a; Huteau, 1982). Guichard & Huteau (2006, p. 96) précisent que cette correspondance « suppose que l’information sur le monde soit personnalisée, c’est-à-dire que les métiers et formations soient décrits sur les mêmes attributs que les personnes ».

À partir de cette comparaison, l’individu évaluera l’adéquation des caractéristiques du schéma de soi et du prototype. Si la correspondance est bonne, le métier ou la formation est provisoirement retenu et dans le cas contraire, elle est rejetée. Si la congruence est modérée, le schéma de soi et le prototype peuvent être réexaminés plus finement afin d’établir ou pas d’accord entre eux (Guichard & Huteau, 2006a).

Huteau (1982) précise que l’individu est davantage influencé, sur la base de son expérience et de sa représentation de lui-même, par la représentation qu’il a de l’environnement plutôt que par le contexte lui-même. Ainsi, si l’image de soi est mauvaise ou peu positive, la décision (de métier, de formation) peut en être inhibée, car le choix est considéré comme un dépassement de soi, un progrès (Danvers, 2009).

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Le modèle de Huteau est relativement proche des théories de Young et ses collègues (2002), mais est davantage général (Guichard & Huteau, 2006a) car il propose une vision d’ensemble des processus de choix au niveau de la personne, déterminés par ses représentations. L’intérêt de ce modèle est qu’il positionne l’individu au centre de la réflexion et, si ses représentations jouent un rôle prépondérant dans les prises de décision, on peut envisager qu’un travail (d’aide à l’orientation) particulier sur celles-ci induise des choix plus construits et, in fine, davantage pertinents.

La théorie sociale cognitive de Lent, Brown et Hackett

À la fin des années 90, Lent, Brown, & Hackett (1994, 1996) ont élaboré la théorie sociale cognitive de l’orientation scolaire et professionnelle (TSCO)50. Cette théorie a engendré de nombreuses études sur le développement de carrière et les processus de formation des intérêts et des décisions et choix professionnels (S. Y. Kim, Fouad, & Lee, 2018) et a été testée et confirmée de manière empirique dans différentes cultures depuis plus de vingt ans (Lee & Shin, 2017a). Elle se base sur (1) les travaux de Bandura (1976, 1977a, 1977b, 1980, 1986a, 1986b, 1992, 1993, 2003) en ce qui concerne la théorie de l’apprentissage social (Guichard, 2007e), (2) les travaux de Krumboltz (1975, 1979, 1994) et ses collègues (Krumboltz et al., 1976; Krumboltz, Mitchell, & Jones, 1979; L. K. Mitchell & Krumboltz, 1984, 1990, 1996) quant à « la théorie de l’apprentissage social appliquée au processus de prise de décision » (Bujold & Gingras, 2000, p. 370) et (3) les travaux de Betz & Hackett (1981, 1983; G. Hackett & Betz, 1981) quant à « l’application du concept d’efficacité personnelle au développement de carrière des femmes » (Bujold & Gingras, 2000, p. 370).

Les auteurs ont ainsi voulu étendre le modèle sociocognitif du développement de la personne de Bandura (Andersen & Vandehey, 2011; Byars & Hackett, 1998; Canzittu & Demeuse, 2017; G. Hackett & Byars, 1996) en se centrant sur le rôle de l’auto- efficacité dans les choix professionnels et en incluant, par exemple, les intérêts de l’individu dans le modèle explicatif des causes du développement professionnel (G. Hackett & Kohlhart, 2012). Selon Bandura, les individus se construisent par l’interaction de leurs comportements et de leur environnement (Bandura, 2003). Le schéma suivant illustre la construction des comportements de l’enfant.

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Figure 14 Schématisation du développement des comportements chez l’enfant selon la théorie de Bandura (1979), d'après Canzittu & Demeuse, 2017, p. 35

L’enfant va donc évaluer et adapter son comportement (en l’adoptant, le rejetant ou le faisant évoluer) selon la réaction de ses parents, de ses amis ou des personnes qui se trouvent dans son environnement. Ceci signifie que la construction du soi de la personne est induite par la personne elle-même, mais aussi par l’impact de ses comportements et de son environnement. C’est donc par son vécu, ses expériences antérieures et les processus cognitifs qu’il a développés que l’individu va adopter un type de comportement particulier (Carosin, Canzittu, & Loisy, 2019). Parmi les processus cognitifs, Bandura met en exergue le sentiment d’efficacité personnelle (Bandura, 1980) qui

désigne les croyances des individus quant à leurs capacités à réaliser des performances particulières. Il contribue à déterminer les choix d’activité et d’environnement, l’investissement du sujet dans la poursuite des buts qu’il s’est fixés, la persistance de son effort et les réactions émotionnelles qu’il éprouve lorsqu’il rencontre des obstacles (Rondier, 2004, p. 475).

