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Les approches constructivistes et socioconstructivistes

Qu’est-ce qu’une école orientante ?

Chapitre 1 L’évolution de l’orientation : perspectives historiques et théoriques perspectives historiques et théoriques

1.2.5 Les approches constructivistes et socioconstructivistes

Les théories relevant des approches constructivistes et socioconstructivistes sont apparues récemment pour placer l’individu au centre de leur élaboration. Celui-ci est vu comme le constructeur de sa propre existence et donc de sa carrière et les explications sociales du développement professionnel sont prépondérantes. Le constructivisme et le

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constructionnisme y sont vus comme des termes relativement synonymes qui considèrent l’individu comme un système ouvert, en interaction avec l’extérieur (l’individu impactant ce qui est externe à lui-même, c’est-à-dire le contexte, l’environnement, les autres et ceux-ci influençant à leur tour l’individu) et cherchant une forme de stabilité au sein des changements et des mouvements de systèmes. Contrairement aux théories citées précédemment, le résultat n’est pas l’objectif recherché dans l’aide à l’orientation, car il est d’une part difficile de l’identifier et que d’autre part, sa réalisation est incertaine et est extrêmement tributaire d’un ensemble de paramètres qu’il est peu aisé de déterminer a priori [cf. par exemple la théorie du chaos et la maxime bien connue que Lorenz énonça en 1972, Le battement d'ailes d'un papillon au

Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? (Lorenz, 1995)]. C’est donc principalement les

processus en jeu qui sont examinés, ceux qui définissent le développement de l’individu dans son ensemble (Patton & McMahon, 2014).

Dans cette partie sont décrites la théorie des systèmes de Patton et McMahon [McMahon & Patton (1995, 2017); Patton & McMahon (1999, 2006a)], la théorie de la construction de la carrière de Savickas [Savickas (1997, 2001, 2002, 2011b, 2013a)], le modèle de la construction de soi de Guichard [Guichard (2000, 2005, 2009)], la théorie du chaos de Pryor et Bright [Pryor & Bright (2003a, 2007b, 2011)] et le modèle de la psychologie de l’activité de travail de Blustein [Blustein (2001, 2006, 2011)].

La théorie des systèmes de Patton et ses collègues

La théorie des systèmes58 propose un cadre général pour traiter des problèmes de comportement humain et prend ses sources dans divers domaines, tels que les sciences physiques, les sciences biologiques, l’anthropologie ou encore la psychologie. D’après Patton & McMahon (2006b), la théorie des systèmes de développement de D. H. Ford (1987) et D. H. Ford & Lerner (1992) ainsi que la théorie des systèmes motivationnels de M. E. Ford (1992) fournissent un cadre intégré du développement humain et favorisent le développement et la compréhension de la théorie des systèmes en illustrant leur applicabilité.

Au sein des questions d’orientation, le cadre de la théorie des systèmes59 a principalement été étudié par Patton, McMahon et Watson (M. McMahon & Patton,

58 La théorie générale des systèmes, basée sur les travaux du biologiste von Bertalanffy, débutés dans les années 30 et 40, explique que les organismes vivants fonctionnent comme des machines constituées de multiples parties qui travaillent toutes ensemble et qui engendre, linéairement, un produit final. Ces systèmes dépassent néanmoins la simple somme de leurs parties par les interactions qu’ils opèrent avec leur contexte (Bertalanffy, 1973, 1993; Plane, 2017).

59 En anglais Systems Theory Framework (STF). Nous utiliserons dans notre texte le sigle anglais pour désigner ce cadre.

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1995, 2018; M. McMahon, Patton, & Watson, 2004; M. McMahon, Watson, & Patton, 2015; Patton & McMahon, 1999, 2014, 2015).

Le STF est à la fois un cadre pour les théories du développement et pour les théories de l’orientation, notamment dans sa volonté d’articuler ces considérations scientifiques avec les pratiques. Initialement, le STF a été élaboré afin de constituer un modèle explicatif et contextuel des prises de décision de carrière chez les adolescents. L'individu comme créateur de sens dans un contexte particulier (social, environnemental, sociétal, temporel…) est au cœur de la STF qui tente de décrire, sur cette base, à la fois le contenu et le processus dynamique du développement de carrière (Patton & McMahon, 2017).

