• Aucun résultat trouvé

Hormis les limites translationnelles à l’homme, les modèles animaux d’addiction présentent de nombreuses limitations. L’une des principales limites des modèles d’auto-administration et de conditionnement de la préférence de place conditionnée consiste en ce qu’ils ne miment pas nécessairement l’addiction chez l’homme (Robinson et Berridge, 2008). Il est connu que l’auto-administration en accès limité ne permet pas de produire des symptômes d’addiction chez l’animal (Robinson et Berridge, 2008). Ces modèles ne permettent donc pas toujours de différentier un

51

comportement addictif d’un comportement de consommation récréative. Particulièrement pour l’auto-administration, il n’est même pas certains que les procédures conduisent à des intoxications aiguës aux drogues. Pour la suite, nous ne nous attarderons pas aux limites de ces deux modèles d’addiction même si ces deux paradigmes pourraient avoir un meilleur profil écologique que la sensibilisation locomotrice. En effet, la sensibilisation locomotrice est l’un des paradigmes d’addiction les moins écologiques. La comparaison est très criante avec notamment les modèles d’auto-administration orale de drogues. Néanmoins, cette faiblesse est compensée par le fait que la sensibilisation aux effets stimulants de drogues permet un meilleur contrôle des conditions expérimentales (Robinson et Berridge, 2008). De plus, chez les rongeurs bons répondants aux trois modèles animaux d’addiction, la sensibilisation locomotrice conduit à l’acquisition et à l’expression de l’auto-administration et du conditionnement de préférence de place (Robinson et Berridge, 2008) même après plusieurs jours de sevrage (Abrahao et al., 2013). Chez les souris, elle peut même atténuer l’aversion pour l’éthanol (Lessov et al., 2001b). L’inverse n’est cependant pas toujours vrai. Il a été démontré que les rats soumis à des protocoles d’auto-administration de la cocaïne avec un accès limité à 1 heure n’expriment pas une sensibilisation locomotrice (Robinson et Berridge, 2008 ; Ferrario et al., 2005). À l’inverse, un accès étendu conduit à l’expression d’une sensibilisation locomotrice à la cocaïne (Robinson et Berridge, 2008 ; Ferrario et al., 2005).

Comme tous les autres modèles animaux d’addiction, la sensibilisation locomotrice présente aussi des limites. L’un des reproches les plus fréquents à l’encontre de la sensibilisation locomotrice est qu’elle n’est pas observée chez l’homme (Pastor et al., 2012 ; Boehm II et al., 2008 ; Robinson et Berridge, 2008). Ce reproche n’est pas le propre de ce modèle animal. En effet les résultats obtenus avec n’importe quel autre modèle animal d’addiction ne peuvent être directement extrapolés à l’homme.

Néanmoins, de nombreux chercheurs publient des résultats en faveur de l’existence de la sensibilisation locomotrice chez l’homme (Pastor et al., 2012). Des études chez l’homme montrent que la consommation de substances d’abus s’accompagne d’une stimulation de l’activité locomotrice.

Des études sont en cours de réalisation pour tenter de faire le lien entre la sensibilisation locomotrice et la sensibilisation motivationnelle chez l’homme (Brabant et al., 2014). Ce vaste sujet ne sera pas abordé dans le présent chapitre. Un autre reproche fait à ce modèle est que l’addiction chez l’homme est un long processus qui s’étale sur plusieurs années. La sensibilisation locomotrice par contre peut apparaître 4 à 5 jours après le début d’administration de la drogue. Certains auteurs parlent même de sensibilisation locomotrice après l’administration d’une seule dose d’une substance d’abus (Berridge

