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3.2 Intégration des modèles théoriques : l’exemple du MICC

3.2.2 La théorie de l’autodétermination

3.2.2.1 Présentation de la théorie

La théorie de l’autodétermination (TAD) (Deci et Ryan, 1985; Ryan et Deci, 2017) distingue deux types de motivation : la motivation intrinsèque et la motivation extrin- sèque.

Quand la motivation pour réaliser un comportement est de nature intrinsèque, l’in- dividu réalise un comportement car celui-ci lui procure du plaisir ou de la satisfaction. L’activité en elle-même est une source de gratification (Paquet et Vallerand, 2016). L’in- dividu a la sensation que ses actions représentent son vrai soi. Les personnes motivées de façon autonome ont plus de chance de persister dans le comportement même sans renfor- cement extérieur (Hagger et Chatzisarantis, 2014). En revanche, quand la motivation pour réaliser un comportement est de nature extrinsèque, l’individu réalise "une activité en fonction de la conséquence qui lui est extérieure. Parmi les exemples les plus évidents de motivation extrinsèque figure le cas où l’individu agit avant tout pour obtenir une récom- pense ou pour éviter une punition" (Paquet et Vallerand, 2016). Les personnes motivées extrinsèquement persisteront dans le comportement tant que la conséquence extérieure sera présente mais arrêteront dès qu’elle aura disparu (Hagger et Chatzisarantis, 2014).

Les sources de motivation (appelées aussi régulation) se déclinent en cinq niveaux qui forment une sorte de continuum allant d’une motivation externe à l’individu vers une motivation qui s’intègre aux valeurs profondes de l’individu. Ces cinq niveaux sont répar- tis en deux catégories de motivation, la motivation autonome et la motivation contrôlée (Paquet et Vallerand, 2016).

La régulation (ou motivation) contrôlée regroupe :

La régulation externe qui est la forme de motivation la moins autodéterminée. L’individu réalise le comportement pour éviter des punitions ou en vue d’une récom- pense. Il cède à une forme de pression sociale sans adhérer au comportement (Ex : J’adopte ce comportement pour éviter les reproches des personnes qui comptent pour moi).

La régulation introjectée qui est de même nature que la régulation externe sauf qu’elle renvoie à une perception que l’individu a de lui-même. Les pressions seront

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dans ce cas internes, et la réalisation du comportement aura un impact sur des sen- timents tels que l’ego, l’estime de soi, la culpabilité (Ex : J’adopte ce comportement parce que je m’en voudrais si je ne le faisais pas).

La régulation (ou motivation) autonome regroupe :

La régulation identifiée qui est une forme de motivation où le comportement n’est plus déclenché par une pression extérieure mais découle du soi intérieur. La volonté de réaliser le comportement est perçue par l’individu comme venant de lui et non pas comme émanant d’une pression externe (Ex : J’adopte ce comportement parce que ça m’aiderait à être en meilleure forme).

La régulation intégrée qui est similaire à la régulation identifiée sauf que le comportement entre en accord avec les croyances et les valeurs de l’individu (Ex : J’adopte ce comportement parce que j’y ai beaucoup réfléchi et je pense que c’est cohérent avec plusieurs aspects de ma vie).

La régulation intrinsèque qui est la forme de régulation la plus autodéterminée. Le comportement est par lui-même une source de motivation pour l’individu qui va en retirer une satisfaction et du plaisir sans avoir besoin de renforcements extérieurs (Ex : J’adopte ce comportement parce que ça me procure du bien-être).

La TAD prend également en compte l’absence totale de motivation d’un individu pour réaliser un comportement. On parle alors d’amotivation (Ex : Je ne vois pas l’intérêt de jeûner). L’amotivation peut s’expliquer de différentes manières :

• Le comportement n’a aucun intérêt ou aucune valeur pour l’individu qui s’en dés- intéresse totalement.

