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Clivaz (2011) établit, en étudiant des pratiques d’enseignement de la multiplication par un nombre à deux chiffres, que des enseignants ont des connaissances mathématiques sur l’algorithme de la multiplication. Toutefois selon l’auteur, certaines Connaissances Mathématiques Spécifiques à l’enseignement et relatives à un objet d’enseignement, comme l’algorithme de la multiplication, manquent à des enseignants. L’absence d’une telle connaissance ne permettrait pas aux enseignants d’effectuer des choix en désaccord avec leurs conceptions de l’apprentissage, de l’enseignement ou des mathématiques (Clivaz, 2011). L’étude (Osana & Rayner, 2012) semble aussi traduire une absence de connaissances spécifiques à l’enseignement de la fraction chez de futurs enseignants de mathématiques. Dans leur recherche, elles proposent le problème suivant à des étudiants en formation à l’enseignement des mathématiques : « Aileen est allé à une fête et a ramené 3/4 d'un gâteau à la maison. Le lendemain, elle a remarqué que quelqu'un avait mangé la moitié de ce qu'elle a ramené. Quelle quantité du gâteau entier a été mangée? » (Osana & Rayner, 2012) (P. 299; traduction libre).

Selon Osana, ce problème consiste à multiplier deux fractions inférieures à 1. Sa résolution est sans difficulté pour les étudiants. Une étudiante a utilisé le fractionnement d’un disque représentant le gâteau en huit parts égales pour illustrer la valeur 3/8. Osana montre aux futurs enseignants comment illustrer la même solution à l'aide d'un modèle rectangulaire (cf. figure ci-dessous). Selon elle, ce modèle rend l'algorithme de la multiplication des fractions plus transparent.

Figure 4 : Représentation de la solution de

4 3

2

1 (source : Osana et Rayner (2012))

4 3 2 1 4 3 2 1= 2 4 1 3   = 8 3

Osana et Rayner (2012) montrent qu’une maîtrise de la manipulation des parts égales d’une unité peut permettre au stagiaire de faire comprendre les différents sens et les algorithmes des opérations sur la fraction. Elles décrivent alors des aspects fondamentaux qui semblent des connaissances spécifiques à l’enseignement de la fraction, car ils servent de cadre pour structurer une analyse de la pensée des élèves et sont aussi une base mathématique pour comprendre les algorithmes standards de la fraction. Ces aspects sont : des « parties-entières » peuvent être divisées en parts; des parts doivent avoir la même taille; une part est plus petite que la « partie-tout »; la taille de la part est basée sur la taille de l'unité de référence; des fractions sont exprimées dans les termes de l'unité originale; des parts peuvent être associées pour former des « parties-tout »; des parts (unités fractionnaires) peuvent être associées, peu importe leur quantité; chaque fraction a une variété de représentations.

Selon Pinto et Tall (1996) et Young et Zientek (2011), certains futurs enseignants ont des connaissances mathématiques communes insuffisantes sur la fraction. Pinto et Tall (1996) cherchent à avoir une compréhension de sept futurs enseignants sur le nombre rationnel. Ces futurs enseignants sont à leur troisième année de formation à l’enseignement des mathématiques au primaire et au secondaire. Ces chercheurs ont utilisé une entrevue et ont sollicité des futurs enseignants des définitions d’un nombre rationnel et d’un nombre irrationnel. Trois des sept étudiants ont donné des définitions presque satisfaisantes. Une étudiante ne réussit pas à donner une définition. Parmi ces étudiants, certains ont désigné 0,97853 et 0,343232, comme des nombres irrationnels. La formation mathématique qu’ils ont reçue ne semble pas leur apporter une compréhension de la notion de nombre rationnel.

L’étude de Young et Zientek (2011) révèle que des connaissances sur la fraction semblent aussi manquer à certains futurs enseignants. Ces auteurs ont administré des opérations sur les fractions à 344 étudiants inscrits dans le premier des trois cours de mathématiques pour futurs enseignants du primaire et du collège [secondaire]. Ils constatent dans leur étude que 41 % des futurs enseignants de l’échantillon exécutent sans erreurs les quatre opérations sur les fractions ; donc 59 % d’entre eux manifestent quelques difficultés dans la réalisation de certaines tâches sur les quatre opérations. Ces futurs enseignants montrent plus de difficulté à résoudre les problèmes sur la division des fractions (55 % de réponses justes), suivie de la multiplication des fractions (66 % de réponses justes), de l’addition des fractions dont les dénominateurs sont premiers entre eux (77 % de réponses justes) et l’addition des fractions ayant les mêmes dénominateurs (89 % de réponses justes) (Young & Zientek, 2011).

