• Aucun résultat trouvé

Pédagogie pour de grands effectifs

1.1.3 Historique des approches pédagogiques au Burkina Faso

1.1.3.3 Pédagogie pour de grands effectifs

Des réflexions ont été menées sur la pédagogie des grands groupes afin de rendre efficientes les pratiques d’enseignement et d’apprentissage dans les classes à grands effectifs. Comme son nom l’indique, la pédagogie des grands groupes est une innovation pédagogique conçue pour gérer les grands effectifs des classes. Le nombre de 45 élèves est le plus souvent donné comme la limite supérieure d’une classe dite régulière dans les pays en voie de développement (Fofana, 2011). Dans la pédagogie des grands groupes, à travers l’organisation de la classe, on cherche à considérer que la taille de la classe n’est pas un facteur limitant les apprentissages, mais un facteur valorisant et enrichissant ces derniers. Son principe et celui de l’apprentissage coopératif semblent essentiellement les mêmes. En effet :

La coopération vise à travailler ensemble pour atteindre des objectifs communs. Avec des activités de coopération, les individus cherchent des résultats qui sont bénéfiques pour eux-mêmes et pour tous les autres membres du groupe. L’apprentissage coopératif est l’utilisation de petits groupes permettant aux élèves de travailler ensemble pour maximiser l’apprentissage des uns et des autres. L'idée est simple. Les membres du groupe sont divisés en petits groupes après avoir reçu des instructions de l'enseignant. Ils travaillent ensuite sur une tâche, jusqu'à ce que tous les membres du

14 La situation concrète consiste à faire manipuler l’élève. La situation semi-concrète consiste à faire représenter la

groupe l’aient comprise et achevée (Johnson, Johnson, & Jonhson-Holubec, 1993) (page 1:5; traduction libre).

Au Cameroun (MÉN/ADEA, 1999)15, pour une pratique de la pédagogie des grands groupes, le

maître organise ses élèves en sous-groupes de travail. Chaque sous-groupe est structuré avec un responsable, un rapporteur, parfois avec un gardien du temps, et son fonctionnement vise à cultiver l’esprit de la promotion collective. Ensuite, l’enseignant octroie à tous les sous-groupes le même travail à faire en précisant toutes les consignes. Les résultats qui découlent des débats dans chaque sous-groupe sont notés par le rapporteur pour la mise en commun. La synthèse des résultats primaires obtenus dans les différents sous-groupes constitue l’essentiel de la leçon pour toute la classe. À cette étape, l’enseignant joue un rôle de guide, de personne-ressource, d’animateur de sa classe.

L’enseignant va se servir, entre autres, de la structuration des sous-groupes, des interventions dans les sous-groupes et en plénière comme forme d’institutionnalisation pour résoudre les problèmes ponctuels d’apprentissage de ses élèves. Le sous-groupe est un lieu privilégié de préparation active des élèves, d’échange et de communication (Thériault, Couillard, Gauthier, & Landry, 1994). La pédagogie des grands groupes permet aux élèves de développer des compétences transversales comme les capacités d’organisation, de gestion du temps, d’écoute et de respect de l’autre, etc. (Mano, 2002). Tout en ressortant les retombées positives sur le rendement des élèves de l’apprentissage coopératif, Plante (2012) relève dans les travaux des chercheurs d’autres effets de l’apprentissage coopératif qui sont l’effort, la motivation scolaire, une bonne estime de soi de l’élève, ainsi que le développement des habiletés sociales et relationnelles.

La pédagogie des grands groupes consommerait du temps, mais ces pertes apparentes de temps pourraient permettre d’en gagner plus tard si les élèves arrivent effectivement à développer un savoir viable, c’est-à-dire un savoir qui peut être adapté à une famille de situations. Aussi, l’enseignant engage ses élèves à entrer dans une tâche de découverte autonome des concepts.