• L’individu se perçoit comme incapable de réaliser le comportement à cause d’un manque d’estime de soi, de sentiment de compétence perçu ou de contrôle perçu. • L’individu a appris à se résigner face à certains comportements qu’il juge comme

C onstruit thé orique 3.2. Inté gr ation des mo dèl es thé oriques : l’exempl e du MI C C Non-Régulation Amotivation Régulation Externe Régulation

Introjectée RégulationIdentifiée

Régulation

Intégrée IntrinsèqueRégulation

Régulation Autonome Régulation Contrôlée

Motivation Intrinsèque Motivation Extrinsèque

Figure 14 – La théorie de l’autodétermination de Deci et Ryan (2000)

Construit théorique 3.2. Intégration des modèles théoriques : l’exemple du MICC

La TAD intègre également l’idée que les êtres humains ont des besoins psychologiques fondamentaux. La satisfaction de ces besoins est indispensable à leur bien-être et im- pacte donc la nature de la motivation à réaliser un comportement. Ainsi, trois besoins psychologiques fondamentaux sont mis en avant :

• L’autonomie est ici définie comme "le fait, pour un individu, d’agir en exerçant sa volonté et son libre choix" (Paquet et Vallerand, 2016). Le sentiment d’autonomie donne donc à l’individu la sensation d’être à l’origine ou à la source de ses actions. • La proximité ou sentiment d’affiliation (ou encore sentiment d’appartenance) se définit comme le sentiment qu’a un individu d’être connecté avec des personnes qui comptent pour lui (Vallerand, 1997).

• Le sentiment de compétence renvoie à la perception qu’un individu a de son efficacité à agir sur son environnement (Vallerand, 1997).

3.2.2.2 La théorie de l’autodétermination et les comportements de santé

La TAD a été largement utilisée dans le domaine de l’éducation, du travail et surtout de l’activité physique (Paquet et Vallerand, 2016; Gillison et al., 2018). Concernant la TAD dans un contexte de santé, une méta-analyse a été publiée en 2012 par Ng et al.. Les auteurs ont évalué, sur 184 études, la relation entre les variables de la TAD et le soutien à l’autonomie des patients par les praticiens de santé, le sentiment de satisfaction des besoins fondamentaux par les patients ainsi que la relation avec la santé mentale et physique. Les résultats mettent en évidence que le soutien à l’autonomie dans un contexte de santé prédit positivement des plus hauts niveaux d’autonomie, de sentiment d’affilia- tion et de compétence en lien avec des comportements de santé. De plus, ces 3 besoins fondamentaux prédisent des niveaux modérés à forts de bien-être comme la santé mentale et des meilleurs comportements de santé en lien avec la santé physique et l’augmentation de la durée de vie (ex : faire de l’activité physique, abstinence tabagique...). Par ailleurs, la méta-analyse de Ng et al. met en avant un rôle ambigu de la régulation introjectée. D’un côté, ce type de régulation contrôlée est associé à une meilleure santé mentale et physique (notamment activité physique et alimentation saine) mais de l’autre, elle est éga- lement associée à une augmentation de certains troubles psychologiques comme l’anxiété et la dépression. Si les auteurs ne remettent pas en cause l’intérêt positif de la régula- tion introjectée sur les comportements de santé à court terme, ils pensent également que cet effet est occasionnel et peut s’accompagner d’états d’anxiété et d’insatisfaction qui nuiront à long terme au comportement de santé. Les auteurs concluent que la régulation autonome est la plus importante des formes de régulation et sa promotion doit donc être priorisée sur les autres. Ces résultats vont dans le même sens qu’une étude récente portant sur l’association entre la motivation et la consommation de fruits et légumes chez 2959 adultes américains (McSpadden et al., 2016). Dans cette étude, la régulation autonome et

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le soutien social perçu apparaissent également comme positivement associés au comporte- ment (la consommation de fruits et légumes) tandis que la régulation contrôlée apparaît comme négativement associée au comportement. Par ailleurs, la relation négative entre régulation contrôlée et comportement est atténuée par un haut niveau de soutien social perçu confirmant ainsi le rôle important de cette variable.

Il existe néanmoins un cas particulier ou la régulation contrôlée influence positive- ment et significativement le comportement. Ce cas concerne les comportements alimen- taires sains dans le cadre de traitements médicaux (Ng et al., 2012). Dans ce domaine, les individus sont guidés par des cliniciens, médecins ou autres professionnels qui réus- sissent à améliorer la régulation autonome et à créer des changements positifs. Ce cas de figure particulier est intéressant dans le cadre du jeûne où la plupart des patientes interviewées rapportent avoir suivi les recommandations de professionnels de santé (géné- ralistes, infirmières...) ou de professionnels de médecines complémentaires (naturopathes, homéopathes...).

3.2.3 Rationnel pour le modèle intégré du changement de com-