En plus de l’absence de connaissances spécifiques à l’enseignement de la fraction chez les futurs enseignants (Osana & Rayner, 2012), les études (Pinto & Tall, 1996; Young & Zientek, 2011) montrent que certaines connaissances mathématiques communes sur la fraction semblent manquer à certains futurs enseignants du primaire et du secondaire. La complexité dans l’apprentissage de la fraction expliquerait-elle l’absence de connaissances mathématiques communes sur la fraction chez certains futurs enseignants? Les travaux de Clivaz (2011) semblent indiquer toutefois que les connaissances mathématiques ne sont pas suffisantes pour réaliser des interventions pertinentes. Les travaux de recherche (Proulx & Bednarz, 2008) évoquent plutôt une hypothèse liée au développement d’une culture mathématique qui favoriserait une «décompression» des savoirs mathématiques. Nous nous situons dans la foulée de cette hypothèse. Notre recherche vise donc à comprendre les pratiques d’enseignement des stagiaires du primaire et du post-primaire sur la fraction au Burkina Faso. Les questions que nous posons rentrent dans la recherche de cette compréhension qui semble nécessaire pour cerner le développement d’une formation initiale avec des programmes adaptés aux besoins des finissants des ordres d’enseignement primaire et post- primaire.

Afin de comprendre les pratiques des stagiaires du primaire et du post-primaire sur l’enseignement de la fraction, nous nous proposons d’étudier les planifications et les réalisations de leçons de stagiaires. L’analyse d’une planification de leçon sur la fraction d’un stagiaire peut nous révéler, par exemple, la complexité d’une tâche mathématique, les situations d’enseignement prévues, les

conceptions de l’enseignement, de l’apprentissage et des mathématiques du stagiaire. Lors de la réalisation de la leçon planifiée, nous pouvons étudier les incidents didactiques. Lorsqu’un incident didactique est révélé, les adaptations réalisées au moyen du type de questionnement (individuel ou à la classe), de l’utilisation de contre-exemples, de l’ajout d’informations, des reformulations, de la diminution des exigences ou de la présentation d’une autre tâche peuvent être observées. Ces choix pédagogique et didactique révèlent le contrat didactique. Ces effets, dits de contrat didactique, qui surviennent dans une classe seraient des caractéristiques du développement d’une situation d’enseignement/apprentissage (Brousseau, 1986a, 2003). Les difficultés rencontrées par les stagiaires peuvent ainsi se révéler. La gestion des incidents didactiques peut être une source d’observation des types d’adaptation du stagiaire, révélant ainsi ses conceptions de l’enseignement, de l’apprentissage et des mathématiques et sa posture épistémologique lors de la séance de cours. En portant notre étude sur les pratiques des stagiaires sur l’enseignement de la fraction, nous posons la question générale suivante : Quelles sont les pratiques des stagiaires du primaire et du post-primaire dans leur enseignement de la fraction en classe du cours moyen deuxième année (CM2) du primaire et en classe de sixième du post-primaire? Afin de répondre à cette question générale, nous tenterons de répondre à trois questions secondaires :

 Quelles sont les tâches mathématiques et la nature des situations d’enseignement planifiées par les stagiaires rencontrés pour un apprentissage de la fraction au CM2 et en sixième?  Quels sont les incidents didactiques et les types d’adaptation lors des réalisations de leçons

planifiées par les stagiaires du primaire et du post-primaire rencontrés?

 Quelles conceptions de l’enseignement, de l’apprentissage et des mathématiques sont observables à travers les postures épistémologiques adoptées par les stagiaires rencontrés durant leurs pratiques d’enseignement?

Les réponses à ces questions passent par une méthodologie de recherche adaptée. Dans le chapitre 2, nous précisons nos orientations méthodologiques et donnons notre justification du choix de l’étude de cas multiples. Nous y présentons également notre méthode de collecte des données et notre modèle d’analyse.