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4.3.1. Introduction

L’influence d’une exposition chronique aux drogues sur l’expression du TSPT est une préoccupation rencontrée aussi bien dans les études cliniques que précliniques (Quiñones-Laracuente et al., 2015).

Le précédent chapitre de ce travail montre que l’exposition chronique aux drogues active le système de stress (Taylor et al., 2016 ; Koob et al., 2014). Le TSPT étant par essence une affection associée à un dysfonctionnement de ce système, cela soulève la question d’une éventuelle vulnérabilité au TSPT induite par une addiction aux drogues (Covington et al., 2005). À l’instar des études chez l’homme, il existe une carence criante des études sur l’influence de l’addiction aux drogues sur le TSPT, et encore moins sur l’expression des symptômes du TSPT. À côté de ces rares études existent d’autres études ayant analysé l’effet des drogues sur des comportements isolés du TSPT, particulièrement la peur conditionnée. Le TSPT étant une condition définie par une constellation de symptômes regroupés dans quatre groupes de critères, il convient plutôt d’analyser les effets de l’addiction aux drogues sur chacune de ses caractéristiques.

4.3.2. Influence de l’addiction sur l’évènement traumatique

Le traumatisme est le « primum movens » d’une cascade d'évènements qui conduisent à l’installation du TSPT. Naturellement, une première préoccupation porte sur les effets de l’addiction aux drogues sur la perception de l’évènement traumatique (Gulick et Gould, 2007 ; Wood et al., 2007). En effet, il est raisonnable de se demander si la vulnérabilité au TSPT proviendrait d’une sensibilité plus élevée à l’évènement traumatique chez les sujets souffrant d’addiction aux drogues. Les études précliniques s’accordent sur le fait que l’exposition aiguë ou répétée aux drogues n’entraîne pas une sensibilité plus importante à un évènement traumatique. En effet, la réaction au moment du choc électrique n’est pas modifiée par une exposition à l’éthanol ou la cocaïne administrés aux animaux quelques minutes plutôt (Gulick et Gould, 2007 ; Wood et al., 2007). De la même façon, l’auto-administration en accès limité de l’éthanol vingt-quatre heures avant n’influence pas non plus le stress induit par l’odeur d’un prédateur (Edwards et al., 2013).

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4.3.3. Influence de l’addiction sur les symptômes d’intrusion

La peur conditionnée reflète les symptômes d’intrusion du TSPT. De tous les comportements des modèles animaux du TSPT, elle constitue le premier changement observable à la suite d’une exposition à un évènement traumatique. Elle apparait d’emblée après la session d’acquisition de la peur conditionnée (Gulick et Gould, 2007 ; Siegmund et Wotjak, 2007). Elle est d’emblée maximale et son intensité demeure inchangée durant plusieurs semaine (Siegmund et Wotjak, 2007).

L’influence de drogues sur la peur conditionnée peut s’analyser sur deux niveaux, d’une part du caractère chronique ou non de l’exposition à la drogue, et d’autre part en fonction du moment de l’exposition à la substance d’abus. L’analyse du moment de l’exposition à la drogue est particulièrement importante en ce qu’il permet d’étudier l’influence de drogues aussi bien sur l’acquisition que sur l’expression de la peur conditionnée : l’acquisition est analysée par une exposition préalable des drogues alors que l’expression est analysée par une exposition préalable de l’évènement traumatique. L’acquisition de la peur conditionnée est influencée par une exposition aiguë aux substances d’abus. En effet, l’administration de l’éthanol ou de la cocaïne quelques minutes avant l’exposition à un choc électrique modifie l’expression de la peur conditionnée (Gulick et Gould, 2007 ; Wood et al., 2007). Certaines études montrent un effet inverse sur la peur conditionnée en fonction de la dose de la drogue administrée. En effet, des auteurs ont observé que des faibles doses de cocaïne ou d’éthanol augmentent le freezing des animaux alors que l’augmentation de doses conduit à la réduction du freezing (Gulick et Gould, 2007 ; Wood et al., 2007). En revanche, l’exposition aiguë à une drogue après la survenue d’un choc électrique ne modifie par l’expression de la peur conditionnée (Gulick et Gould, 2007). Une autre observation soutient ce constat. En effet, une administration d’une dose d’éthanol le lendemain de la survenue de chocs électriques ne modifie pas non plus l’extinction de la peur conditionnée évaluée plusieurs jours après (Quiñones-Laracuente et al., 2015). À l’inverse, une répétition d’expositions à une drogue à la suite d’une exposition à un évènement traumatique modifie l’expression de la peur conditionnée. Une administration répétée d’éthanol débutant dès le lendemain du choc électrique augmente le freezing des rats dont la peur conditionnée est testée plusieurs jours après le traumatisme (Quiñones-Laracuente et al., 2015). Cette exposition répétée réduit aussi leur extinction de la peur conditionnée lorsqu’elle est testée plus d’une semaine après la survenue d’un choc électrique (Quiñones-Laracuente et al., 2015). Cette modulation de l’éthanol sur la peur conditionnée disparait quelques jours après la dernière administration

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d’éthanol (Quiñones-Laracuente et al., 2015). Cet effet sur la peur conditionnée ne semble pas être lié à un éventuel sevrage. En effet, chez les rongeurs, le sevrage à l’éthanol ne s’observe pas au-delà de 48 heures après la dernière injection (Quiñones-Laracuente et al., 2015). Ainsi l’exposition aiguë et répétée des substances d’abus modulent différemment la peur conditionnée

4.3.4. Influence de l’addiction sur la peur sensibilisée

La peur sensibilisée mime l’hyperréactivité du système nerveux autonome du TSPT. Comme chez l’homme, son expression nécessite une période d’incubation de quelques jours (Siegmund et Wotjak, 2007). Contrairement à la peur conditionnée, son évolution est progressive pour atteindre une intensité maximale plusieurs semaines après l’exposition à un évènement traumatique (Siegmund et Wotjak, 2007). L’interprétation de l’influence de drogues sur la peur sensibilisée doit tenir compte aussi bien de leur effet sur l’acquisition de la peur conditionnée que de la durée d’incubation nécessaire à l’éclosion de la peur sensibilisée. Une administration aiguë de méthamphétamine la veille d’une exposition à un évènement traumatique n’influence pas la peur sensibilisée testée le lendemain de l’exposition à l’évènement traumatique (Luikinga et al., 2019). À l’inverse l’existence d’une période d’incubation conduit à l’observation d’un effet des drogues sur la peur sensibilisée. Et comme pour la peur conditionnée, les faibles doses d’éthanol et de cocaïne augmentent le freezing alors que des doses plus élevées réduisent le freezing des animaux TSPT (Gulick et Gould, 2007 ; Wood et al., 2007).

L’exposition répétée de substance d’abus conduit à la même conclusion. Lisieski et Perrine (2017) ont observé que la sensibilisation locomotrice à la cocaïne entraînait une augmentation de l’hyperréactivité.

4.3.5. Influence de l’addiction sur les comportements d’évitement

Cette composante ne semble pas avoir fait l’objet d’une étude. Cela est dû notamment par la carence d’études sur l’influence de l’addiction sur les symptômes du TSPT. Mais aussi en l’absence de consensus sur le test approprié pour évaluer les comportements d’évitement. En effet, les tests le plus souvent utilisés, le labyrinthe en croix surélevé, la chambre claire-obscure et l’open field, ne font pas l’objet d’un consensus sur leur capacité à évaluer les comportements d’évitement.

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4.4. Neurobiologie de la comorbidité entre l’addiction aux drogues et le