52

et Robinson, 2016 ; Valjent et al., 2010 ; Stevenson et al., 2008). Néanmoins, ces protocoles d’une seule administration correspondent plus aux effets aigus de drogues qui représentent la première étape vers une addiction. Toutefois les effets aigus et chroniques des drogues font intervenir des mécanismes différents (Pastor et al., 2012). En effet, les effets moteurs de l’exposition aiguë à une drogue ne prédisent pas l’expression de la sensibilisation. Il n’existe aucune corrélation entre l’amplitude de la réponse aiguë et l’expression de la sensibilisation locomotrice (Stevenson et al., 2008). Il est aussi reproché à la sensibilisation locomotrice que l’administration forcée de drogues par un expérimentateur n’est pas écologique (Robinson et Berridge, 2008 ; Zapata et al., 2003). Le degré de contrôle de consommation d’une substance d’abus a un impact certain sur la magnitude des effets des drogues (Zapata et al., 2003). Les animaux ne fournissent aucun effort, dans le sens d’un comportement compulsif, pour obtenir la drogue. De plus, contrairement à l’homme, la dose ingérée est toujours la même. Des protocoles de recherches chez l’homme utilisent parfois l’administration par un expérimentateur ou l’auto-administration de drogues par voie intraveineuse pour certaines substances naturellement consommées par d’autres voies. Bien que peu écologiques, ces protocoles fournissent de précieux renseignements sur les processus de l’addiction aux drogues. Ainsi un bon modèle d’addiction chez l’animal est celui qui reproduit les comportements et les altérations neurobiologiques de l’addiction chez l’homme quel que soit le mode d’exposition à la drogue (Robinson et Berridge, 2008).

Une des faiblesses de la sensibilisation vient du fait que c’est une mesure indirecte de la sensibilisation neurale. Comme expliqué plus haut, elle peut être masquée par les stéréotypies et les effets sédatifs des drogues (Didone et al., 2014 ; Robinson et Berridge, 2008). Particulièrement pour les stéréotypies, ces mouvements anormaux sont l’expression d’une forte sensibilisation neuronale avec participation de la voie dopaminergique nigro-striée (Robinson et Berridge, 2008). La seule utilisation de la sensibilisation locomotrice comme reflet de la sensibilisation neuronale peut dans certaines circonstances conduire à des conclusions erronées (Robinson et Berridge, 2008). Ceci arrive particulièrement dans l’interprétation des résultats négatifs (Robinson et Berridge, 2008). Flagel et Robinson (2007) ont montré qu’à une certaine dose de cocaïne, les groupes n’exprimaient plus de différences dans leur sensibilisation locomotrice alors que la vitesse de locomotion et les stéréotypies étaient plus élevées dans le groupe ayant reçu la plus grande dose. Eagle et Perrine (2013) ont fait le même constat avec la méthamphétamine. Ils ont démontré qu’un groupe de rats n’avait pas exprimé

53

une sensibilisation locomotrice à cause des stéréotypies. À l’inverse des résultats négatifs, les résultats positifs peuvent être interprétés tels quels (Robinson et Berridge, 2008).

2.5. Conclusion

L’addiction aux drogues est une condition chronique qui implique une perte de contrôle associée à de multiples échecs aux tentatives d’arrêt malgré les nombreuses conséquences négatives. Elle implique de nombreux systèmes et structures qui interagissent entre eux. Les théories classiques de renforcements positif et négatif des substances d’abus ont constitué les premières explications de l’addiction aux drogues. Selon elles, les sujets vulnérables sont prisonniers des drogues, piégés au départ par le plaisir qui les attire et maintenus dans l’addiction par le déplaisir lié au sevrage. Ces explications simplistes et lacunaires ont suscité l’élaboration de théories beaucoup plus complexes dont celle de la sensibilisation motivationnelle. Cette théorie place la sensibilisation motivationnelle au cœur de l’addiction qui est considéré essentiellement comme un trouble du « wanting ». Au fil de l’exposition à une substance d’abus celle-ci est de plus en plus désirée au détriment de toute autre chose. Toutes ces théories ont conduit à l’élaboration des modèles animaux parmi lesquels les théories de l’auto-administration, du conditionnement de préférence de place et de la sensibilisation locomotrice aux effets stimulants des drogues. Malgré leurs nombreuses limites, ces modèles ont permis des avancées importantes dans la compréhension de l’addiction aux drogues. Dans la présente recherche la sensibilisation locomotrice est le modèle d’addiction qui servira à étudier les relations entre l’addiction et le TSPT.

54

55

Chapitre 3

Théories et modèles animaux du trouble de stress posttraumatique

Le TSPT est une affection connue de longue date. En dépit d’importantes avancées dans la compréhension de cette affection, des zones d’ombres persistent (Reznikov et al., 2015). Ces dernières rendent compte de la nécessité des modèles animaux pour améliorer la compréhension de cette débilitante condition (Reznikov et al., 2015). Ce chapitre fait une brève revue des études animales consacrées au TSPT.