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1.4. Théories de la comorbidité entre l’addiction et le TSPT

1.4.3. Théorie de la vulnérabilité partagée

Dans les deux premières théories sur la comorbidité entre le TSPT et l’addiction aux drogues, chacune des deux conditions est le facteur qui engendre l’autre. À ces deux théories peut s’ajouter un troisième mécanisme pour expliquer la cooccurrence de ces deux conditions. Le TSPT et l’addiction aux drogues partageraient des mécanismes, biologiques et/ou génétiques, communs (Ruglass et al., 2017 ; Enman et al., 2014 ; Kline et al., 2014 ; Toledano et al., 2013). Chacune des deux conditions rendrait les personnes qui en souffrent vulnérables à l’acquisition de l’autre condition (Back et al., 2000). C’est la théorie du « shared vulnerability model » ou le « mutual maintenance model » (Ruglass et al., 2017 ; Langdon et al., 2016). Contrairement aux précédentes théories, la théorie de la susceptibilité partagée

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soutient une relation bidirectionnelle entre le TSPT et l’addiction aux drogues (Back et al., 2000 ; Figure 1.3). Comme dit plus haut, des études ont démontré que les personnes qui souffrent du TSPT présentent plus souvent une addiction à une drogue que la population générale. Le TSPT est donc un facteur de risque de survenue d’une addiction aux substances d’abus. De même, comparées à la population générale, les personnes qui souffrent d’addiction aux drogues présentent plus souvent un TSPT que la population générale. Souffrir d’une addiction augmente donc le risque de développer ultérieurement un TSPT. Ainsi, il apparaît que chacune de ces deux conditions accroît la probabilité de survenue de l’autre condition (Back et al., 2000). Les sujets souffrant d’une de ces deux conditions deviennent donc plus vulnérables à l’acquisition de l’autre condition (Anderson et al., 2018 ; Enman et al., 2014 ; Back et al., 2000).

Fig. 1.3. Théorie de la vulnérabilité partagée.

Cette vulnérabilité ne se limite pas à l’acquisition de l’autre condition. En effet, le TSPT et l’addiction aux drogues s’aggravent mutuellement (Langdon et al., 2016 ; Wielchelt et al., 2011). L’addiction à une drogue est non seulement plus fréquente chez les personnes qui présentent un TSPT mais elle est souvent aussi plus grave chez ces sujets comparativement aux personnes qui ne souffrent pas de TSPT (Langdon et al., 2016 ; Najavits et al., 1998). Parmi les sujets qui souffrent d’addiction aux drogues, ceux qui présentent un TSPT souffrent plus souvent d’autres problèmes mentaux et nécessitent plus souvent des prises en charge psychologiques que les sujets qui ne souffrent pas de TSPT (Langdon et

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al., 2016 ; Najavits et al., 1998). L’aggravation du TSPT s’accompagne de l’aggravation de l’addiction aux drogues et inversement l’amélioration du TSPT conduit à une amélioration de l’addiction aux drogues (Back et al., 2014 ; Logrip et al., 2012 ; Tull et al., 2010). Dans le sen opposé, l’addiction aux drogues aggrave aussi les symptômes du TSPT (Langdon et al., 2016 ; Sullivan et Holt, 2008). Les personnes qui souffrent de comorbidité entre le TSPT et l’addiction aux drogues présentent plus de symptômes de TSPT que celles qui ne souffrent que du TSPT (Sullivan et Holt, 2008 ; Saladin et al., 1995). Tout se passe comme si une fois que la comorbidité TSPT – addiction aux drogues est acquise les deux affections mettent en place une relation circulaire responsable d’un renforcement mutuel (Langdon et al., 2016 ; Enman et al., 2014). L’addiction aux substances d’abus aggrave ainsi le TSPT.

Et l’accroissement de la sévérité du TSPT accroît à son tour celle de l’addiction aux drogues. Au final, les sujets souffrant de la comorbidité TSPT – addiction aux drogues ont un pronostic plus grave que ceux qui ne souffrent que d’une seule des deux affections (Kline et al., 2014). La prise en charge des personnes souffrant de la comorbidité TSPT – addiction aux drogues est plus difficile que celle des sujets soufrant uniquement d’une des deux conditions (Anderson et al., 2018 ; Wielchelt et al., 2011).

Cette prise en charge donne les meilleurs résultats lorsque les deux troubles sont traités simultanément (Back et al., 2014).

