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Approche par les compétences

1.1.3 Historique des approches pédagogiques au Burkina Faso

1.1.3.5 Approche par les compétences

Le vent des réformes scolaires et éducatives entreprises à travers le monde à partir des années 1990 (M. Tardif & Mujawamariya, 2002) a soufflé sur le Burkina. Le gouvernement Burkinabé, « par Décret 2001-179/PRES/PM/MEBA du 02 mai 2001 portant adoption de la Lettre de Politique éducative, a opté pour une révision des programmes d’enseignement selon l’Approche par les Compétences (APC) » (MASSN, MEBA, & MESSRS, 2008; p. 9). En 2006, la réforme du système éducatif du Burkina Faso prend en compte ce décret et propose par exemple dans la réécriture des programmes de mathématiques à l’ordre primaire qu’un accent soit mis sur « le raisonnement et l’acquisition de compétences fondamentales de logique » (MESSRS, 2006, p.12). L’idée de faire acquérir des compétences aux élèves à travers les programmes des disciplines scolaires connaît donc un début de matérialisation. En 2008, un document conjoint de référence, issu de trois ministères (Ministère de l’Action sociale et de la Solidarité nationale (MASSN), Ministère de l’Enseignement de Base et de l’Alphabétisation (MEBA), Ministère des Enseignements secondaire, supérieur et de la Recherche scientifique (MESSRS)), contient une description de la version prise par le Burkina, car il y a plusieurs versions de l’approche par les compétences. Dans le tableau ci-après, nous donnons trois versions de l’approche par les compétences (APC) qui se distinguent selon les

entrées : l’entrée par les compétences transversales, l’entrée par les compétences de base et l’entrée par les « habiletés ». Nous avons construit ce tableau sur la base du document conjoint de référence sur l’approche par les compétences de base (MASSN, MEBA, & MESSRS, 2008) et des travaux de Roegiers (2010).

Tableau 1 : Éléments distinctifs des trois versions de l’approche par les compétences (Source : MASSN, MEBA, & MESSRS, 2008, Roegiers, 2010)

Versions de l’approche par les

compétences Accent mis sur Caractérisée par

Entrée par les compétences transversales le développement de compétences transdisciplinaires (recherche de l’information, résolution de problème, argumentation…) (MASSN et al., 2008)

un groupe d’apprenants restreints; des opportunités de transfert immédiates; un formateur spécialement formé à cet effet (Roegiers, 2010).

Entrée par les compétences de base

l’objectif terminal

d’intégration (OTI) qui est décliné en compétences de base (CB) (MASSN et al., 2008)

une forte composante orientée vers l’évaluation; pas de préférence exclusive pour une méthode pédagogique (pratiques de type socioconstructiviste, pratiques plus structurées, ou articulation de plusieurs pratiques) selon leur pertinence et leur efficacité méthodologique (Roegiers, 2010).

Entrée par les « habiletés »

un ensemble de

comportements à installer, de petites tâches à accomplir dans une visée pragmatique (MASSN et al., 2008)

des objectifs de savoir-être (avoir, entre autres, des habitudes en matière d’hygiène, d’alimentation, d’économie d’énergie) (Roegiers, 2010)

Ce tableau laisse voir des traits distinctifs entre ces trois versions de l’approche par les compétences. L’approche par les compétences transversales semble décrire de façon explicite les approches d’enseignement/apprentissage, comme la résolution de problème. Elle recommande la formation des formateurs. Tandis que l’approche par les compétences de base n’apporte pas d’explicitation dans les approches d’enseignement/apprentissage et semble mettre de l’avant l’évaluation des apprentissages. L’approche par les compétences transversales qui semble être

