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Outre l’évidente problématique translationnelle, il sied de se pencher sur quelques limites que posent les modèles animaux de TSPT. La première limite qui peut être relevée est liée à la validité étiologique.

En effet, l’évènement traumatique de certains protocoles sont difficiles à concilier avec la compréhension de l’évènement traumatique tel que proposé par le DSM 5 (APA, 2013). Chez les sujets souffrant de TSPT, l’évènement traumatique est le plus souvent intense et bref (Schöner et al., 2017). Ainsi, par exemple pour les modèles du « single prolonged stress » ou des stress variables imprévisibles, il est difficile d’analyser la part de chacun des stresseurs appliqués dans le changement comportemental. Dans ces circonstances il est difficile de savoir quels stresseurs sont nécessaires et/ou suffisants pour induire les effets comportementaux observés.

Les validités apparente, prédictive et constructive du TSPT révèlent un autre problème. Le TSPT est une condition difficile à distinguer de la dépression majeure. Certains modèles de TSPT, tel que celui de l’impuissance acquise, ont été conçus au départ comme modèle de dépression (Schöner et al., 2017). La grande majorité de ces tests, si pas tous, peut être utilisée comme modèle de dépression (Deslauriers et al., 2018 ; Macedo et al., 2018). De surcroît l’utilisation d’antidépresseurs permet d’atténuer les symptômes induits par tous ces différents protocoles de TSPT. La dépression majeure et le TSPT partagent en commun tellement de facteurs étiologiques qu’il est difficile de développer un modèle de TSPT qui ne soit pas utilisable pour la dépression. Ces différents protocoles pourraient donc ne pas être spécifiques au seul TSPT. Mais cette problématique est également retrouvée chez l’homme. En effet, certains de leurs symptômes indiquent un chevauchement de ces deux affections (Aspesi et Pinna, 2019 ; Edwards et al., 2013). La dépression majeure est une des plus fréquentes

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comorbidités du TSPT (Aspesi et Pinna, 2019 ; Quadir et al., 2017). Plus de la moitié des sujets souffrant de TSPT présentent une dépression majeure. À ce jour, il n’existe aucun marqueur biologique pour départager les deux affections (Schöner et al., 2017). De ce point de vue, les modèles animaux de TSPT reproduisent une caractéristique du TSPT chez l’homme.

Certains des modèles de TSPT présentés dans ce travail proposent des critères pour différencier les animaux vulnérables des animaux résilients. Il n’est pas certain que les critères utilisés conduisent à identifier réellement des sujets vulnérables ou résilients (Deslauriers et al., 2018). Les modèles animaux du TSPT ne tiennent pas non plus compte des facteurs de risque du TSPT (Borghans et Homberg, 2015). Pourtant, le TSPT n’est pas que la conséquence de l’exposition à un évènement traumatique mais survient aussi en fonction de l’histoire individuelle des personnes qui en souffrent.

Néanmoins, certains auteurs combinent un protocole de stress, comme facteur de risque, avec une procédure de modèles animaux du TSPT. Ainsi, par exemple, de nombreux protocoles de TSPT débutent par un isolement des animaux (Eagle et Perrine, 2013 ; Covington et Miczek, 2005 ; Siegmund et Wotjak, 2007). L’isolation est une procédure qui vulnérabilise les rongeurs (Hofford et al., 2018).

Néanmoins, malgré les difficultés translationnelles et les problèmes de validité des modèles animaux du TSPT, certains items des différents critères diagnostiques du TSPT seraient plus ou moins transposables chez l’animal (Richter-Levin et al., 2019). De nombreux modèles animaux proposent des tests qui ont montré leur pertinence pour évaluer certains symptômes du TSPT. Ainsi par exemple, le test de la peur conditionnée, de la préférence sociale et des réactions de sursaut chez la souris peuvent être comparables ou assez proches, respectivement, des symptômes d’intrusion, de comportement d’évitement et d’hyperréactivité du TSPT (Richter-Levin et al., 2019). Il semble tout aussi évident que la persistance pendant plusieurs jours ou semaines des changements comportementaux induits par un traumatisme chez les rongeurs pourrait faire écho à la longue persistance du TSPT chez l’homme (Richter-Levin et al., 2019). Finalement, malgré leurs limites, les modèles animaux, en accord avec les résultats observés dans les études chez l’homme, sont pertinents pour comprendre le TSPT.

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3.6. Conclusion

Le TSPT est une condition chronique. Elle se manifeste par une mémoire traumatique associée à un évènement traumatique mais aussi combinée à une mémoire traumatique non associée qui traduit une généralisation de la peur. Le TSPT est l’expression des dérèglements neurobiologiques induits par l’évènement traumatique. Ces perturbations neuronales impliquent certaines structures dont l’amygdale, l’hippocampe et le cortex préfrontal principalement. Outre ces structures, le TSPT s’accompagne des altérations dans le fonctionnement de nombreux neurotransmetteurs et hormones dont la corticolibérine, le cortisol et la norépinephrine. Malgré la problématique des validités, plusieurs modèles animaux tentent de mimer les modifications comportementales et neurobiologiques induites par le TSPT. Un resumé synthétique de ces modèles animaux de TSPT est présenté dans le tableau 3.1. Parmi ces différents modèles, le choc électrique sera utilisé comme le stresseur physique pour induire un TSPT dans le présent travail. Ce modèle est basé sur le conditionnement à la peur qui transforme un stimulus neutre en stimulus aversif responsable d’un comportement conditionné.

Malgré leurs nombreuses limites, les modèles animaux du TSPT ont permis d’importantes avancées dans la compréhension du TSPT.

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Tablau 3.1. Comparaison des principaux modèles animaux du trouble de stress posttraumatique Modèle animal Phénotype comportemental Rétrocontrôle négatif

de l’axe HHS

ISRS : Inhibiteur Sélectif de la Recapture de la Sérotonine. HHS : Hypothalamo-Hypophyso-Surrénalien. * : Démontré chez des rats femelles.

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Chapitre 4

Modèles animaux de l’interaction entre l’addiction aux drogues et le trouble du stress posttraumatique

Ayant passé en revue les modèles animaux de l’addiction aux drogues ainsi que ceux du TSPT, il est temps de passer en revue les données des études animales sur les relations entre ces deux conditions.