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Qu’est-ce qu’une école orientante ?

Chapitre 1 L’évolution de l’orientation : perspectives historiques et théoriques perspectives historiques et théoriques

1.2.2 Les théories centrées sur le contenu

Les théories centrées sur le contenu examinent les facteurs qui influencent le développement personnel et professionnel des individus. Elles investiguent soit les facteurs personnels, soit les facteurs contextuels, même si les premiers ont été davantage étudiés dans la littérature. Les théories centrées sur le contenu figurent comme pionnières dans l’étude des choix d’orientation (les études traits/facteurs en font partie et sont les premières à être développées au début du XXe siècle) et, dès lors, plusieurs

concepts clés fondamentaux dans le domaine y ont été élaborés (Patton & McMahon, 2014).

Dans cette partie sont présentées la théorie de la personnalité de Holland (1959, 1966, 1997), la théorie de la personnalité de Bordin (1984, 1990), la théorie basée sur les valeurs de D. Brown (2002d), la théorie de l’adaptation au travail de Dawis & Lofquist Dawis & Lofquist (1984) et la théorie des cinq facteurs de McCrae & Costa (1996, 2008).

La théorie de Holland : les types de personnalité et les types d’environnements

La théorie de Holland, commencée en 1959 et modifiée ou adaptée par l’auteur en 1966, 1973 et 1997 (Guichard & Huteau, 2006a) peut être considérée comme une théorie fondamentale concernant l’étude des choix de carrière, et ce, au niveau international (Leung, 2008) et a fait l’objet d’un grand nombre d’investigations scientifiques (Bujold & Gingras, 2000; T. P. Hogan, 2012; Tokar, Fischer, & Subich,

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1998). Holland (1973) rejoint les considérations de Dawis & Lofquist (1984)26 en ce qui concerne la satisfaction au travail qui est, pour lui, le résultat du degré de correspondance entre ce que l’individu recherche et ce que l’environnement professionnel lui offre : chaque personne recherche un environnement de travail qui soit congruent avec son type de personnalité et plus cette congruence est élevée, plus l’individu est satisfait, efficient et stable (Guichard & Huteau, 2007).

Holland se démarque néanmoins de Dawis & Lofquist par le postulat que les intérêts professionnels sont une expression particulière de la personnalité des individus et que celle-ci peut être de six types différents27 :

• réaliste (R) ; • investigateur (I) ; • artistique (A) ; • social (S) ;

• entreprenant (E) ;

• conventionnel (C) (Spokane & Cruza-Guet, 2005).

Holland va ainsi utiliser ces « dimensions de la personnalité […] pour décrire les environnements professionnels, spécifier leur mode d’organisation et préciser les liens qu’ils entretiennent avec les conduites d’orientation » (Guichard & Huteau, 2007, p. 270). De plus, l’auteur spécifie également que les environnements de travail peuvent être distingués et répartis selon les mêmes six types cités ci-avant.

Pour Holland, chaque individu se rapproche, de façon plus ou moins marquée d’un ou plusieurs types de personnalité selon ses caractéristiques personnelles (Guglielmi, Fraccaroli, & Pombeni, 2004).

À partir de questionnaires d’intérêts professionnels utilisant le modèle RIASEC28, un score est calculé pour chaque type de personnalité ; le score le plus élevé attribuant le type de personnalité dominant. Il faut noter cependant que « les dimensions ne sont pas indépendantes. Ainsi, par exemple, celui qui est Réaliste a tendance à être aussi

26 Cf. dans cette partie, le point La théorie de l’adaptation au travail. 27

Ces six types de personnalité sont issus de l’analyse des travaux concernant « la structure des intérêts professionnels », notamment ceux de Guilford, Christensen, & Lewis (1954) et de Roe (1956) (Guichard & Huteau, 2006a, p. 60).

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Investigateur et Conventionnel, bien plus que Social et Artiste » (Guichard & Huteau, 2007, p. 270).

Chaque type de personnalité peut être défini par les types d’activités, par les types de compétences et par les valeurs qui sont préférés par les individus. Holland (1997) part donc de l’hypothèse que la personnalité des individus s’exprime par les intérêts professionnels qu’elles manifestent. Dès lors, Holland considère que les choix d’orientation résultent de ce mode d’expression (Brehaut & Demeuse, 2016).