La STF propose ainsi un cadre regroupant tant les théories positivistes qui mettent l'accent sur les données objectives et les processus logiques et rationnels que les théories constructivistes qui sont davantage holistes. Ces dernières se centrent sur le sens donné par l’individu, la subjectivité et la récursivité entre les différentes influences qui s’opèrent sur le développement personnel et professionnel (M. McMahon & Patton, 2017). Ces différents facteurs impactant le projet professionnel des individus sont représentés dans la figure suivante.

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Figure 23 Le cadre de la théorie des systèmes (STF) du développement de carrière (d’après Patton & McMahon, 2017, p. 52)

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Dans la figure précédente, l’individu est au centre du cadre conceptuel. Autour de lui se constitue un premier cercle, un premier système, où gravitent l’ensemble des caractéristiques individuelles qui peuvent influencer son développement professionnel : genre, valeurs, facultés, santé, invalidité, qualifications, âge, personnalité, croyances, orientation sexuelle, intérêt, aptitudes, attributs physiques, connaissances du monde professionnel, concept de soi et origine ethnique. Selon les individus, celles-ci influencent plus ou moins fortement ce développement. Le deuxième système est le système social qui comprend les pairs, la famille, les médias, les communautés, le milieu du travail et les institutions d’enseignement. Ce système est lui-même porteur de valeurs ou de croyances qui peuvent influencer l’individu, sa composition va évoluer dans le temps du fait de l’entrée ou de la sortie de l’individu des différents groupes qui le composent (par exemple, le passage de l’école au monde professionnel). Le troisième système est celui de l’environnement sociétal. Il comprend l’endroit géographique, les décisions politiques, l’évolution historique, le statut socio-économique et la tendance à la globalisation. Même si l’influence de ce système est moins directe que les autres, elle peut être néanmoins profonde. Les auteurs ajoutent que les systèmes décrits sont considérés comme ouverts, c’est-à-dire soumis à l'influence de l'extérieur et influençant ce qui dépasse leurs limites, ceci représentant le concept de récursivité ou de perméabilité. Si ces systèmes constituent des facteurs d’influence des projets de l’individu, la chance ou le hasard peut également intervenir à des moments particuliers. Enfin, le temps participe aussi à l’influence de la construction des projets, le passé impactant le présent et le futur et ceux-ci redéfinissant le passé (M. McMahon & Patton, 2017; Patton & McMahon, 1999, 2014, 2017).

Selon Patton & McMahon (2014, pp. 260–263), le STF présente plusieurs avantages :

• « L’importante contribution de toutes les théories de carrière peut être reconnue. […]

• Le STF peut placer les théories existantes dans le contexte d'autres théories, et leurs interconnexions peuvent être démontrées. […]

• Une perspective de la théorie des systèmes reconnaît la contribution d'autres disciplines à la théorie et à la pratique du développement de carrière. […]

• La théorie des systèmes apporte au développement de carrière une convergence entre la théorie et la pratique, et de nouvelles approches à utiliser dans la pratique professionnelle. […]

• Dans le développement de carrière, l'accent est mis sur l'individu et non sur la théorie. Par conséquent, la théorie des systèmes peut être applicable

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à un macro-niveau d'analyse théorique, ainsi qu'à un micro-niveau d'analyse individuelle. […]

• La perspective de la théorie des systèmes permet aux praticiens de choisir parmi la théorie la plus pertinente aux besoins et à la situation de l'individu. […]

• La théorie des systèmes offre une perspective qui sous-tend la philosophie reflétée dans le passage des approches positivistes aux approches constructivistes. »

