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Théorie des situations didactiques (TSD)

1.2 Cadre théorique

1.2.3 Théorie des situations didactiques (TSD)

La théorie des situations didactiques (Brousseau, 1986a; Brousseau & Balacheff, 1998; Schubauer- Leoni, 1998) se développe autour des notions de situation didactique, situation a-didactique et situation non-didactique. Une situation didactique se présente lorsqu’une intention d’enseignement d’un savoir est manifeste. Lorsque cette intention n’est pas perçue par l’élève, la situation est dite a- didactique (Brousseau, 1986a, 1988, 1989). Pour Brousseau (2003), une situation non-didactique se constate lorsque l’évolution de l’élève n’est pas soumise à une intervention didactique directe. Il n’y a aucune intention d'enseignement d’un savoir scolaire à l’élève. Selon l’auteur, la situation didactique implique un enseignant, un élève et un milieu. Ce milieu constitue tout ce qui agit sur l'élève ou ce sur quoi l'élève agit dans une situation d’action. La situation didactique laisse émerger des interactions entre l’élève, l’enseignant et un savoir apparent dans le milieu matériel, symbolique et social (van Zanten, 2008). Un contrat tacite lie les acteurs, c’est le contrat didactique.

Le contrat didactique fait partie intégrante des situations didactiques. Développé par Brousseau (1988), ce concept correspond à « l’ensemble des obligations réciproques et des «sanctions» que chaque partenaire de la situation didactique impose ou croit imposer, explicitement ou implicitement, aux autres et celles qu’on lui impose ou qu’il croit qu’on lui impose, à propos de la connaissance en cause » (Brousseau, 2003; pp. 5-6). Différents effets de contrat constatés par les chercheurs dans les pratiques de classe pourraient modifier l’apprentissage des élèves (Brousseau, 1989, 2003; DeBlois, 2011; Novotná & Hošpesoná, 2009). En effet, des effets de contrat se révèlent lorsque l’enseignant apporte des indices ou interprète les verbalisations des élèves de manière à faire réussir ses élèves à tout prix, ce qui risque souvent de réduire le travail cognitif de ces derniers. Certains effets de contrat didactique ont été définis par Brousseau (2003). Par exemple, l’effet Jourdain survient quand un comportement banal de l’élève est perçu par l’enseignant comme l’expression d’un savoir savant. L’effet Topaze se révèle lorsque l’enseignant apporte tellement d’indices à l’élève qu’il réduit l’effort intellectuel. Il y a deux formes d’effet Topaze : la forme explicite et la forme implicite (Novotná & Hošpesoná, 2009). Dans la forme explicite, l’effet Topaze se manifeste soit par une description des pas que les élèves doivent exécuter, soit par une question concernant la procédure

de résolution, soit par un avertissement d’une erreur possible, soit par un avertissement d’une analogie avec un problème-type ou un problème résolu auparavant, soit par un rappel à une expérience ou à une connaissance précédente. Dans la forme implicite, il se manifeste soit par une reformulation, soit par une utilisation des mots-signaux, soit par un soufflement des commencements des mots, soit par des questions qui conduisent à la simplification de la procédure de résolution. L’effet de l’attente incomprise émanerait, par exemple, des réponses aux questions données par l’élève qui ne sont pas celles attendues de l’enseignant. Quant au paradoxe du comédien, il survient dans les interventions d’un enseignant en classe lorsque ce dernier produit ses questions et ses réponses en privant l’élève de la possibilité d’agir (Brousseau, 2003).

Pour Brousseau (1988, 2003), un objectif de l’enseignement est de permettre à l’élève de faire fonctionner le savoir appris en l’absence de l’enseignant. Pour le préparer à cette visée de l’apprentissage, il propose que la pratique enseignante mette l’élève en situation de recherche approfondie des solutions aux problèmes en proposant des situations qui suscitent une activité non convenue, c’est-à-dire une activité qui ne s’intègre pas dans une démarche présupposée par l’enseignant, mais qui amène l’élève à agir en fonction de ses connaissances. L’élève qui se sent responsable du résultat obtenu et proposé entre alors dans un processus de dévolution (Brousseau, 1988, 2003). Pour Brousseau (1988), l’enseignant peut donc proposer des situations « d’enseignement » qui n’offrent pas une délégation de sa responsabilité à l’élève, car toutes les informations sont données par lui, ou des situations « d’apprentissage » où il se défait de sa responsabilité et laisse à l’élève le soin de développer ses connaissances. Afin de gérer les équilibres fondamentaux23, la conduite de situations didactiques, comme les situations a-didactiques

conduisant à la dévolution, semble exiger des choix didactiques (Brousseau, 1988).