adaptée aux petits groupes d’apprenants ne pourrait être une réalité dans les classes à larges effectifs qu’après des réaménagements dans le groupe classe, comme la division du grand groupe en groupes restreints. Mais, cette situation peut générer d’autres problèmes, par exemple un problème d’espace ou de temps. L’approche par les compétences transversales et l’approche par les compétences de base semblent antagoniques. Quant à l’entrée par les habiletés, elle semble être restrictive dans ses visées de formation. Elle se limite au développement de compétences de vie. Avant de présenter l’entrée par laquelle le Burkina opte pour l’approche par les compétences, nous donnons d’abord deux interprétations du concept de compétence décrit par Rey (1998) qui semblent nécessaires pour une compréhension des compétences de base et des compétences transversales. Afin d’expliciter les objectifs pédagogiques, « la compétence peut être définie par les comportements auxquels elle donne lieu » (p. 46) : c’est ce qu’il appelle la « compétence-comportement ». « Mais si l’on veut redonner aux comportements leur sens de conduites humaines, il faut comprendre la compétence en la référant à sa finalité technico-sociale et on est conduit à la définir par sa fonction. C’est la «compétence-fonction» » (Rey, 1998) (p. 46). Nous pourrons avec ces deux interprétations situer celle qui semble le plus caractériser l’option prise par le Burkina.

Le groupe des experts nationaux du Burkina qui a élaboré en 2008 le document conjoint de référence pour les trois ministères (MASSN, MEBA, MESSRS) propose l’approche par les compétences de base. « La compétence de base est une compétence en lien avec le contexte, qui participe au développement de l’objectif terminal d’intégration (OTI). L’objectif terminal d’intégration est l’objectif disciplinaire à atteindre par tout élève, au terme d’une année, d’un niveau ou d’un cycle, selon le contexte. La compétence de base est une compétence essentielle au succès de tous les élèves d’une classe, dans une matière donnée » (MASSN, MEBA, & MESSRS, 2008, p. 13). Selon le groupe des experts nationaux, une famille de situations permet à l’élève d’acquérir une compétence de base, et l’atteinte d’un objectif terminal d’intégration passe par le développement de plusieurs compétences de base. Cette vision de la compétence semble celle de la « compétence- comportement » décrite par Rey (1998). Quelles sont les motivations de ce choix?

Trois raisons semblent motiver le choix d’entrée par les compétences de base. Premièrement, pour le groupe des experts :

le choix de l’entrée par les compétences de base pour le Burkina s’explique aussi par le peu de distance entre la PPO16, majoritairement utilisée comme méthode de conception

des cours par les enseignants et l’entrée par les compétences de base. Même si l’une a une vision globale qui exige que dans la démarche on parte du global vers le spécifique alors que l’autre chemine dans le sens inverse, ces approches partent toujours d’une finalité (OTI17) qui se décompose en compétences de base d’une part et en objectifs

spécifiques de l’autre (MASSN, MEBA, & MESSRS, 2008, p. 14).

Deuxièmement, l’entrée par les compétences de base permet une organisation des apprentissages par paliers. Cette organisation pour le Burkina vise à « … assurer l’efficacité de son système éducatif en avançant prudemment dans ses objectifs, c’est-à-dire en renforçant d’une part le développement de compétences générales poursuivies jusqu’alors, mais de façon timide par les réformes précédentes, et en focalisant d’autre part l’action sur le développement de compétences ciblées en lien avec l’évolution socioéconomique et culturelle du pays » (MASSN, MEBA, & MESSRS, 2008, pp. 15-16). Cette organisation consiste en la diversification des activités à l’intérieur d’un palier et tout au long de l’année. Les activités sont composées de prétests, d’activités d'apprentissage ponctuel par résolution de problèmes, d’activités d’intégration ou de réinvestissement, d’activités d’évaluation formative, d’activités de remédiation et d’activités d’évaluation sommative et/ou certificative.