D’après Demangeon (1984) et Walsh & Holland (1992), les différentes personnalités se caractérisent comme suit. Le style :

• réaliste est lié aux activités techniques ou à l’extérieur ; préférence pour la manipulation d’objets, d’outils ; présente des compétences techniques et physiques ; met en avant les valeurs matérielles.

• investigateur est lié aux activités d’observation et de recherche ; préférence pour la réflexion ; présente des compétences analytiques et scientifiques. • artistique est lié aux activités de création, libres et non systématiques ;

présente des compétences de création ; valeurs non conventionnelles et d’indépendance.

• social est lié aux activités sociales, d’information, d’éducation, d’aide ; présente des compétences sociales et morales ; valeurs sociales, d’entraide et de responsabilité.

• entreprenant est lié aux activités utilisant ou gérant d’autres personnes ; présente des compétences de management, de gestion ; valeurs liées au pouvoir, à l’argent et au statut social.

• conventionnel est lié aux activités systématiques et conventionnelles ; présente des compétences liées à l’ordre, au rangement, au classement ; valeurs liées à la conformité, au calme et à la réussite matérielle et sociale.

Pour représenter les personnalités des individus, Holland (1985) propose une schématisation sous forme d’hexagone (figure ci-après) : les six types de personnalité sont répartis à chaque sommet de la figure selon l’ordre RIASEC et plus un type de personnalité est proche (géométriquement) d’un autre, plus ceux-ci présentent des similarités entre eux (Leung, 2008).

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Figure 2 Représentation hexagonale des types de personnalité selon la théorie de Holland

Pour Holland (1985), les distances entre les types de personnalité sont « inversement proportionnelles aux relations théoriques entre elles » (p.5). Ceci signifie que plus la distance est grande entre les types, plus la relation qu’ils entretiennent entre eux est faible, et inversement (Holland, 1992). Il faut tenir compte que la représentation ci-avant est schématique et présente donc une approximation des corrélations entre les dimensions de la personnalité, mais permet néanmoins de contraster visuellement les dimensions de la personnalité et est représentative du travail de Holland. Le tableau suivant propose les coefficients de corrélation (classés du plus grand au plus petit) entre les différentes dimensions de la personnalité identifiées par Holland (1985). On constate par exemple que le coefficient de corrélation entre la dimension entreprenant et la dimension artistique est plus grand que celui entre la dimension investigateur et la dimension artistique bien que schématiquement, ces dernières soient plus proches.

Tableau 3 Coefficients de corrélation entre les dimensions de la personnalité (d’après Holland, 1985)

Association des dimensions de la personnalité 2 par 2 Coefficient de corrélation

CE/EC 0,68 ES/SE 0,54 RI/IR 0,46 SA/AS 0,42 CR/RC 0,36 EA/AE 0,35 IA/AI 0,34 IS/SI 0,3

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Association des dimensions de la personnalité 2 par 2 Coefficient de corrélation

RE/ER 0,3 RS/SR 0,21 EI/IE 0,16 RA/AR 0,16 CI/IC 0,16 CA/AC 0,11

Holland ajoute la notion de consistance aux types de personnalité : pour lui un individu qui présente un profil de personnalité consistant a plus de chance, par rapport à une personne dont le profil est moins consistant, de trouver un emploi qui le satisfera. Dans la figure ci-avant, le degré de consistance entre les différents types de personnalité est figuré par le type de trait et son épaisseur. Le tableau suivant définit les relations entre les types de personnalité selon leur degré de consistance.

Tableau 4 Degrés de consistance entre les types de personnalité dans le modèle hexagonal de Holland (d’après Holland, 1973)

Degrés de consistance Type de trait Types de personnalité

Elevé RI29, RC, IR, IA, AI, AS, SA, SE, ES, EC, CE, CR

Modéré RA, RE, IS, IC, AR, AE, SI, SC, EA, ER, CS, CI Peu élevé RS, IE, AC, SR, EI, CA

En outre, un individu ou un environnement de travail peut être qualifié selon la différenciation qui « rend compte du degré de précision » (Bujold & Gingras, 2000, p. 32) par lequel il est défini. La différenciation se traduit par le degré d’intensité des scores qu’il obtient aux différentes dimensions. Holland traduit cette différenciation par la hiérarchie développementale : un individu aura d’autant plus facile à choisir une profession qu’il manifestera une intensité forte pour une seule dimension. Dans le cas où plusieurs dimensions30 présentent des scores d’intensité élevée, la personne aura plus de difficulté à trouver un emploi où elle pourra réaliser les besoins liés à ces dimensions (Holland, 1985). Le profil est dit plat lorsque la personne se différencie peu (Bujold & Gingras, 2000).

