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2.2. Neurobiologie de l’addiction aux drogues

2.2.5. Axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (HHS)

L’axe HHS est une composante majeure du système de stress (Mukhari et al., 2018 ; Garcia-Pardo et al., 2017 ; Roberto et al., 2017 ; Pastor et al., 2012). Il est également activé par l’exposition et le sevrage de quasiment toutes les drogues (Uhl et al., 2019 ; Roberto et al., 2017 ; Pastor et al., 2012 ; Moffett et Goeders, 2005). L’activation du système HHS par des signaux extérieurs et intérieurs entraîne la libération de la corticolibérine et de la vasopressine par l’hypothalamus. La corticolibérine agit sur l’hypophyse antérieure qui libère la corticotrophine ou l’adrénocorticotrophine (ACTH ; Figure 2.3). Cette dernière agit sur la glande surrénale qui libère, dans le torrent sanguin, le cortisol chez l’homme ou la corticostérone chez les rongeurs. La corticostérone diffère du cortisol par un

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radical hydroxyle sur le carbone 17. Les taux de cortisol ou de corticostérone régulent la libération de corticolibérine et d’ACTH par un rétrocontrôle négatif sur l’hypothalamus et l’hypophyse antérieure.

Quoique composante majeure de la neurobiologie du stress, l’axe HHS joue également un rôle important dans l’addiction aux drogues (Roberto et al., 2017). Il agit sur de nombreuses structures cérébrales et module de nombreux systèmes. Au niveau de l’ATV, il excite directement aussi bien les neurones dopaminergiques que les autres neurones (Blacktop et al., 2016). Néanmoins l’exposition aiguë et répétée de drogues conduit à des réponses différentes de l’axe HHS (Roberto et al., 2017). En effet, la corticolibérine ne joue aucun rôle dans les effets aigus des substances d’abus. Les souris Knock-Out (KO) pour la CRF1 expriment la même activité locomotrice aux effets aigus de l’éthanol que les souris wild-type (Pastor et al., 2012 ; Pastor et al., 2008). Par contre, l’exposition répétitive des drogues conduit à une dysrégulation et à une sensibilisation de l’axe HHS. En effet, il a été observé qu’une exposition répétée de cocaïne, d’éthanol, de nicotine et d’opioïdes réduit l’activation de l’axe HHS. Son action dans l’addiction aux drogues est liée aux effets de la corticolibérine et des glucocorticoïdes (Roberto et al., 2017 ; Pastor et al., 2012).

Figure 2.3. Axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien (Gunnar et al., 2009)

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La corticolibérine est une hormone dont la libération est augmentée lors de l’exposition à pratiquement toutes les drogues (Roberto et al., 2017 ; Pastor et al., 2012). Son rôle est crucial pour l’acquisition et l’expression d’une sensibilisation locomotrice à l’éthanol (Pastor et al., 2012 ; Pastor et al., 2008).

Cette neurohormone induit un comportement d’auto-administration de cocaïne (Blacktop et al., 2016) et de sensibilisation locomotrice à l’éthanol (Roberto et al., 2017 ; Pastor et al., 2012). À l’inverse, l’administration d’antagoniste des récepteurs de la corticolibérine réduit la sensibilisation locomotrice et l’auto-administration induite par la cocaïne par les rats (Uhl et al., 2019 ; Mukhari et al., 2018). La corticolibérine joue aussi un rôle primordial dans les comportements de rechute. Son augmentation durant le sevrage est responsable d’une anxiété associée qui est atténuée par des antagonistes de la corticolibérine (Uhl et al., 2019). Son action sur l'ATV est essentielle à la reprise d’un comportement de recherche de cocaïne (Blacktop et al., 2016). De même, à la suite d’une extinction d’un comportement d’auto-administration de la cocaïne, une administration de corticolibérine dans l'ATV induit une reprise de ce comportement chez le rat (Blacktop et al., 2016). La corticolibérine induit ses effets en se fixant sur ses récepteurs CRF1 et CRF2 mais avec une affinité plus grande pour le CRF1 que pour le CRF2 (Roberto et al., 2017 ; Pastor et al., 2012). Et seul le récepteur CRF1 joue un rôle dans l’addiction aux drogues. En effet, la corticolibérine, en agissant sur les CRF1, induit une sensibilisation locomotrice à l’éthanol (Roberto et al., 2017 ; Pastor et al., 2012 ; Pastor et al., 2008).

Ce comportement, réduit par les antagonistes des récepteurs CRF1, est absent chez les souris KO pour les CRF1 (Pastor et al., 2012 ; Pastor et al., 2008). À l’inverse, les souris KO pour les CRF2 développent et expriment normalement une sensibilisation locomotrice à l’éthanol (Pastor et al., 2012 ; Pastor et al., 2008).