Les situations « d’enseignement » et « d’apprentissage » sont vécues dans les interactions de la classe. Brousseau (1986a) distingue quatre phases différentes dans le processus d’apprentissage au cours desquelles le savoir n’a pas la même fonction et l’élève le même rapport avec le savoir. Ce sont les phases d’action, de formulation, de validation et d’institutionnalisation. Nous répertorions dans le tableau 2 ci-dessous les caractéristiques de chaque phase.

23 Les équilibres fondamentaux sont : « équilibre entre incertitude et certitude, désordre et ordre, difficulté et facilité »;

« équilibre entre les niveaux de contrôles »; « équilibre temporel et rythme; équilibre entre le plaisir de se définir par son activité intellectuelle et celui d’obtenir une sécurité reconnue de façon rapide et efficace »; « équilibre entre le désir consommé et le désir produit »; « équilibres sociaux et culturels dans la classe entre le nombre de producteurs et de consommateurs d’idées, de réussites et d’échecs… » (Brousseau, 1988; p. 330).

Tableau 2 : Rôle de l’enseignant et des élèves au cours d’un processus d’enseignement et d’apprentissage d’un concept en mathématique.

Phases Rôle de l’enseignant Rôle des élèves

d’action

L’enseignant pose un problème à l’élève dont la meilleure solution est le savoir.

Les élèves manifestent certaines connaissances sous la forme de procédures issues de prises de décisions, jugent le résultat de leur action, ajustent cette dernière, sans l’intervention de l’enseignant, grâce à la rétroaction de la situation elle- même. Ils abandonnent ou améliorent leur modèle pour en créer un autre.

de formulation

L’enseignant organise et gère une situation de communication des stratégies, des productions.

Les élèves énoncent dans leur langage des conjectures quant aux propriétés reconnues et aux raisons des procédures mises en œuvre. Ils communiquent leurs stratégies, leurs productions.

de validation

L’enseignant organise et gère une situation de débat scientifique dans laquelle les élèves sont engagés.

Les déclarations font place à l’argumentation et l’on commence un processus de preuve. Ils participent à l’élaboration d’une production commune.

d’institutionnalisation

L’enseignant met en relation les productions avec le savoir social qu’il institue.

Les élèves définissent le savoir comme objet d’étude.

Le rôle de l’enseignant et celui de l’élève sont les traits déterminants dans chacune des phases. Dans la phase d’action, l’élève agit sur la tâche. Il peut y avoir des allers-retours entre les actions et la situation, dont l’action consiste à expérimenter des procédures. Dans la situation de formulation, l’élève partage avec d’autres élèves sa proposition de solution, par exemple, dans un sous-groupe. À la validation, dans le cas d’une classe, il s’agit d’une exigence à prouver le résultat. Dans la phase de formulation et de validation, l’enseignant est le garant de la gestion des échanges dans les sous- groupes, puis dans le groupe-classe. Son rôle de médiateur pourrait prendre tout son sens lors de ces deux phases. Dans l’institutionnalisation, le rôle de l’enseignant est d’amener les élèves à décontextualiser la connaissance, afin de formaliser le savoir construit comme un savoir scolaire. À ce sujet, Roditi (2003) distingue trois modes d’intégration lors de la situation d’institutionnalisation. Il peut y avoir soit le mode bilan, soit le mode apport, soit le mode déclaration. Par le mode bilan, les

savoirs qui sont construits en classe par les élèves à partir de questions posées sont institutionnalisés par l’enseignant. Dans le mode apport, l’enseignant énonce des savoirs qui répondent à un problème posé en classe, mais qui n’a pas été résolu par les élèves. Dans le mode déclaration, l’enseignant présente des savoirs mathématiques sans qu’ils n’aient jamais fait l’objet d’un questionnement préalable en classe. Un incident didactique pourrait être, par exemple, à l’origine d’un mode apport lors de la pratique de classe d’un enseignant.