La STF a servi de cadre à de nombreux travaux, tant théoriques que pratiques, notamment en diversifiant les publics cibles [en investiguant des populations non occidentales, de race blanche, à besoins spécifiques, de niveaux socio-économiques différents60, etc. (cf. par exemple, Abkhezr & McMahon, 2017; Abkhezr, McMahon, Glasheen, & Campbell, 2018; Abkhezr, McMahon, & Rossouw, 2015; McMahon, Limerick, Cranston, & Andersen, 2006; McMahon, Watson, & Bimrose, 2012; McMahon, Watson, Foxcroft, & Dullabh, 2008; Sgaramella, Ferrari, & Ginevra, 2015; Watson, 2017; Yim, Wong, & Yuen, 2015)], en intégrant les théories en orientation les plus récentes dans son cadre, en privilégiant le développement de pratiques ancrées dans la STF, par l’élaboration d’outils d’orientation ou d’instruments d’évaluation de carrière (cf. par exemple, McMahon, 2017; McMahon & Patton, 2015; McMahon et al., 2004; McMahon, Patton, & Watson, 2017a, 2017b, McMahon, Watson, & Patton, 2013a, 2013b, McMahon & Watson, 2012a, 2013; Schindler & Schreiber, 2015). Ainsi, le STF rassemble un grand nombre de chercheurs et de praticiens de pays différents qui travaillent à la fois à la constitution d’un cadre général de description et de compréhension du développement de l’orientation chez les individus et à l’élaboration de pratiques destinées à aider les personnes dans leurs choix personnels et professionnels (Patton & McMahon, 2017).

La théorie de la construction de la carrière de Savickas

Savickas a élargi la théorie de Super en intégrant une approche constructiviste pour définir le développement de carrière à travers l’identification des processus de choix et des expériences professionnelles en prenant en compte le contexte et le sens que l’individu attribue à ses expériences d’adaptation à l’environnement (Lamas, 2017; Savickas, 2005).

60 Le fait que les premières théories de l’orientation concernaient spécifiquement des populations le plus souvent composées d’un public occidental, blanc et masculin a été un reproche énoncé et un manque constaté par plusieurs scientifiques (Flores, Spanierman, & Obasi, 2003 ; Leong & Hartung, 2000).

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La théorie de la construction de carrière propose un modèle de compréhension du comportement professionnel tout au long du cycle de vie ainsi que les méthodes et le matériel que les conseillers d'orientation professionnelle utilisent pour aider les personnes à faire des choix professionnels et à maintenir une vie professionnelle réussie et satisfaisante (Savickas, 2005, 2011a, 2011b). Cette théorie veut aider les individus à trouver un sens et une direction à leurs aspirations vocationnelles au sein d’une société multiculturelle et une économie mondiale (Savickas, 2008b).

Selon Savickas (2002), la théorie de la construction de carrière s’ancre dans le constructivisme épistémologique que l’auteur définit par le fait que l’on construit des représentations de la réalité alors qu’elle s’éloigne du constructivisme ontologique qui stipule que l’on construit la réalité elle-même. De plus, cette théorie arbore une vision du monde contextualisée et non plus organisationnelle puisqu’elle repose sur le postulat que les carrières professionnelles se construisent plutôt qu’elles ne se déroulent : pour Savickas, l’association de ces visions constructiviste et contextuelle a amené comme innovation la plus notable « le remplacement de l'étape de maintien de la théorie du développement professionnel par l'étape de gestion dans la théorie de la construction de carrière »(Savickas, 2002, p. 154).

Savickas (2002) définit la théorie de la construction de carrière à travers 16 propositions :

1. « Une société et ses institutions structurent le parcours de vie d'un individu à travers les rôles sociaux. La structure de vie d'un individu, façonnée par des processus sociaux tels que le genre, se compose de rôles centraux et périphériques. L'équilibre entre les rôles essentiels, comme le travail et la famille, favorise la stabilité, tandis que les déséquilibres créent des tensions.

2. Pour la plupart des hommes et des femmes, les professions fournissent un rôle central et un centre d'intérêt pour l'organisation de la personnalité, bien que pour certaines personnes, ce centre d'intérêt soit périphérique, accessoire ou même inexistant. D'autres rôles de la vie, tels que l'étudiant, le parent, la femme au foyer, le leisurite et le citoyen, peuvent être au cœur de la vie des individus. Les préférences personnelles pour les rôles dans la vie sont profondément ancrées dans les pratiques sociales qui engagent les individus et les situent dans des positions sociales inégales.