Il est à noter que de nombreuses structures cérébrales dont l’amygdale produisent de la corticolibérine.

Cette corticolibérine extra-hypothalamique joue un rôle dans l’addiction indépendamment de l’activation ou pas de l’HHS (Uhl et al., 2019 ; Roberto et al., 2017 ; Pastor et al., 2008). En effet, ses taux ne sont pas régulés par le rétrocontrôle négatif des corticoïdes (Uhl et al., 2019). Au contraire, les comportements d’addiction chez les rongeurs (comportement d’auto-administration, conditionnement de préférence de place et sensibilisation locomotrice) sont associés à une augmentation de cette corticolibérine dans l’amygdale, l’ATV et le cortex préfrontal (Uhl et al., 2019 ; Roberto et al., 2010). Bien que la corticolibérine extra-hypothalamique soit importante dans l’addiction aux drogues, son rôle ne sera pas plus commenté. De même, les autres membres de la famille de la corticolibérine telle que l’urocortine qui se fixe aussi sur le CRF1 sans entraîner une

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sensibilisation locomotrice à l’éthanol (Pastor et al., 2012 ; Pastor et al., 2008) ne feront pas l’objet d’un paragraphe particulier.

La corticolibérine n’est pas la seule composante de l’axe HHS impliquée dans le processus de l’addiction. Les glucocorticoïdes, particulièrement le cortisol, produits par l’activation de l’HHS jouent un rôle important dans le processus de l’addiction. L’auto-administration de méthamphétamine s’accompagne d’une augmentation de corticostérone (Moffett et Goeders, 2005). Contrairement à la corticolibérine, la libération de corticostérone n’est pas induite directement par l’exposition aux drogues. En effet, l’administration d’éthanol chez des souris DBA/2J KO pour la corticolibérine n’aboutit pas à une augmentation de corticostérone (Pastor et al., 2012). Néanmoins les glucocorticoïdes jouent un rôle certain dans l’addiction. Une administration répétée de corticostérone conduit à l’expression d’une sensibilisation locomotrice à l’éthanol (Pastor et al., 2012). Les glucocorticoïdes agissent, entre autres, en régulant à la hausse la tyrosine hydroxylase. En effet, le stress conduit à une augmentation de tyrosine hydroxylase dans le noyau accumbens (Mukhari et al., 2018). Cet enzyme joue un rôle clé dans la synthèse de la dopamine en assurant la transformation de la L tyrosine en L DOPA qui est l’étape limitante de la synthèse des catécholamines (Mukhara et al., 2018). Concomitamment à cette effet, les glucocorticoïdes régulent à la baisse la mono-amine oxydase (Mukhara et al., 2018). La amine oxydase est une enzyme qui assure le catabolisme des mono-amines telles que les catécholmono-amines et la sérotonine. De la sorte les glucocorticoïdes favorisent l’augmentation des taux des catécholamines en favorisant leur synthèse et en inhibant leur catabolisme. Au final les glucocorticoïdes augmentent la libération de dopamine dans le noyau accumbens (Santos-Rocha et al., 2018). L’administration d’antagonistes aux glucocorticoïdes, telle que la mifepristone, chez les rongeurs bloque l’acquisition de la sensibilisation locomotrice à l’éthanol (Pastor et al., 2012 ; Pastor et al., 2008) et le comportement d’auto-administration de l’éthanol (Uhl et al., 2019). De même, la réduction de la production de glucocorticoïdes, par adrénalectomie, s’accompagne d’une réduction du niveau de base de dopamine et de la capacité de la cocaïne à augmenter la dopamine dans le noyau accumbens (Mukhari et al., 2018). Cet effet est reproduit par l’utilisation de la métyrapone, un inhibiteur de synthèse de la corticostérone (Pastor et al., 2012). Cette surrénalectomie réduit les comportements de sensibilisation locomotrice et d’auto-administration de drogues (Roberto et al., 2017 ; Pastor et al., 2012). Toutefois, les glucocorticoïdes n’influencent pas l’expression de la sensibilisation locomotrice. La métyrapone n’empêche pas l’expression d’une sensibilisation locomotrice à l’éthanol acquise préalablement (Pastor et al., 2012). Bien que les

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glucocorticoïdes agissent aussi sur les récepteurs aux minéralocorticoïdes, cet effet ne semble pas jouer un rôle dans l’addiction. En effet, l’administration de la spironolactone, un antagoniste des récepteurs aux minéralocorticoïdes, n’empêche ni l’acquisition ni l’expression de la sensibilisation locomotrice (Pastor et al., 2012).