Une expérimentation basée sur les travaux de grands groupes a été menée à Ouagadougou pour pallier les problèmes des grands effectifs dans l’enseignement primaire (Mano, 2002). Selon l’auteur, les maîtres expérimentateurs qui ont reconnu les avantages de ces nouvelles stratégies pour eux et

pour leurs élèves ont décidé d'appliquer ces stratégies en activités d'éveil comme les sciences d’observation, l’histoire et la géographie. C’est ainsi que les responsables de l'institut pédagogique et les autorités de l'enseignement de base qui ont été satisfaits de cette expérimentation ont souhaité sa vulgarisation à travers la formation des enseignants à la pédagogie des grands groupes. Quant à l’enseignement des mathématiques au post-primaire, le principe des travaux de groupe est retenu pour les situations de grand groupe, mais il ne connaît pas de systématisation (Mano, 2002). Sa pratique serait limitée parce que les infrastructures scolaires, l’absence de matériel didactique et la lourdeur des programmes seraient, entre autres, des éléments handicapant la systématisation de la pratique de la pédagogie des grands groupes aussi bien au primaire qu’au post-primaire.

Selon Plante (2012), malgré les avancées de cette approche, trois motifs semblent freiner la mise en œuvre de l’apprentissage coopératif. Premièrement, les conceptions de certains enseignants sur leur propre rôle comme transmetteur du savoir et leur capacité à gérer efficacement l’apprentissage coopératif déterminent leur volonté de pratiquer un apprentissage coopératif dans leur classe. Deuxièmement, la planification pour la pratique de l’apprentissage coopératif est exigeante, tant dans le choix du matériel et des tâches, que dans les comportements et attitudes à mobiliser. La capacité à gérer efficacement l’apprentissage coopératif exige donc un apprentissage de l’application de cette approche dans leur classe. Troisièmement, la gestion du travail en petits groupes associée à l’apprentissage coopératif est une cause de résistance des enseignants. En effet, l’apprentissage coopératif nécessite une supervision continue et un soutien accru, parfois difficiles à maintenir. Faire des rétroactions rapides aux équipes et questionner de façon pertinente afin d’amener les élèves à organiser leur pensée seraient une source de démotivation des enseignants pour la pratique de l’apprentissage coopératif (Ding, Li, Piccolo, & Kulm, 2007; Plante, 2012).

Le sentiment qu’on ne peut pas être fidèle aux programmes d’enseignement avec un grand groupe (Peretti, 1993) semble partagé par certains enseignants au Burkina Faso. La description que ces enseignants font de la pédagogie des grands groupes révèle que leur formation sur cette pédagogie reste au stade de la simple information (Djibo, 2010). Selon Djibo (2010), ces enseignants développeraient un sentiment de désaveu de la pédagogie de groupes, car ils considèreraient que cette pédagogie ne permet pas d’apprécier le niveau d’apprentissage de chaque élève. Or, lorsque les élèves travaillent en petits groupes collaboratifs, leur apprentissage se trouve renforcé (Olson, Cooper, & Lougheed, 2011). Les travaux en sous-groupes rendent les élèves plus actifs au cours

des séances de leçons. Ils sont des occasions données à l’élève de s’exprimer sur les tâches offertes d’abord dans le sous-groupe, et éventuellement à toute la classe lors de la validation des résultats. Dans les classes à grands effectifs, des élèves peuvent rester passifs durant des séances lorsque les travaux se font individuellement ou dans le groupe-classe. Dans ce cas, nous posons l’hypothèse selon laquelle des réactions d’évitement ou d’anxiété à l’égard de la tâche sont adoptées par ces élèves (DeBlois, 2014). Selon l’auteure, ces réactions peuvent se manifester, par exemple, par des élèves (10-11 ans) lorsqu’ils ont à interpréter des relations logico-mathématiques en jeu dans des problèmes.

Pour une implantation de l’apprentissage coopératif, Plante (2012) suggère premièrement une meilleure préparation des enseignants, en introduisant dans leur formation des cours sur la gestion de cette forme de travail afin d’augmenter leurs perceptions d’efficacité professionnelle, et deuxièmement une participation des enseignants à des séances d’apprentissage coopératif afin d’augmenter leur prise de conscience des bénéfices de cette approche. Nous ajoutons l’hypothèse selon laquelle cette modalité de fonctionnement remet en question les approches pédagogiques, notamment l’approche par objectifs pratiquée au Burkina Faso. Une approche par l’apprentissage coopératif accorde une place plus grande à l’activité des élèves et par conséquent, une remise en question du rôle de l’enseignant.