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3.2 Intégration des modèles théoriques : l’exemple du MICC

3.2.3 Rationnel pour le modèle intégré du changement de comportement

La TAD est une théorie de la motivation alors que la TCP est une théorie comporte- mentale. Leurs objectifs sont donc différents mais complémentaires. La TAD n’explique pas clairement comment la motivation est convertie en intention puis en comportement contrairement à la TCP qui a démontré une bonne capacité explicative de la variance de l’intention et du comportement. En revanche la TCP, elle, ne permet pas de mettre en évidence les origines et les antécédents du comportement (Hagger et Chatzisarantis, 2009). Cette complémentarité est pointée par Hagger et Chatzisarantis (2009) qui rap- pellent que la possibilité de combiner ces deux théories est mise en avant par Deci et Ryan (1985), les auteurs de la TAD, ainsi que Vallerand (1997) : "Les théories motiva- tionnelles peuvent offrir des explications sur les origines des croyances socicocognitives et des attentes mises en avant dans des modèles comme la TCP. "Les individus avec une motivation autodéterminée envers un comportement de santé vont tendre à former des attitudes et des perceptions de contrôle, deux clefs déterminantes de l’intention dans la TCP, en accord avec leurs motivations" (traduction libre) (Hagger et Chatzisarantis, 2009). En d’autres termes, les individus ayant une régulation autonome forte seront plus enclins à aller chercher des informations sur le comportement et auront donc des attitudes plus positives et une perception de contrôle plus importante. Par ailleurs, la TCP ne per- met pas de comprendre la nature de la motivation contrairement à la TAD qui distingue clairement si le comportement est pratiqué par plaisir ou à cause de contraintes externes (Hagger et Chatzisarantis, 2009). Or, cette information semble importante sachant que

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les personnes motivées intrinsèquement ont plus de chance de persister dans le comporte- ment même sans renforcement extérieur (Hagger et Chatzisarantis, 2014). S’il existe une certaine congruence dans les construits des mesures de la TCP et de la TAD, les mesures diffèrent tout de même dans leurs orientations. Les mesures de la TAD sont liées aux rai- sons contextuelles qui favorisent l’engagement dans le comportement (ex : J’adopte ou je pourrais adopter ce comportement parce que j’ai envie de me sentir responsable vis-à-vis de ma santé). En opposition, les mesures de la TCP sont en lien avec les attentes futures vis-à-vis de l’engagement dans le comportement (Selon moi, adopter ce comportement serait inutile/utile) (Girelli et al., 2016).

3.2.4 Composants théoriques du modèle intégré du changement

de comportement

L’objectif du modèle intégré du changement de comportement (MICC) est d’améliorer les capacités prédictives d’une théorie comportementale en lui adjoignant une théorie motivationnelle. D’un point de vue théorique, l’ensemble de la TAD pourrait être utilisé en amont de la TCP. Cependant, l’intérêt d’un modèle théorique réside également dans sa parcimonie. En effet, un tel modèle serait difficilement utilisable en pratique car il nécessiterait un nombre de sujets conséquent pour être analysé. De plus, la longueur du questionnaire obligerait un temps de passation très long qui favoriserait une forte attrition. C’est pourquoi la plupart des études se limitent à mesurer les deux principales formes de motivation (contrôlée et autonome). Pour augmenter la puissance statistique, les différentes formes de régulation peuvent être regroupées en une seule variable nommée

index d’autonomie relative (RAI). Le RAI est un score d’autonomie pondéré par les

formes contraintes de régulation. Proposé par Vallerand et al., il s’obtient de la façon suivante (Vallerand et al., 2008; Wilson et al., 2012) :

RAI=

(3 × Reg.Intrinsèque + 2 × Reg.Intégrée + 1 × Reg.Identifiée) − (3 × Amotivation − 2 × Reg.Externe − 1 × Reg.Introjectée)