Le concept de sentiment d’efficacité personnelle est un point essentiel de la théorie de Lent et al. (2002) dans le développement d’un projet professionnel. Les auteurs (Lent et al., 1994, 2002) associent le sentiment d’efficacité personnelle à deux autres concepts, les attentes de résultats et les buts personnels (cf. figure suivante). Les attentes de résultats sont « des croyances personnelles relatives au résultat ou aux conséquences de certaines conduites » (Guichard, 2007e, p. 135) et les buts personnels sont « la combinaison des attentes de résultats et du sentiment d’efficacité personnelle de l’individu » (Canzittu & Demeuse, 2017, p. 36).

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Figure 15 Schématisation de la théorie sociale cognitive de l’orientation de Lent et al. (1994, 2000, 2002), d'après Canzittu & Demeuse, 2017, p. 36

Selon la théorie sociale cognitive de l’orientation, l’individu opérationnalisera ses choix à partir de ses intérêts. Ceux-ci se développent via le sentiment de compétence et les attentes de résultats de la personne qui proviennent des caractéristiques de l’individu et de ses expériences avec son environnement. Ainsi, les intérêts deviennent des buts ou des objectifs particuliers pour la personne et, selon qu’ils soient maintenus ou adaptés, s’actualisent en activités particulières (Canzittu & Demeuse, 2017). Selon (Guichard & Huteau, 2006a), les activités vont entraîner des résultats « qui vont conduire, par rétroaction, à une modification du sentiment de compétence et des attentes » (p.91) de l’individu. Cette théorie est donc basée sur un processus cyclique, les performances influençant les choix de la personne et inversement. D’après Williams & Subich (2006), plusieurs recherches ont démontré « l'impact des expériences d'apprentissage sur l'auto- efficacité et les attentes en matière de résultats dans le domaine professionnel (p. ex., Betz & Schifano, 2000; Diegelman & Subich, 2001; Hackett, Betz, O’Halloran, & Romac, 1990; Hackett & Campbell, 1987; Lent, Lopez, & Bieschke, 1991) » (p.262-263). La théorie sociale cognitive met donc en avant le rôle prépondérant de l’environnement scolaire (ou d’apprentissage) dans le développement des processus vocationnels des individus et Thompson & Dahling (2012) et Williams & Subich (2006) préconisent par exemple que l’exploration personnelle et professionnelle (à l’école) peut jouer le rôle de réduction de différences entre individus (ceux-ci recevant des aides personnalisées) et notamment en ce qui concerne les différences de genre : « comme le suggèrent Betz & Hackett (1981, 1983) et comme l'illustrent les travaux […] de Betz & Schifano (2000), la correction des disparités entre les sexes peut commencer par encourager l'exploration et l'apprentissage dans des domaines de carrière en dehors des normes traditionnelles de genre. » (Williams & Subich, 2006, p. 273).

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La TSCO est toujours investiguée aujourd’hui et Lent & Brown (2013) ont élargi leur modèle pour étudier spécifiquement l'autogestion de carrière (S. Y. Kim et al., 2018) : si leurs études antérieures se concentraient sur des questions de contenu, telles que la prédiction d’un certain type de carrière, leur dernier modèle traite davantage des processus mis en œuvre par les individus dans leurs choix de carrière et lors de leurs premières années professionnelles (notamment en ce qui concerne la gestion du triptyque travail/famille/vie personnelle ou encore l’adaptation au travail) (Ireland & Lent, 2018). La TSCO est également confrontée à des environnements et des publics divers afin d’en déterminer son applicabilité (Sheu & Lent, 2008, cités par Ezeofor & Lent, 2014), comme en témoignent les travaux suivants, cités par Ezeofor & Lent (2014) : plusieurs recherches ont investigué le domaine de la prévision de la satisfaction professionnelle des enseignants aux États-Unis (Duffy & Lent, 2009), en Italie (Lent et al., 2011) et dans les Émirats arabes unis (Badri, Mohaidat, Ferrandino, & El Mourad, 2013). D’autres recherches ont étudié la prédiction de la satisfaction et du bien-être chez les étudiants, aux États-Unis (Lent et al., 2005; Lent, Singley, Sheu, Schmidt, & Schmidt, 2007), au Portugal (Lent, Taveira, Sheu, & Singley, 2009), à Taiwan et à Singapour (Sheu, Chong, Chen, & Lin, 2014), ainsi qu’en Angola et au Mozambique (Lent et al., 2014).

Cette théorie a également évolué en intégrant d’autres concepts, comme celui du bien-être (Lent, 2004). Pour Lent, celui-ci se détermine par la satisfaction de l’individu en ce qui concerne son expérience émotionnelle dans les domaines familiaux, scolaires ou professionnels, par exemple : l’individu atteint une satisfaction globale dans sa vie s’il