3. Le profil de carrière d'une personne - c'est-à-dire le niveau professionnel atteint et la progression, la fréquence et la durée des emplois - est déterminé par le niveau socio-économique des parents et par l'éducation, les capacités, les traits de personnalité, les concepts de

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soi et la capacité d'adaptation de la personne en fonction des possibilités offertes par la société.

4. Les gens diffèrent dans leurs caractéristiques professionnelles telles que les capacités, les traits de personnalité et les conceptions de soi. 5. Chaque profession exige un modèle différent de caractéristiques

professionnelles, avec des tolérances suffisamment larges pour permettre une certaine variété d'individus dans chaque profession. 6. Les gens sont qualifiés pour une variété de professions en raison de

leurs caractéristiques professionnelles et de leurs exigences professionnelles.

7. La réussite professionnelle dépend de la mesure dans laquelle les individus trouvent dans leur rôle professionnel des débouchés adéquats pour leurs caractéristiques professionnelles prédominantes. 8. Le degré de satisfaction que les gens tirent de leur travail est

proportionnel au degré auquel ils sont capables de mettre en œuvre leurs propres conceptions professionnelles. La satisfaction professionnelle dépend de l'établissement dans un type de profession, d'une situation de travail et d'un mode de vie dans lequel on peut jouer les (types de) rôles que la croissance et les expériences exploratoires nous ont amenés à considérer comme agréables et appropriés.

9. Le processus de construction de carrière est essentiellement celui de l'élaboration et de la mise en œuvre du concept de soi professionnel dans les rôles professionnels. Les concepts de soi se développent par l'interaction des aptitudes héréditaires, de la constitution physique, des occasions d'observer et de jouer divers rôles et des évaluations de la mesure dans laquelle les résultats des rôles endossés rencontrent l'approbation des pairs et des superviseurs. La mise en œuvre des concepts de soi professionnel dans les rôles professionnels implique une synthèse et un compromis entre les facteurs individuels et sociaux. Le soi professionnel évolue à partir des jeux de rôle et de l’apprentissage à partir de feedbacks, si le rôle est joué de manière fantaisiste, dans l'entretien de conseil, ou dans des activités de la vie réelle telles que les passe-temps, l’école, les clubs, le travail à temps partiel et les premiers emplois.

10. Bien que les conceptions professionnelles de soi deviennent de plus en plus stables à partir de la fin de l'adolescence, offrant ainsi une certaine continuité dans le choix et l'ajustement, les conceptions de soi et les

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préférences professionnelles changent avec le temps et l'expérience, à mesure que les situations dans lesquelles les gens vivent et travaillent changent.

11. Le processus de changement professionnel peut être caractérisé par un maxicycle d'étapes de carrière qui se caractérise par des périodes de croissance, d'exploration, d'établissement, de gestion et de désengagement. Les cinq étapes sont subdivisées en périodes marquées par des tâches de développement professionnel que les individus vivent comme des attentes sociales.

12. Un minicycle de croissance, d'exploration, d'établissement, de gestion et de désengagement se produit pendant les transitions d'une étape de carrière à l'autre, ainsi que chaque fois que la carrière d'une personne est déstabilisée par des événements socio-économiques et personnels comme la maladie et les blessures, les fermetures d'usines et les mises à pied d'entreprises ou la restructuration et l'automatisation des emplois.

13. La maturité professionnelle est une construction psychosociale qui désigne le degré de développement professionnel d'un individu tout au long du continuum des étapes de sa carrière, de la croissance jusqu'au désengagement. D'un point de vue sociétal, la maturité professionnelle d'un individu peut être définie de manière opérationnelle en comparant les tâches de développement rencontrées à celles attendues, en fonction de l'âge chronologique.

14. L'adaptabilité à la carrière est une construction psychologique qui désigne la préparation et les ressources d'un individu pour faire face aux tâches actuelles et anticipées du développement professionnel. La capacité d'adaptation des attitudes, des croyances et des compétences - l'ABC de la construction de carrière - augmente le long des axes de développement de l’intérêt, du contrôle, de la curiosité et de la confiance.