29 Le tableau se lit comme suit : par exemple un individu qui a comme personnalités dominantes réaliste et investigateur aura un type de personnalité plus consistant qu’un individu ayant les personnalités dominantes réaliste et sociale.

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Dans ce type de cas, Holland parle de sous-types qui peuvent se composer de deux à six types différents (Holland, 1973)

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Enfin, Holland met également en avant, dans sa théorie, le concept d’identité vocationnelle qui se définit par le degré de perception ou de conscience qu’un individu a de sa propre personnalité ou de lui-même (Huteau, 2007c), c’est-à-dire de ses caractéristiques personnelles, de ses intérêts, de ses forces et faiblesses ou encore de ses objectifs et buts (Holland, 1985). Plus ce degré est élevé, et surtout si le degré de perception de l’environnement est également élevé, plus la personne a des chances de trouver une activité professionnelle qui lui correspond (Gladding, 2018).

La théorie de Holland est encore, aujourd’hui, très souvent investiguée scientifiquement et sert de base à l’élaboration de multiples outils orientants (Canzittu & Demeuse, 2017; Guglielmi et al., 2004; Nauta, 2010; Sharf, 2016). Elle fait l’objet, par exemple, de nombreuses adaptations dans différents pays : le rapport de Bullock, Andrews, Braud, & Reardon (2009) nous renseigne que les travaux de Holland ont été adaptés dans plus de 45 États différents. Elle est d’ailleurs toujours mise à l’épreuve selon des axes de recherche particuliers et entre 1953 et 2007, Ruff, Reardon, & Bertoch (2007) ont trouvé plus de 1 600 citations de cette théorie et de ses applications à travers 197 revues différentes. Néanmoins, elle est également critiquée (Hesketh, 2000; Hough & Ones, 2005; H. E. A. Tinsley, 2000, 2006; Wiernik & Wille, 2018) du fait de son inadéquation avec les conceptions récentes en termes de travail et de construction personnelle et professionnelle (Blustein, 2008; Collin & Young, 2000).

Le modèle psychodynamique des choix de carrière de Bordin

Le modèle psychodynamique31 de Bordin (1984, 1990; Bordin, Nachmann, & Segal, 1963) prend en compte essentiellement le développement de la personnalité de l’individu dès la petite enfance comme moteur de la motivation au travail. Il met l'accent sur le développement de la personnalité par l’impact du travail et du jeu ou du plaisir (Patton & McMahon, 2014). Pour Bordin, lors de l’enfance, le travail et le jeu ne forment qu’une seule et même entité et ce n’est qu’à partir du développement de la socialisation qu’ils se scindent en deux réalités différentes (Patton & McMahon, 2006a).

L'envie de jouer peut être inconsciente, mais elle constitue un mécanisme d'orientation qui influence le développement de la personnalité et sa relation avec le choix de carrière, tant en ce qui concerne l’entrée en formation ou dans un emploi (première ou nouvelle profession) (Schreuder & Coetzee, 2006).

Bordin (1994) stipule que le jeu produit un des trois éléments primaires du comportement humain, la spontanéité. Il l’oppose à la compulsion qui est un comportement issu de la motivation extrinsèque de l’individu. Bordin définit également

31 Le terme psychodynamique fait référence à tout système psychologique qui s'efforce d'expliquer le comportement des individus en termes de motivations ou de pulsions ou qui décrit un processus psychologique qui modifie ou provoque un changement (English & English, 1958).

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un troisième élément, l’effort qui met en jeu les compétences de l’individu, ses connaissances et sa maîtrise des tâches. Bordin marque ainsi la différence entre le jeu spontané et le travail guidé par la motivation extrinsèque et contraint par l’effort (Bordin, 1979). Ces trois éléments primaires du comportement humain (spontanéité, compulsion et effort) sont constitutifs des décisions de carrière des individus qui tendent à trouver un équilibre entre leur soi et leur emploi (Bordin, 1990).