Troisièmement, l’entrée par les compétences de base « répond à la spécificité de notre réforme qui s’articule autour des principes majeurs suivants » (MASSN, MEBA, & MESSRS, 2008, p. 17) : « donner sens à l’apprentissage, en l’ajustant aux besoins de la société, en travaillant à combattre le bachotage, la mémorisation, le conformisme, l’imitation, la ruse des élèves qui alimentent l’échec scolaire » (p. 17); « rendre les apprentissages plus efficaces en atteignant mieux les objectifs terminaux d’intégration et en instruisant plus massivement les populations scolarisables »; « intégrer les acquis de l’apprentissage pour faciliter leur réinvestissement dans les pratiques sociales complexes et leur mobilisation dans des projets pluridisciplinaires »; « enraciner l’apprentissage dans son contexte socioéconomique et culturel » (p. 18).

Mais comment se concrétise l’entrée par les compétences de base dans les pratiques enseignantes? Premièrement, les apprentissages se font à travers les leçons quotidiennes données par les enseignants selon les « méthodes actives ». C’est ainsi que les travaux des élèves se font à partir de situations didactiques destinées à un apprentissage contextualisé. Deuxièmement, dans

16 PPO : Pédagogie par les objectifs 17 OTI : Objectif terminal d’intégration.

l’organisation des apprentissages, une partie du temps est consacrée aux activités d’intégration, c’est-à-dire aux activités au cours desquelles, l’élève apprend à mobiliser ses ressources dans des tâches complexes dans lesquelles il réinvestira ses acquis (MASSN, MEBA, & MESSRS, 2008). En somme :

Si le contenu des capacités générales ne change pas, la manière d’enseigner et d’apprendre change avec l’APC [approche par les compétences], car enseigner doit devenir pour l’enseignant une recherche sur l’activité professionnelle. Avec la multiplicité des canaux de transmission du savoir, l’enseignant devient le canal le plus limité parmi tant d’autres. C’est pourquoi il importe qu’il donne un autre sens à sa fonction (MASSN, MEBA, & MESSRS, 2008, p. 16).

Comme nous l’avons relevé dans le tableau 1, il n’y a pas une méthode pédagogique de référence dans la pratique de l’approche par les compétences de base. Les enseignants peuvent soit pratiquer une approche de type socioconstructiviste, soit articuler plusieurs types de pratiques selon leur pertinence et leur efficacité méthodologique. Toutefois, dans les propositions de démarche pédagogique faites ci-dessus, l’expression « méthodes actives », bien connue dans les pratiques d’enseignement du primaire et du post-primaire au Burkina semble faire référence à la pédagogie par les objectifs. Ainsi, les stagiaires pourraient faire un rapprochement entre l’expression « objectif général », issue de la pédagogie par objectif, et « objectif terminal d’intégration », émergeant de l’approche par les compétences de base.

En conclusion, l’approche par les compétences de base cherche à développer chez l’élève des savoirs et compétences. Toutefois, la proximité des concepts utilisés dans cette approche avec la pédagogie par les objectifs pourrait mener à des confusions créant ainsi une résistance au changement de pratiques d’enseignement. En effet, « le peu de distance entre la PPO [pédagogie par les objectifs], majoritairement utilisée comme méthode de conception des cours par les enseignants et l’entrée par les compétences de base » (MASSN, MEBA, & MESSRS, 2008, p. 14) pourrait être une source « d’une certaine ambiguïté qui conduit parfois » (Legendre, 2001)(p. 28) à assimiler l’approche par les compétences de base à celle d’objectifs. D’autres causes peuvent expliquer la résistance au changement : les grands effectifs de classes, le maintien du caractère sélectif des examens scolaires, l’absence de manuels scolaires rédigés selon l’approche par les compétences de base, la formation des enseignants et des formateurs d’enseignants. Afin de mieux expliciter le problème à l’étude, nous faisons une revue de travaux de chercheurs en didactique des mathématiques sur les pratiques des stagiaires et des enseignants dans leur enseignement.

1.1.4 Revue de recherches sur les pratiques de stagiaires et d’enseignants