15. La construction d'une carrière est motivée par des tâches de développement professionnel et produite par les réponses à ces tâches. 16. La construction d'une carrière, à n'importe quelle étape donnée, peut être favorisée par des conversations qui expliquent les tâches de développement professionnel, des exercices qui renforcent la capacité d'adaptation et des activités qui clarifient et valident les concepts de soi professionnel. » (pp.154-157).

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Les trois premières propositions de la théorie de Savickas concernent principalement l’axe du contexte de développement de l’individu, les propositions 4 à 10, l’axe du développement du concept de soi professionnel/vocationnel et les propositions 11 à 16, les tâches de développement comme les nœuds de la construction de carrière.

Savickas s’est basé sur les travaux de McAdams (1995) concernant les théories de la personnalité pour établir le fondement de son modèle et y incorporer les notions de traits de personnalité, de tâche développementale et stratégies d’adaptation et de motivation psychodynamique : ces notions représentant le quoi, le comment et le pourquoi des comportements professionnels (Savickas, 2008b). La théorie de la construction de la carrière intègre ces trois composantes à travers les types de personnalité professionnelle, l'adaptabilité de carrière61 et les thèmes de vie (Savickas, 2006, 2019b). En 2013, Savickas, se reposant sur l’évolution des théories de McAdams (McAdams & Olson, 2010) a exprimé ces trois composantes en soi acteur, soi-agent et soi-auteur : « les individus, à travers leurs actions au sein de la famille, composent un rôle social en tant qu'acteur, puis adaptent ce rôle pour l'utiliser comme agent dans le cadre de l'école et de la communauté, et deviennent éventuellement auteur à travers le récit autobiographique qui explique la continuité et la cohérence des expériences professionnelles » (Savickas, 2013a, p. 151). La théorie de la construction de la carrière définit donc l’individu comme un acteur qui joue un rôle, un agent qui poursuit des objectifs spécifiques dans un contexte particulier et un auteur qui scénarise ses actions (Savickas, 2002, 2015). C’est dès l’enfance que le soi comme acteur, agent et auteur se construit, se développe et engage l’individu vers sa carrière professionnelle future (Hartung, 2015). D’ailleurs, pour Hartung, « l'exploration professionnelle, la sensibilisation et l'information sur les carrières, les aspirations professionnelles et les attentes, les intérêts professionnels et la capacité d'adaptation à la carrière commencent au cours de l'enfance » (2015, p.90).

La première composante, le soi comme acteur, se définit par les capacités, les besoins, les valeurs et les intérêts liés à la carrière d'un individu (Savickas, 2005), c’est-à- dire sur ce qui fonde et construit l’individu au sein des contextes sociaux (Savickas, 2013a) et des contextes professionnels (le soi acteur se traduisant alors à travers la personnalité professionnelle) sur la base de ses différences individuelles objectives (Savickas, 2011b, 2011a). D’après Patton & McMahon (2014), « essentiellement, cette

61 L’adaptabilité à la carrière est une notion développée par Super pour remplacer ou du moins affiner celle de maturité vocationnelle : « alors que Super avait originellement développé sa théorie principalement pour les adolescents, il en est venu à constater que chez les adultes, le processus développemental serait davantage de l'ordre de l'adaptation que de la maturation (Super & Knasel, 1981, cité par Corff & Gingras, 2011, p.2).

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composante examine le contenu de la construction de carrière en utilisant le travail de Holland sur les intérêts en relation avec l'auto-organisation des individus et l'organisation sociale des professions »(p.81). Néanmoins, les auteurs mentionnent que Savickas va adopter une vision plus dynamique des types de personnalité que dans la théorie de Holland, voyant ceux-ci comme s’autoconstruisant et non stables. En fait, Savickas considère que les intérêts professionnels s’organisent selon un processus dynamique et se combinent avec d’autres types d’intérêts qui peuvent également mener à une congruence et une réussite professionnelle : en cela, les inventaires d’intérêt ne sont pas des prédicateurs, mais plutôt des générateurs de possibilités (Patton & McMahon, 2014; Savickas, 2005; Savickas & Pouyaud, 2016). Dès la prime enfance, le jeune se définit ainsi comme acteur par les jeux qu’il élabore (jouer à être policier, par