Selon Bordin, l’identité se construit, de façon majoritairement inconsciente, dans les premières années de l’enfance, à travers notamment, l’influence des rôles sexuels (biologiques et culturels), du niveau de soutien et d'éducation des parents et du besoin d’être à la fois une personne unique et connectée aux autres. Aux facteurs développementaux, Bordin ajoute d’autres types de facteurs comme influençant la constitution des choix professionnels de l’individu : les facteurs économiques, culturels, géographiques, biologiques et accidentels/ponctuels/fortuits (Patton & McMahon, 2014).

Ainsi, pour Bordin, le choix de carrière est guidé par le développement de la personnalité qui lui-même est influencé tant par des facteurs internes qu’externes : les facteurs internes sont constitués par la volonté d’augmenter le plaisir au travail et les facteurs externes relèvent des particularités des systèmes éducatifs. Le choix de l’individu est alors basé sur une auto-évaluation de la situation et de la probabilité de succès en regard de la satisfaction intrinsèque perçue (Patton & McMahon, 2014).

Bordin (1990) propose sept propositions qui synthétisent les aspects de sa théorie :

1. Le « sentiment de complétude [engendré par le jeu] […] est recherché par toutes les personnes, de préférence dans tous les aspects de la vie, y compris le travail » (p. 105).

2. « Le degré de fusion du travail et du jeu est fonction des antécédents de développement d'un individu en matière de compulsion/contrainte et d'effort » (p. 108).

3. « La vie d'une personne peut être considérée comme une série de décisions de carrière reflétant la recherche d'un équilibre idéal entre soi-même et le travail » (p. 109).

4. « Le système le plus pratique de représentation des professions en ce qui concerne les motivations intrinsèques sera celui qui saisit le style de vie ou les styles de caractère et stimule ou est réceptif aux conceptions développementales » (p. 115).

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5. « Les racines des aspects personnels du développement de carrière se trouvent dans le développement infantile de l'individu, parfois dès les premières années » (p. 116).

6. « Chaque individu cherche à construire une identité personnelle qui incorpore des aspects du père et de la mère, tout en conservant des éléments uniques à soi-même » (p. 116).

7. « Une source de perplexité et de paralysie lors des points de décision de carrière se trouve dans les doutes et les insatisfactions par rapport aux définitions actuelles de soi-même » (p. 117).

La théorie de Bordin insiste sur le sens que donne l’individu à ses choix de carrière. Ainsi, dans l’aide à l’orientation, Bordin propose de mettre en avant ce sens par l’utilisation de techniques et méthodes permettant d’y accéder, via, par exemple l’investigation des rêves, l'examen des histoires de vie, des sentiments de la personne. En cela, les considérations de Bordin s’éloignent des conceptions classiques des conseils en orientation et rejoignent les théories de D. Brown (1996, 2002c, 2002d) qui considère le contexte large de l’aide à l’orientation (Patton & McMahon, 2014) ou encore les concepts relevant des approches narratives comme celles de Savickas (2015) ou de Guichard (2004), par exemple.

La théorie de D. Brown basée sur les valeurs

D. Brown (1995, 1996, 2002c, 2002b, 2011, 2016; D. Brown & Crace, 2008) propose une théorie du développement de carrière analysant l’impact des variables contextuelles telles que le genre, la famille, le statut socio-économique et la discrimination sociale ou encore les valeurs de la personne sur la satisfaction de l’individu, ses choix professionnels et sa réussite. Ces dernières sont considérées par D. Brown comme le facteur clé dans l’explication des choix professionnels (Schellenberg, 2018). D. Brown se base sur les recherches de Rokeach (1973) et celles de Super (1990) pour déterminer à la fois les processus de décisions professionnelles et la satisfaction que l’individu retire de ceux-ci (D. Brown & Crace, 2002).

Les valeurs sont des structures cognitives permettant l’évaluation de soi et des autres. Elles amorcent et orientent les comportements de l’individu vers l’atteinte d’un but particulier, en adéquation avec elles. Pour D. Brown, les valeurs relèvent de traits davantage fondamentaux que les intérêts et devraient être la base sur laquelle les aides à l’orientation devraient être menées : en cela, « l'orientation professionnelle devrait dans la plupart des cas être une orientation sur le rôle de vie en raison de l'interaction entre les rôles de la vie [que l’individu arbore tout le long de sa vie] et le fait qu'il est peu

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probable qu'une profession puisse satisfaire toutes les valeurs d'une personne » (D. Brown & Crace, 2008, p. 1415).