En plus de s’aggraver mutuellement, le TSPT et l’addiction aux drogues présentent des similitudes (Enman et al., 2014). Leur apparition peut se comparer au sommet d’un iceberg. Pour ces deux troubles, seule une minorité de personnes exposées en souffriront (Marel et al., 2019 ; Edwards et al., 2013). Il est connu que de nombreux facteurs de risque favorisent la transition de la première consommation à l’addiction à une drogue. Ainsi le jeune âge à la première consommation ou à la première intoxication, le sexe (masculin), un faible niveau d’instruction, un faible niveau socioéconomique, l’existence de troubles anxieux et de l’humeur, favorisent la transition vers l’addiction à une drogue (Marel et al., 2019 ; Newton-Howes et al., 2019 ; Uhl et al., 2019 ; Grant et al., 2016 ; Hasin et Grant, 2015 ; Secades-Villa et al., 2015 ; Kline et al., 2014 ; Lopez-Quintero et al., 2011 ; Afful et al., 2010). La même observation peut être faite pour le TSPT. Seul un petit nombre de sujets exposés à un traumatisme présentera un TSPT. Dans la population américaine, la survenue du TSPT au cours de la vie est estimée à 6,1% alors que 68,6% de personnes ont été exposées, directement ou indirectement, à un évènement traumatisant (Goldstein et al., 2016). Ainsi le jeune âge lors de l’exposition à un évènement traumatique, le sexe (féminin), un faible niveau d’instruction, un bas niveau socioéconomique, l’existence de troubles anxieux, sont autant de facteurs qui vulnérabilisent

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les sujets à présenter un TSPT (Goldstein et al., 2016 ; Enman et al., 2014 ; Kline et al., 2014 ; Afful et al., 2010). Donc, l’addiction aux drogues et le TSPT partagent en commun de nombreux facteurs de risques. Et ce ne sont pas les seuls éléments qu’ils partagent en commun.

En effet des études montrent des similitudes de dysfonctionnement psychopathologique entre le TSPT et l’addiction aux drogues (Ruglass et al., 2017). Aussi bien le TSPT que l’addiction aux drogues présentent une grande comorbidité avec les troubles de l’humeur, particulièrement la dépression majeure (Marel et al., 2019 ; Quadir et al., 2017 ; Hasin et Grant, 2015). Les personnes qui souffrent du TSPT, comme celles qui souffrent d’addiction aux drogues, présentent des comportements impulsifs, un dysfonctionnement du système de récompense et une forte sensibilité au stress (Garcia-Pardo et al., 2017 ; Enman et al., 2014). Comparées aux personnes qui n’en souffrent pas, les personnes qui souffrent du TSPT et/ou d’une addiction à une drogue présentent des taux plus élevés de trouble de personnalité (Marel et al., 2019 ; Hasin et Grant, 2015). Ces deux affections sont comorbides avec les troubles de la personnalité antisociale, borderline et schizotypique (Goldstein et al., 2016). Le TSPT et l’addiction aux drogues ont aussi des répercussions neurocognitives (Uhl et al., 2019 ; Koob et Volkow, 2016 ; Bates et al., 2013). En effet les troubles de l’attention et de la mémoire sont plus fréquents chez les sujets qui présentent la comorbidité comparés à ceux qui ne présentent qu’une seule des deux affections (Uhl et al., 2019 ; Langdon et al., 2016). Ce qui laisse penser que ces deux pathologies produisent des dysfonctionnements similaires ou qui se chevauchent (Ruglass et al., 2017 ; Enman et al., 2014). Et les similitudes ne s’arrêtent pas là.

Les similitudes entre le TSPT et l’addiction aux drogues s’observent aussi sur le plan neurobiologique.

De nombreuses études rapportent des altérations de certaines structures cérébrales ainsi que des dysfonctionnements de certains neurotransmetteurs (Enman et al., 2014). L’addiction aux drogues et le TSPT sont associés au dysfonctionnement de l’amygdale, de l’hippocampe, de l’aire tegmentale ventrale (ATV) et du cortex préfrontal (Roberto et al., 2017). À côté de l’implication de ces structures, le dysfonctionnement de nombreux neuromédiateurs et hormones a été incriminé (Enman et al., 2014).

Il s’agit principalement des systèmes sérotoninergique, adrénergique, dopaminergique, GABAergiques et de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS ; Enman et al., 2014 ; Bernardi et Lattal, 2010). L’axe HHS est le système endocrinien le plus souvent étudié dans la comorbidité entre l’addiction aux drogues et le TSPT (Enman et al., 2014). La corticolibérine, ou facteur de