En plus des régulations qui sont au cœur de la TAD, Hagger et Chatzisarantis (2009) ont ajouté le soutien à l’autonomie comme un prédicteur indépendant de la motivation autonome. Cette variable a été intégrée par plusieurs études utilisant TCP et TAD car elle permet d’évaluer si l’environnement est perçu comme favorisant la motivation autonome ou non (Chatzisarantis et al., 2007; Shen et al., 2007; Chung et al., 2018). Cela est d’au- tant plus pertinent dans le cadre du jeûne car le soutien à l’autonomie apparaît comme incontournable dans un contexte de santé comme nous l’avons vu avec la méta-analyse de Ng et al. (2012) ou dans l’étude de McSpadden et al. (2016). L’étude plus récente de

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Chung et al. (2018) portant sur la prévention de la grippe saisonnière chez 141 personnes met également en évidence l’intérêt de l’autonomie perçue. Si son effet sur la régulation autonome est potentiellement faible (β =0,22 ; IC [0,05 à 0,384], il reste néanmoins si- gnificatif. De plus, l’étude met en évidence également une relation significative indirecte entre la régulation autonome et l’intention (β = 0,18 ; IC [0,099 à 0,251]). L’effet de la régulation autonome sur l’intention est donc médiatisé par les trois composants de la TCP (attitudes, normes sociales et contrôle perçu).

En plus de la TCP et d’une partie des composants de la TAD, viennent s’ajouter le coping planning et la planification de l’action. Ces deux déterminants sont em- pruntés à la théorie de l’approche du processus d’action en santé Schwarzer (2008) ainsi qu’au modèle de l’action par phases de Heckhausen et Gollwitzer (1987). Ces théories stipulent que dans la phase volitionnelle qui suit l’intention, les personnes qui formulent un plan d’action et anticipent les potentielles barrières pour réaliser le comportement ont plus de chance de le réaliser (Hagger et al., 2017). L’intégration de ces deux compo- sants comme médiateurs de la relation entre intention et comportement dans le MICC est proposée par Hagger et al. notamment dans une étude de 2017 sur la consommation de sucre chez 90 étudiants. Dans cette étude, la planification de l’action et le coping plan- ning sont bien positivement et significativement prédits par l’intention. Cependant, ils ne prédisent pas le comportement et n’apparaissent donc pas comme des médiateurs (ni même modérateurs) de la relation intention-comportement. Selon les auteurs, cela peut s’expliquer par le fait que la phase volitionnelle s’inscrit dans un processus de décision dynamique en opposition avec leur modèle, ne prenant en compte que les données à un instant T. Une explication allant dans ce sens peut être apportée sur la base de l’étude de Sniehotta et al. (2005). Cette étude longitudinale basée sur 352 patients en réhabilitation cardiaque met en évidence un intérêt différent dans le temps de ces deux concepts. La planification facilite la mise en place du comportement car elle donne des outils concrets que l’individu peut relier à des stimuli dans son environnement. Cependant, après un certain temps, le comportement devient une routine et le coping planning intervient donc pour "protéger" cette routine des distractions (Sniehotta et al., 2005). Cette différence d’apport dans le temps pourrait partiellement expliquer les différences de résultats dans les études sur le sujet. Dans l’étude de Pakpour et al. (2011) seul le niveau de coping planning a un effet significatif en améliorant la capacité prédictive de la TCP de 4,1%. Dans l’étude de Araújo-Soares et al. (2009), aucune des variables n’a d’effets significatifs sur le comportement passé, l’âge ou l’intention ; cependant, leur intégration dans la TCP permet également d’augmenter la variance du modèle de 2%. Ces composants semblent donc intéressants à évaluer notamment dans un modèle d’analyse longitudinale bien que leur apport puisse être limité. Cependant, pour des raisons de parcimonie du modèle, nous ne garderons que la planification de l’action. En effet, si le coping planning s’inscrit dans

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un temps long pour "protéger" une routine comme le suggère Sniehotta et al. (2005), cette variable aura peu d’intérêt dans un comportement s’inscrivant dans un temps court (le temps des traitements).