Selon D. Brown & Crace (2008), il existe trois types de valeur:

1. les valeurs culturelles qui se subdivisent en cinq catégories, telles que les relations sociales, le temps, la relation à la nature, l’activité et la maîtrise de soi ;

2. les valeurs professionnelles qui permettent de définir un objectif de carrière et de choisir un métier ;

3. les valeurs de vie qui demandent à être satisfaites par les différents rôles (travailleur, citoyen…) pris par l’individu au cours de son existence et par ses relations à autrui.

Pour D. Brown, ces valeurs, qui sont en nombre limité, jouent un rôle primordial dans les décisions d’orientation. Cependant, celles-ci ne sont pas considérées comme ayant un poids égal par l’individu et sont donc hiérarchisées. Les valeurs considérées comme les plus importantes seront celles qui dicteront principalement les choix d’orientation. Il faut noter que tous les individus ne partagent pas nécessairement les mêmes valeurs, celles-ci étant définies tant par les caractéristiques de la personne (sexe, niveau socio-économique…) que par son environnement (possibilités offertes, groupes culturels d’appartenance…) (Bujold & Gingras, 2000).

D’après D. Brown (1995), cité par Patton & McMahon (2014), avant de hiérarchiser leurs valeurs, les individus doivent d’abord les cristalliser, c’est-à-dire être capables de les utiliser pour juger leur comportement et ceux d’autrui. C’est alors les individus qui ont procédé à une cristallisation et une hiérarchisation optimales de leurs valeurs qui sont les plus à même de poser des choix pertinents (D. Brown & Crace, 1996).

D. Brown considère que l’individu doit choisir une activité professionnelle qui lui permette d’accéder à un rôle (de vie) correspondant au mieux à ses valeurs prioritaires et qu’elle soit d’une difficulté acceptable pour celui-ci. C’est la mauvaise correspondance entre le rôle et les valeurs qui entraîne certaines formes d’inconfort, d’anxiété ou de dépression chez la personne. Lorsque la personne choisit de changer de rôle, c’est pour correspondre davantage à ses valeurs. Si elle peut aussi changer ses propres valeurs sous la pression extérieure (ou du moins du fait des caractéristiques de l’environnement), le succès dans son rôle n’est pas nécessairement assuré puisqu’il dépend aussi d’autres facteurs affectifs ou cognitifs comme déjà mentionné (Guichard & Huteau, 2007).

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D. Brown & Crace (2002, pp. 2–3) synthétisent ce modèle théorique selon dix points :

1. « Chaque personne développe un nombre relativement restreint de valeurs qui sont organisées selon un système dynamique » (p.2). 2. « Les valeurs cristallisées et hautement priorisées sont le déterminant

le plus important des choix de rôle de vie, tant que l'information basée sur les valeurs concernant les choix est disponible » (p.2).

3. « Les valeurs sont le facteur dominant dans le processus de prise de décision, mais d'autres facteurs l’influencent également » (p.2), tels que l’efficacité personnelle ou les intérêts.

4. « En raison de la diversité des sources d'information et des expériences qui influencent le développement des valeurs, il est probable que chaque personne soit confrontée à des conflits de valeurs » (p.2). 5. « En raison des différences dans leur processus de socialisation et des

informations chargées de valeurs particulières qu'ils reçoivent, les personnes [de sexe différent et/ou] d'origines culturelles diverses sont susceptibles de développer des systèmes de valeurs différents » (p.2). 6. « La satisfaction de vie sera supérieure à la somme de ce que les

différents rôles de vie ont produit, considérés séparément32 » (p.2). 7. « Les rôles de vie interagissent de façon caractéristique » (p.2) : de

façon synergique (complémentaire), entropique (conflictuelle) ou en maintenant l'homéostasie (complémentaire).

8. « L'importance d'un rôle particulier peut être déterminée par la mesure dans laquelle ce rôle satisfait des valeurs cristallisées et hautement prioritaires » (p.3).

9. « Le succès dans un rôle de vie dépendra (1) de la congruence entre les valeurs de l'individu et celles mises en place dans ce rôle ; (2) des compétences liées au rôle que la personne a développées avant d'entrer